Histoire du site

4 juillet 1997. Aussi loin que je puisse m'en souvenir, j'ai toujours été passionné par la biologie, et en particulier par le monde de l'infiniment petit. Dès mon entrée en sixième, j'avais déjà monté, sous les poutres d'un grenier poussiéreux laissé à l'abandon, un véritable petit laboratoire, dans lequel je passais d'innombrables heures à scruter au microscope les merveilles du monde vivant. Ma liste de cadeaux de noël ne comportait pratiquement que des noms de réactifs ou des accessoires de biologiste. Bien loin des demandes traditionnelles des gamins de mon âge, je trépignais pour obtenir du picroformol de Bouin ou du chloral lactophénol d'Aman, liquides mystérieux que mes parents étaient bien en peine de trouver dans notre petit village. Mon univers était celui des paramécies et des diatomées, et j'ignorais superbement le monde réel, social. Habité par une grande curiosité, une capacité d'émerveillement sans borne et un amour de la science, j'étais persuadé que ma vie tournerait autour de la biologie. Paradoxalement, les étendues immenses, froides et sombres du Cosmos ou se mouvaient  les planètes, les étoiles et les galaxies, et dont les qualités propres étaient pourtant susceptibles de me séduire, ne m'avaient jamais vraiment attiré. Je m'étais certes intéressé à Mars pendant mes études de biologie, cette planète ayant été la seule sur laquelle l'homme a tenté de rechercher des traces de vie en 1976, avec les sondes Viking. Mais sans plus.

Tout a basculé le 4 juillet 1997. Cette journée avait pourtant commencé comme toutes les autres. Quelques mois auparavant, j'avais été embauché comme ingénieur systèmes et réseaux par une petite société parisienne de services en informatique, et j'avais occupé ma matinée à configurer des ordinateurs. A midi, je sors mon sandwich et je commence un frugal repas, dans un face à face solitaire avec l'écran de mon ordinateur. Pour passer le temps, je lance mon lecteur de newsgroups. Quelques instants après, un message très court attire mon attention sur le forum de discussion français dédié à l'astronomie (fr.sci.astronomie) : en 3 lignes, un internaute indique que la prochaine sonde martienne de la NASA arrive ce soir sur Mars. L'adresse d'un site, sur lequel il sera possible de suivre le déroulement des opérations en direct, est mentionnée. Par curiosité, je me rends sur le site en question, et commence à lire avec un certain détachement les informations présentées. L'internaute a dit juste : une sonde baptisée Pathfinder doit effectivement se poser sur les déserts de la planète rouge en début de soirée.

L'une des plus vieilles versions du site (1er février 1999), conservée dans les immenses archives publiques (www.archive.org) de l'Internet.

Deux heures après, mon sandwich traîne, à peine entamé, au milieu d'un amoncellement de câbles, de cartes électroniques et de CD-ROM. Etant alors en intercontrat, et n'ayant rien de particulier urgent à régler en cette fin de semaine, je décide de prendre la journée (ou plutôt ce qu'il en reste). Ayant obtenu sans grande difficulté l'autorisation de mon chef de pouvoir rester à l'agence pour profiter de la connexion Internet haut débit, je me cale confortablement dans mon fauteuil, avant de me lancer dans une fouille en règle du site de Pathfinder. Moins d'une heure avant l'atterrissage, je connais le déroulement de la séquence d'atterrissage sur le bout des doigts. A 19:07 heure de Paris, le vendredi 4 juillet 1997, j'assiste, comme des millions d'internautes, à l'atterrissage de la sonde Pathfinder à l'embouchure d'Ares Vallis. Je sais que le déploiement de la sonde va prendre du temps, et que les premières images ne parviendront à la Terre que tard dans la nuit.

La première sonnerie du réveil me tire du lit instantanément. L'ordinateur est allumé en même temps que la machine à café, et un samedi matin à 07h00, me voici en train d'attendre avec une impatience non dissimulée que mon modem daigne établir une connexion Internet. Quelques dizaines de secondes plus tard, le sol rouillé parsemé de cailloux d'Ares Vallis remplit l'écran de mon ordinateur, inonde ma rétine, déferle sur mes neurones comme une révélation. Depuis cet instant, il ne s'est pas écoulé une seule journée sans que je pense à Mars.

25 août 1997. Désireux d'en apprendre le plus possible sur la planète rouge, je surfe sur Internet jour et nuit. Malheureusement, je ne tarde pas à me rendre compte que le web francophone n'est pas particulier riche en information. C'est même le désert le plus complet. Prenant mon courage à deux mains, je décide alors de créer un petit site sur Mars. Le 25 août 1997, la première version est en ligne. La moitié du site environ est consacrée aux origines de la vie, et la présentation de Mars est surtout axée sur la recherche de traces de vie, domaine dans lequel j'ai le plus de connaissances.

