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3 octobre 1962 Zagami (Niger) 18 000 g 180 millions d'années Shergottite (enrichie, mafique, intersertale) |
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Dans l'après-midi du 3 octobre 1962, alors qu'il travaille dans son champ de maïs, un paysan nigérien entend une violente explosion, puis subi de plein fouet une onde de choc qui le cloue au sol. Une poignée de secondes plus tard, dans un fracas de fin du monde, un bolide s'écrase à quelques mètres de lui. Craignant qu'il ne s'agisse d'un fragment d'obus, le paysan hésite d'abord à s'approcher du lieu de l'impact. Quand il se risque enfin à jeter un coup d'œil, il découvre dans son champ un cratère de 60 centimètres de profondeur, au fond duquel repose une étrange pierre noire. La météorite fut baptisée Zagami, en l'honneur du lieu ou elle a échoué. La pierre pesait initialement 18 kilogrammes et encore aujourd'hui, c'est la météorite martienne la plus massive jamais trouvée sur Terre. En 1988, le célèbre collectionneur de météorites américain Robert Haag échange une collection complète de pierres cosmiques contre un joli fragment (2,8 kilogrammes !) de Zagami. Grâce à cette acquisition, Zagami fut longtemps la pierre martienne la plus facile à se procurer sur le marché des météorites (1000 le gramme environ). Zagami est une roche complexe et hétérogène, composée de la juxtaposition de plusieurs lithologies. La lithologie normale (baptisée NZ pour Normal Zagami) - représentative de la météorite -, est similaire à un basalte terrestre. Son aspect foliacé est du à une orientation préférentielle des pyroxènes et des plagioclases. Certaines régions montrent une texture assez fine (grains fins), tandis que d'autres exhibent une texture plus grossière (gros grains). La deuxième lithologie (dénommée DML pour Dark Mottled Lithology) se caractérise par un aspect plus sombre et moucheté. Une troisième lithologie (DN), riche en fer, a également été décrite : elle correspondrait à une zone de fusion résiduelle. D'un point de vue minéralogique, la météorite de Zagami contient des pyroxènes, des plagioclases (transformés en maskelynite), de l'olivine (fayalite), des amphiboles (présentes au niveau de certaines inclusions vitreuses), des phosphates (apatite et whitlockite), des sulfures (pyrrhotite), des oxydes (titanomagnétite) et enfin des verres. De par sa texture et sa minéralogie, Zagami ressemble à une dolérite terrestre, la seule différence concernant les plagioclases, qui ont été transformés en maskelynite au moment de l'éjection de la surface martienne. D'après les analyses effectuées sur la maskelynite, Zagami aurait été exposé à une pression effroyable de 31 GPa, qui a d'ailleurs laissée des traces minéralogiques (outre la maskelynite, on trouve aussi de la stishovite et de la hollandite). La météorite de Zagami a été classée dans le groupe des shergottites basaltiques. Les rapports isotopiques de l'oxygène établissent clairement son origine martienne. Notons que Zagami est également la deuxième météorite martienne au sein de laquelle les chercheurs découvrirent des microscopiques poches d'atmosphère martienne (après EETA 79001). Comme toutes les shergottites, Zagami est une roche relativement jeune, puisque son age flirte avec les 180 millions d'années. Si l'on s'intéresse à la date de chute, on ne pourra manquer de relever une étrange coïncidence. Zagami est effectivement tombée sur Terre le même jour que la météorite de Chassigny (un 3 octobre), bien que 147 années séparent les deux chutes. Des géologues ont émis l'hypothèse que les deux météorites auraient été expulsées de Mars en même temps, et qu'elles auraient ensuite voyagé sur la même orbite avant d'être capturée l'une après l'autre par la Terre. Cependant, l'age d'exposition réfute cette hypothèse. D'après l'analyse des dégâts causés par les rayons cosmiques, Zagami aurait erré pendant 2,5 millions d'années dans l'espace interplanétaire, soit bien moins longtemps que Chassigny (10 millions d'années). Reste que Zagami n'est probablement pas une météorite solitaire. Pour certains géologues, la pierre aurait été éjectée de la planète rouge en même temps que deux autres shergottites basaltiques, Shergotty et QUE 94201. Le 7 novembre 1996, soit 34 ans après son arrivée, un petit fragment de Zagami décolla vers Mars, attaché au spectromètre d'émission thermique (TES) de la sonde Mars Global Surveyor. Par ce geste symbolique, Zagami est devenue la première météorite renvoyée par la main de l'homme sur son monde d'origine. |
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