Vues du globe martien : Hubble

L'opposition de 1999

L'opposition du mois de mai 1999, ou la distance entre Mars et la Terre était la plus faible depuis les 8 dernières années, a été mise à profit par le télescope spatial Hubble pour obtenir des vues globales très détaillées de la planète rouge. Les images ont été acquises par la Wide Field and Planetary Camera 2 du télescope entre le 27 avril et le 6 mai 1999, alors que Mars se trouvait à environ 87 millions de kilomètres de la Terre. A cette distance le télescope spatial est capable de percevoir des détails de 19 kilomètres seulement. Pour information, rappelons que la caméra MOC de la sonde Mars Global Surveyor est capable d'obtenir des photographies de la surface martienne avec une résolution variant entre 1,5 et 4,5 mètres/pixels (mais Hubble ne joue bien sûr pas dans la même cour que Global Surveyor). Les images ont été rendues publiques en juillet 1999 pour commémorer le deuxième anniversaire de l'atterrissage de la sonde américaine Pathfinder. Nous présentons ici quatre images qui, mises ensemble, couvrent la totalité du globe martien. Chaque image montre la planète après que celle ci ait effectué un quart de sa rotation journalière.

Lorsque ces images ont été prises, le pôle nord de Mars était incliné vers la Terre, et la calotte polaire nord apparaît donc de façon visible sur chacun des clichés. Les prises de vues ont eu lieu au beau milieu de l'été boréal. A cette époque, la calotte polaire régresse et sa taille diminue, par suite de l'évaporation de la calotte polaire saisonnière (principalement constituée de glace de CO2) sous la chaleur du Soleil. Après la disparition de la calotte saisonnière, il ne reste qu'une calotte résiduelle que l'on voit parfaitement ici. La calotte résiduelle est presque entièrement constituée de glace d'eau. Elle est entourée par un cordon de dunes de sable noir qui apparaît clairement sur les images de Hubble.

Les images du télescope Hubble ont révélé que la surface martienne a subi des changements importants au cours des deux dernières décennies. La surface martienne est principalement caractérisée par la présence de taches sombres (comme Syrtis Major ou Acidalia Planitia) et de plages claires (comme Arabia Terra). Comparées aux images obtenues par les sondes Viking il y a déjà 20 ans, les images de Hubble montrent que certains régions brillantes sont devenues sombres, et vice versa. C'est le retrait, le transport et le dépôt de la poussière et du sable qui sont responsables des modifications de surface. Une région sombre va progressivement être recouverte par une couche de poussière et devenir progressivement plus claire. Inversement, une région précédemment tranquille va être balayée par des vents qui vont décaper la couche de poussière superficielle, laissant alors apparaître un matériau plus sombre (roche, sable noir). Il est évident que les changements n'ont pas une dimension planétaire. Les régions les plus caractéristiques de la surface martienne, comme le triangle de Syrtis Major, restent stables sur de très longues périodes. Les modifications ont lieu seulement à la frontière des larges taches, ou ne touchent que de petites régions. Malgré leur discrétion, elles sont cependant impossibles à ignorer.

Les quatre vues de Mars présentées ici sont des images composites réalisées en combinant des photographies prises dans des longueurs d'ondes différentes : le rouge (673 nm), le vert (502 nm) et le bleu (410 nm).


Acidalia Planitia

La première image de Hubble est centrée sur le site d'atterrissage de Pathfinder, Ares Vallis (4), ou la petite sonde s'est posée le 4 juillet 1997. La calotte polaire nord résiduelle est bien visible. Elle est principalement composée de glace d'eau. On distingue très bien l'anneau de dunes noires qui l'entoure (1). Comme le pôle nord est incliné vers nous, on ne peut pas voir la calotte polaire sud ni les régions des hautes latitudes de l'hémisphère austral. Juste en dessous du pôle nord on tombe sur une large région sombre, Acidialia Planitia (2). On pense qu'Acidalia Planitia est une zone recouverte par des dépôts de sable noir, issu de l'érosion de roches volcaniques sombres comme les basaltes. Si l'on continue notre descente à travers la noirceur d'Acidalia Planitia, on arrive sur Chryse Planitia (3). C'est dans cette région que l'atterrisseur de la mission Viking 1 a atterri le 20 juillet 1976. A l'est, on aperçoit le désert orangé d'Arabia Terra. Plus bas, on trouve Margaritifer Terra (5) et plus à l'est, les terres sombres de Terra Meridiani (8) et de Terra Sabaea (9). A l'ouest, on repère facilement une longue ligne noire qui n'est autre que le célèbre canyon de Valles Marineris (6). On aperçoit un cyclone aux proportions gigantesques juste à gauche du pôle nord (ce cyclone est présenté de façon détaillée dans le chapitre concernant la météorologie martienne). Des nuages sont également visibles au limbe, sur les bords gauche et droit du globe martien.

Telescope Spatial Hubble : Acidalia

Crédit photo : Steve Lee (University of Colorado), Jim Bell (Cornell University), Mike Wolff (Space Science Institute) et NASA. Photo retouchée par l'auteur.