3 juillet 1998. Un jour avant le premier anniversaire de l'atterrissage de Pathfinder, le journal Libération publie un court article sur mon site. Les statistiques explosent.

25 août 1998. Premier anniversaire de la mise en ligne du site. Mars est de plus en plus passionnante, et je ne peux m'empêcher d'écrire des dossiers sur tous les aspects de l'exploration martienne. La partie sur les origines de la vie passe au second plan, tandis que la partie martienne ne cesse de prendre de l'ampleur. Les domaines abordés sont de plus en plus nombreux : astronautique, mécanique céleste, astronomie, planétologie, géologie, géochimie, géophysique, science de l’atmosphère, biologie, exobiologie.

Sur la forme, il m'a tout de suite semblé intéressant de regrouper sur une seule et même page toutes les informations concernant un thème donné. Certes, certains dossiers seront alors pénibles à charger au travers d'une connexion à faible débit, mais une fois la page rapatriée, le lecteur peut tranquillement la lire, l'imprimer ou l'enregistrer sur son disque dur pour une consultation off-line sans avoir à cliquer des dizaines et des dizaines de fois. Les sites qui sont conçus à la manière d'un cd-rom, avec une multitude d'écrans où deux paragraphes se battent en duel, m'ennuient profondément. Bien entendu, ce découpage était tout indiqué dès qu'il s'agissait d'afficher le plus grand nombre de pages vues par mois auprès des publicitaires, ce qui n'était absolument pas mon objectif.

De l'avis de nombreux experts, le web se devait de suivre l'exemple des chaînes télévisées, ou des dépêches de plus en plus courtes et percutantes s'enchaînaient de plus en plus rapidement. Une avalanche d'images chocs, livrées sans explication. Exit l'analyse, la mise en contexte, la vérification, l'explication, la recherche, il s'agit de noyer l'auditeur sous une masse d'informations. Ebahi par cette déferlante qui le submerge, ce dernier a l'impression d'être mieux informé, alors qu'il est simplement hypnotisé par des images formatées non plus pour faire réfléchir, mais pour enclencher des processus émotionnels ...

Le web devrait donc se fondre dans le moule ? Qu'importe les immenses espaces de stockage, qu'importe la possibilité de publier des textes sans avoir à respecter un nombre maximal de signes, il faudrait proposer à l'internaute des écrans courts, avec quelques images légendées par une à deux lignes ? Non. je crois au contraire qu'il faut profiter du mieux possible de ces pages blanches qui s'étalent à l'infini ...

Certes, comme nous l'avons déja vu, certains des dossiers de Nirgal.Net pourront être longs à charger pour des possesseurs de modems, et leur lecture à l'écran pourra vite devenir fastidieuse. Ils sont cependant le fruit d'un long travail de recherche et de documentation, ce qui vaut bien quelques désagréments. Ceux-ci peuvent d'ailleurs être facilement contournés, en sauvegardant un dossier sur disque dur pour une consultation off-line, ou en imprimant un texte un peu long.

La taille des dossiers a donc tendance à augmenter de plus en plus, et ces derniers sont de plus en plus fouillés, malgré les quelques critiques reçues par courriel.

Octobre 1998. Mon site était jusqu'à présent hébergé chez Mygale, un endroit sympathique et convivial ou les internautes pouvaient déposer leurs pages web gratuitement. Avec le débarquement des vautours sur Internet, il était cependant certain que l'arachnide n'allait pas pouvoir rester éternellement au centre de sa toile. Le 21 octobre 1998, l'inévitable se produit : Mygale fusionne avec la baguette virtuelle (un site dont je n'avais jamais entendu parler) pour donner naissance à une entité monstrueuse : Multimania. Malgré les beaux discours des responsables de cette fusion, qui tentent d'apaiser les craintes bien légitimes des webmasters quand aux nouvelles conditions d'hébergement, un changement de taille à lieu : les sites sont désormais affublés d'un horrible popup publicitaire. Scandale parmi les habitués de Mygale, et début d'un exode massif vers des refuges non encore soumis à la dictature de la publicité.

Décembre 1999. Je pars au Jet Propulsion Laboratory en Californie pour suivre en direct l'atterrissage (en réalité le crash) de Mars Polar Lander. Une semaine plus tard, j'assiste, émerveillé, au lancement du satellite XMM par une fusée Ariane 5 à Kourou en Guyane. Le retour à la réalité est très dur et je commence à m'ennuyer ferme derrière mes ordinateurs.

