Les temps changent : les lourdes et coûteuses sondes spatiales ne sont
plus au goût du jour, place aux micromissions ! Petites, spécialisées dans un domaine
bien particulier et économiques, ces satellites miniatures pourraient bien devenir un élément majeur dans
l'exploration de la planète Mars. Le concept des micromissions est
caractérisé par deux points clés : une réduction des coûts rendu possible
grâce à une standardisation et une simplification extrême du bus (pas de
système redondant) et un lancement en tant que passager
clandestin sous la coiffe du puissant lanceur européen Ariane 5. Le bus peut
être configuré pour délivrer des sondes de nature très diverses. Les micromissions devraient avoir lieu dans le cadre du programme d'exploration de
la planète Mars américain Mars
Surveyor.GénéralitésMême avec deux satellites dans sa coiffe, le lanceur Ariane 5 est tellement puissant qu'il n'est pas utilisé au maximum de ces possibilités. D'où l'idée d'employer la place restante pour lancer des petites sondes, comme des engins dédiés à l'exploration planétaire. Ariane 5 a effectivement la possibilité d'emporter des passagers supplémentaires grâce à sa plate-forme ASAP (Ariane Structure for Auxiliary Payloads). Cette plate-forme à la forme d'un cercle évidé en son centre et elle est pourvue de 8 points d'attaches pour des microsatellites de 100 kg qui ne sont pas normalement pas dédiés aux missions interplanétaires : une masse de 100 kg n'est effectivement pas suffisante pour propulser un microsatellite vers Mars. Mais une idée originale permet de contourner cette limitation. Il suffit d'utiliser une sonde dont la plate-forme (que l'on appelle aussi bus) possède deux points d'attaches sur la plate-forme ASAP. La sonde pourra alors peser dans les 220 kg (dont 140 kg pour les ergols). Le bus, qui constituera l'ossature standard des micromissions, a grossièrement la forme d'une banane. Seuls quelques ajustements seront nécessaires suivant qu'il s'agira d'un orbiteur ou d'un atterrisseur (par exemple, dans le cas d'un orbiteur, on emportera plus de carburant pour pouvoir réaliser l'insertion en orbite). Le bus des micromissions est désigné sous le nom de TWIN (terme anglais signifiant jumeau), à cause de ses deux points d'ancrages. Un bus TWIN peut délivrer une charge utile de plusieurs dizaines de kilogrammes pour des sondes destinés à rejoindre l'atmosphère ou la surface martienne et jusqu'à 5 kg pour un orbiteur. Chaque bus TWIN peut emporter avec lui une sonde de 80 cm de diamètre, deux sondes de 60 cm de diamètre ou 3 à 4 sondes d'un diamètre de 40 cm. Une fois à proximité de Mars, les sondes se libèrent du TWIN, mais celui ci peut aussi faire partie intégrante d'une micromission. Par exemple, pour l'orbiteur de télécommunication que les américains projetaient d'envoyer en 2003 vers Mars, c'est le bus TWIN lui-même qui devait se placer en orbite ! Les micromissions peuvent être lancées au cours d'occasions diverses et variées, lors d'un vol commercial ou gouvernemental par exemple. Bien sûr, ces satellites auxiliaires (on pourrait même dire clandestins) restent tributaires du profil de mission de la charge utile principale et de la date de lancement. Or les missions à destination d'une autre planète comme Mars doivent impérativement être lancées pendant une certaine période, que l'on nomme fenêtre de tir. Il est évident que les vols commerciaux ne seront pas avancés ou retardés pour profiter d'une fenêtre de tir vers la planète rouge. Pour contourner cette limitation, les micromissions seront lancées plusieurs mois à l'avance et les petites sondes seront déposées avec la charge utile principale sur une orbite de transfert géostationnaire (orbite GTO avec un périgée à 200 km et une apogée à 36 000 km). L'idée du principe des micromissions a en fait découlé d'une observation : il suffit d'une très faible accélération à un satellite placé sur une orbite de transfert géostationnaire pour atteindre une planète comme Mars, Vénus ou simplement notre lune (l'incrément de vitesse a appliqué à un satellite n'est que de 1,4 km/s seulement dans le cas de Mars). Le concept des micromissions est du principalement au professeur Jacques Blamont du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES). A partir de la GTO, les micromissions sont injectées sur une trajectoire d'attente, ou elles pourront patienter en toute quiétude jusqu'à l'ouverture de la fenêtre de tir. La date de lancement d'une micromission est donc différente de la date de l'ouverture d'une fenêtre de tir. Ainsi, pour la première micromission qui devait partir à la fin de l'année 2002, la fenêtre planétaire s'ouvrait seulement en janvier 2003. Les trajectoires de parking choisies seront différentes selon que l'attente durera quelques semaines ou plusieurs mois. Pour un temps d'attente faible l'engin effectuera une large boucle et passera une seule fois à proximité de la lune. Si la micromission doit patienter plus longtemps avant de s'élancer vers Mars, la trajectoire d'attente sera une boucle très élancée. Le vaisseau frôlera alors par deux fois la Lune. Le survol de la Lune n'est pas anodin. Les micromissions vont utiliser la même