Tharsis

La deuxième image présente la région de Tharsis, qui abrite les plus gros volcans de tout le système solaire, en particulier le géant Olympus Mons (1) dont le diamètre est de 550 km et qui culmine à 26 kilomètres d'altitude. Les trois célébrités du dôme de Tharsis, les volcans Arsia Mons (2), Pavonis Mons (3) et Ascraeus Mons (4) sont situés à gauche d'Olympus Mons dans un bel alignement. Ils sont ici encapuchonnés sous des nuages. A droite d'Olympus Mons, on repère une large région qui doit être recouverte par une très grande quantité de poussière. Cette région, Amazonis Planitia (6), est également caractérisée par son relief, qui est le plus plat de toute la planète. Plus à droite encore, on tombe sur les plaines d'Arcadia Planitia (7). Ses vastes et basses plaines de l'hémisphère nord pourraient avoir accueilli il y a des milliards d'années un océan martien. Valles Marineris (5) s'étend à l'est et le site d'atterrissage de Pathfinder est voilé par les nuages à l'extrême droite de l'image.

 

Telescope Spatial Hubble : Tharsis

Crédit photo : Steve Lee (University of Colorado), Jim Bell (Cornell University), Mike Wolff (Space Science Institute) et NASA. Photo retouchée par l'auteur.


Elysium Planitia

Cette troisième image prise par le télescope spatial Hubble est centrée sur un secteur assez pauvre de Mars qui s'étend de la province volcanique d'Elysium (1) à l'ouest au dôme de Tharsis (2) à l'est.

Les trois petites taches sombres juste à gauche du centre de l'image représentent tout ce qui reste de Cerberus (4), une région sombre particulièrement bien visible pendant les missions Viking et Mariner 9. C'est un exemple des modifications énormes qui peuvent se produire à la surface de Mars et qui sont dues à des déplacements de grandes quantités de poussière sous l'effet du vent. La zone noire de Cerberus est maintenant recouverte par une couche claire de poussière qui masque le matériau sous-jacent, mais elle était bien plus étendue et sombre il y a une vingtaine d'années, quand elle a été observée et photographiée par les sondes Viking et Mariner.

Sur le coin supérieur gauche du cliché, vers les hautes latitudes martiennes, un chevron de nuages blancs composés de glace d'eau marque la position d'un front orageux. La plaine d'Utopia Planitia (5), site d'atterrissage de l'atterrisseur Viking 2, est visible en haut. Dans la partie inférieure de l'image, on distingue deux régions appartenant à une large ceinture sombre, Hesperia Planum (6) et Terra Cimmeria (7).

Le volcan Olympus Mons (3) est entièrement recouvert par un capuchon de nuages, et seul son sommet transperce la masse nuageuse. Ces nuages portent le nom savant de nuages orographiques. Ils se forment lorsqu'une masse d'air rencontre un obstacle naturel important, s'élève et se refroidit, entraînant la condensation de la vapeur d'eau et l'apparition de cristaux de glace. Le volcan Olympus Mons doit son ancien nom poétique (Nix Olympica) à ces nuages blancs qui le recouvrent périodiquement et qui lui donnaient un air de cime enneigée, aux yeux des premiers observateurs terrestres.

Telescope Spatial Hubble : Elysium

Crédit photo : Steve Lee (University of Colorado), Jim Bell (Cornell University), Mike Wolff (Space Science Institute) et NASA. Photo retouchée par l'auteur.


Syrtis Major

Dernier quartier du globe martien pris par le télescope spatial Hubble. L'image est centrée sur la célèbre région de Syrtis Major (1), qui domine l'image de sa sombre présence. Syrtis Major est la zone la plus visible de Mars et on peut facilement l'apercevoir depuis la Terre avec un petit télescope. C'est Christian Huygens qui l'a décrite pour la première fois au XVIIème siècle.

En haut de l'image, on distingue à nouveau les basses plaines d'Utopia Planitia (2) et de Vastitas Borealis (3). Les nuages blancs à droite sont associés au volcan Elysium Mons (4), le principal volcan de la plaine d'Elysium. La zone blanche et légèrement bleutée en bas de l'image correspond à un ensemble nuageux qui recouvre presque totalement le large bassin d'impact d'Hellas (5) formé par la collision d'un corps de grande taille avec la surface de Mars. D'après les derniers résultats de la sonde Mars Global Surveyor, Hellas pourrait être le plus large bassin d'impact de tout le système solaire. Son diamètre dépasserait les 2000 kilomètres. Comme c'est l'hiver dans l'hémisphère sud, le fond d'Hellas doit être recouvert de givre. De part et d'autre d'Hellas, on trouve les terrains sombres de Terra Sabaea (6), de Terra Tyrrhena (7) et d'Hesperia Planum (8).

Telscope spatial Hubble : Syrtis Major

Crédit photo : Steve Lee (University of Colorado), Jim Bell (Cornell University), Mike Wolff (Space Science Institute) et NASA. Photo retouchée par l'auteur.

 

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