Janvier 2000. N'ayant aucune source de financement, je participe à la bourse des futurs organisé par Groupama. Le gagnant recevra la somme de 50 000 F. Je suis parmi les quatre finalistes, mais le prix est finalement affecté à un autre projet que le mien. Je ne pourrai donc pas faire réaliser les vues d'artiste dont je rêvais par des illustrateurs de la trempe de Manchu ...

Février 2000. Nouvelle maquette. Pour faciliter la lecture, le fond des pages sera désormais blanc.

Avril 2000. Multimania vient de mettre en place un nouveau bandeau publicitaire, encore plus affreux et intrusif que le précédent. Il va décidément falloir faire quelque chose. Sur les groupes de discussion, "l'événement" déchaîne les passions. La situation est clairement devenue intolérable.

Dans un petit article consacré aux sites martiens de la Toile, une journaliste du magazine "Ca m'intéresse" regrette de ne pas trouver plus d'interactivité sous la forme de forums de discussion. Pour ma part, je n'ai aucune envie d'installer un quelconque forum de discussion, histoire d'éviter de rééditer, à une échelle locale, le triste destin des newsgroups. Créés en 1979, les newsgroups (qui forment un ensemble baptisé Usenet) avaient été conçus pour permettre à un grand nombre de personnes d'échanger des informations sur les sujets les plus divers possible. Au départ, les conversations se déroulaient dans une ambiance cordiale et respectueuse des idées de chacun. Les intervenants étaient bien souvent passionnés, et avaient beaucoup de choses intéressantes à dire. Malheureusement, plus la population des internautes s'accroissait, plus elle ressemblait à la population en général. Les conversations furent alors diluées dans un brouhaha indescriptible. Comme le résumait un journaliste en 1996, Usenet était désormais "une salle de danse surpeuplée : des gens qui parlent fort, des tonnes de conversations sans intérêt et quantité de combat de coqs". Pour avoir une idée de l'intolérance et de l'arrogance des interlocuteurs, pour apprécier à sa juste valeur les insanités qui forment désormais le coeur des conversations, il suffit de lire quelques messages sur des newsgroups français dédié au système d'exploitation Linux ou à la politique. Les groupes de discussion consacrés à l'astronomie ont quant à eux le triste honneur d'accueillir des intégristes convaincus que l'homme n'a jamais marché sur la Lune, des ufologues qui fantasment à longueur de journée sur les petits gris, ou d'autres cinglés prétendant avoir réalisé une découverte scientifique majeure capable de révolutionner notre vision de l'Univers. Le seul véritable moyen de faire obstacle à ces dérives est de modérer le forum, c'est à dire de contrôler les messages un par un. N'ayant guère envie d'avoir sur mon site un forum ou 90 % des discussions tourneront autour du visage de Mars, et n'ayant pas le temps de jouer les modérateurs, j'ai préféré renoncer à l'interactivité des forums.

Parmi les autres modifications apportées au site, on notera la mise en place d'une revue de presse.

19 mai 2000. Le journal Le Monde publie un article d'une page (ici et ici) dans un cahier consacré aux meilleurs sites Internet. Nouvel envol des statistiques de consultation, accompagné d'une avalanche de courriels. Je note qu'il devient de plus en plus difficile de répondre au courrier électronique.

J'arrive à la fin de mon espace disque sur Multimania, et les nouveaux bandeaux publicitaires sont venus à bout de ma patience. J'ai dans l'idée de changer d'hébergeur et de passer chez Citeweb (qui n'impose pas de bandeaux publicitaires). A titre d'essai, je fais une copie miroir du site chez cet hébergeur. J'hésite cependant à abandonner définitivement Multimania pour Citeweb, car je me doute que le répit ainsi obtenu avec la pub ne sera que temporaire. Tôt au tard, Citeweb subira le même sort que Mygale, et sera lui aussi défiguré par la publicité.

Dans une tentative désespérée pour stopper la pluie de critiques dont elle est victime, la société Multimania émet un communiqué de presse qui vante la grande qualité des nombreux sites perso hébergés sur ses serveurs. Presque simultanément, je reçois par courriel une demande d'interview de la part d'un chroniqueur de Multimania. L'article du Monde est passé par là. Dans une réponse lapidaire, et avec une certaine exultation, je fais part à mon infortuné interlocuteur de ma décision de quitter Multimania dans les semaines à venir. Ah, qu'il est doux le sentiment procuré par la vengeance !

4 juillet 2000. Histoire de fêter dignement le 3ème anniversaire de l'atterrissage de Pathfinder sur Mars, j'ai ouvert un compte chez un hébergeur payant et acheté un nom de domaine. Le site s'appelle désormais Nirgal.Net (ce choix est expliqué dans la FAQ). Grâce à cette migration, je vais également pouvoir bénéficier d'une base de données MySQL.

1er octobre 2000. J'ai démissionné de ma société parisienne pour rentrer chez Geoman, une startup basée à Quimper qui édite un site web d'information sur l'astronomie et l'astronautique. Mon travail consiste principalement à couvrir l'actualité de l'exploration du système solaire.

4 décembre 2000. Dernier ajout dans la base de données nomenclaturale, qui présente désormais toutes les formations cartographiées à la surface de Mars. La migration des données sous une véritable base de données (MySQL) offre un grand confort d'utilisation, non seulement pour la consultation, mais aussi et surtout pour les mises à jour.

Mai 2001. N'ayant pas réussi à boucler un second tour de table, Geoman est condamné à disparaître. Comme beaucoup de ses consoeurs, la société est mise en liquidation, et le site web est débranché. Aujourd'hui, il ne reste plus grand chose de cette aventure. En souvenir de cette période passionnée et mouvementé, j'ai repris sur mon site, dans la rubrique "chroniques martiennes", 30 articles que j'avais écrit pour Geoman. Ces textes sont signalés par un petit logo placé en bas de page.

Février 2002. Mise en place d'un tableau récapitulatif des météorites martiennes, avec fiche d'identité individuelle.

Mai 2002. Mise en place d'une FAQ pour faire face à l'afflux de courriels, toujours plus important.

Juin 2002. Création d'une rubrique (intitulée évasion martienne) qui présentera des critiques de livres, romans ou films traitant de Mars. Cette rubrique marque également un changement important : pour la première fois, mon site se voit doté d'une source de financement ! J'ai effectivement mis en place un partenariat avec Amazon.fr, et à chaque fois qu'un roman, livre ou film est acheté par l'intermédiaire de mon site, je touche une commission. Oh la vilaine dérive commerciale !

Depuis sa création, ce site m'a demandé des milliers d'heures de travail. Grâce à cette source de revenu, je vais enfin pouvoir présenter, à défaut d'un business plan, un bilan chiffré de mon activité ! Si l'on oublie le nombre incalculable d'heures que j'ai passé à créer ou mettre à jour les multiples dossiers qui composent ce site, si l'on écarte les frais annexes comme la consommation en électricité ou le remplacement des composants défectueux ou obsolètes de mon ordinateur, le site à un coût annuel. Depuis le mois de juillet 2000 (date de l'abandon de Multimania), je paye effectivement la modique somme de 36 € pour l'hébergement, auxquels s'ajoute 14 € pour le nom de domaine. Voici donc ce que m'a rapporté Nirgal.Net depuis sa création :

Année

Dépenses

Partenariat Amazon Donation Paypal

Année

Dépenses

En partenariat avec Amazon

2000 - 50 € + 0 € ...
2001 - 50 € + 0 € ...
2002 - 50 € + 13,30 € ...
2003 - 50 € + 8,55 € ...
2004 - 50 € + 24,84 € ...
2005 - 50 € + 25,07 € ...
2006 - 50 € +17,81 € ...
2007 - 50 € + 10,02 € + 0 €
2008 - 50 € + 25,94 € + 0 €
2009 - 50 € + 58,86 € + 0 €
2010 - 50 € + 33,15 € + 0 €
2011 - 50 € + 34,33 € + 0 €
2012 - 50 € + 25,60 € + 0 €
2013 - 50 € + 8,29 € + 0 €
2014 - 50 € + 4,30 € + 0 €
2015 - 50 € + 6,25 € + 0 €
Total - 800 € + 296,31 € + 0 €
       
Bilan  

-503,69 €

500 € de perte pour des centaines et des centaines d'heures de travail ! Je ne dois pas être doué pour les activités commerciales ! Face à ce bilan stupéfiant, on pourra en conclure qu'il est absolument impossible que je puisse vivre de ma passion.

Il y a pourtant une voie que je n'ai encore jamais osé explorer ...

20 août 2003. Fin de la mise à jour de la section consacrée à l'origine de la vie. Cette dernière, délaissée très rapidement au profit des dossiers martiens, a été amenée au même niveau de qualité que les autres parties du site. Les textes sont plus documentés, mieux écrits (du moins je l'espère !) et illustrés. L'état de décrépitude dans lequel cette section était tombée m'ennuyait profondément, d'autant plus qu'elle était présente depuis les premiers jours. Je suis donc particulièrement satisfait d'avoir mené à son terme ce travail de réécriture ...

 

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