technique que celle employée par la sonde japonaise Nozomi, à savoir l'utilisation de la Lune et de la Terre comme fronde gravitationnelle. Après s'être placé sur orbite de transfert géostationnaire (GTO), chaque microsonde aura l'occasion de survoler une à deux fois la Lune ou la Terre, histoire d'acquérir suffisamment d'énergie pour s'élancer définitivement vers Mars. Une fois à proximité de Mars, le moteur sera encore mis à contribution. Par exemple, dans le cas d'un orbiteur, les ergols restants dans le fond du réservoir serviront pour la mise en orbite (insertion sur une orbite elliptique), l'ajustement de ses paramètres (circularisation et abaissement de l'altitude à 800 km) et le maintien de l'attitude de la sonde pendant toute la durée de la mission. Les micromissions pourront aussi être lancées lors de vols à caractère scientifique. Le tir d'Ariane 5 pour la mission de retour d'échantillons (2005) de l'ancien programme martien de la NASA aurait dû être l'occasion de lancer quelques micromissions supplémentaires vers la planète rouge. Chaque fenêtre de tir à destination de la planète Mars dire quelques mois (3 à 4 en général). Au cours de chaque fenêtre pourrait avoir lieu 1 à 3 tirs d'Ariane 5. Les premières micromissions devaient partir dès 2003 (les lancements commençaient en novembre 2002 pour une fenêtre de tir située en janvier 2003). La fenêtre de 2003 aurait été l'occasion de lancer un orbiteur dédié aux télécommunications entre Mars et la Terre (il était effectivement prévu que la NASA mette sur pied un puissant réseau de communication entre la Terre et Mars doté de capacité de navigation similaire à celle du système de navigation globale par satellite terrestre, le GPS). Quatre micromissions auraient ensuite dû vers Mars en 2005, suivies de deux autres en 2007. Le CNES et la NASA vont collaborer ensemble dans le cadre des micromissions. Le CNES fournira le lanceur et la NASA la structure standard des micromissions, c'est à dire le bus TWIN. Cinq industriels américains ont d'ores et déjà répondu à l'appel d'offres lancé par le JPL (Lockheed Martin, Orbital Sciences Corp, Ball Aerospace, Spectrum Astro et SpaceDev). C'est finalement la compagnie Ball Aerospace qui a été retenue pour construire le bus TWIN, alors que la firme Aerojet s'occupera du système de propulsion. Le coût total d'une micromission sera très faible, puisqu'il variera entre 35 et 50 millions de dollars (dont 10 à 15 millions de dollars pour le TWIN). De plus, après les premières missions qui seront forcément les plus onéreuses (ce qui parait normal, le développement du bus étant à réaliser), les autres lancements pourront être effectués pour une somme bien plus modique. Le coût initial sera divisé par trois et chaque lancement ne coûtera alors plus que 15 millions de dollars, bus compris. Ainsi, grâce à un concept ingénieux et à la capacité d'emport d'Ariane 5, nous allons pouvoir lancer vers la planète rouge des missions avec plusieurs dizaines de kilogrammes de charge utile pour un coût divisé par 10 par rapport aux missions classiques. C'est une petite révolution dans l'histoire de l'exploration de la planète rouge ! Le bestiaire des micromissions est impressionnant. On y trouve absolument de tout : pénétrateurs similaires à ceux de la mission Deep Space 2, ballons solaires, planeurs et avions, orbiteurs de télécommunications, atterrisseurs, micro-rovers et nano-rovers. Chaque sonde se caractérise par le fait qu'elle est spécialisée dans tel ou tel domaine scientifique, tout en étant de très petite taille. De nombreux domaines scientifiques pourront être abordés par les sondes adhérant au concept des micromissions : géophysique, géochimie, géologie, science de l'atmosphère ou encore astrophysique. Nous allons passer en revue quelques-unes de ces micromissions, en sachant bien que cette liste n'est en aucun cas exhaustive ! Vol au-dessus de Valles MarinerisTous les romans de Science Fiction dont l'action se situe sur Mars ne peuvent manquer de présenter un survol de Valles Marineris par des engins spatiaux, des ballons ou des avions d'un autre temps. Il faut avouer que le survol d'un tel canyon ne doit rien avoir de banal. Et bien, le rêve pourrait bien devenir réalité dans un futur relativement proche ! Le projet de planeur ou d'avion martien avait d'abord été proposé dans le cadre des missions de la classe Discovery en 1998 (projet MAGE), mais il n'avait pas été retenu. En février 1999, il fait de nouveau parler de lui en réapparaissant comme l'une des premières micromissions martiennes. Parmi les propositions de micromissions, on trouve effectivement le survol du gigantesque système de canyons de Valles Marineris par un avion. Bien que la pression atmosphérique martienne représente environ un centième de celle de la Terre, elle permettrait quand même à des engins d'y évoluer. La densité de l'atmosphère martienne est similaire à celle qui règne sur Terre à une altitude de 30 000 mètres. En tenant compte de la gravité martienne, dont la valeur vaut seulement 1/3 de la gravité terrestre, un vol dans l'atmosphère martienne devient comparable à un vol effectué à 9000 mètres d'altitude sur Terre. Le but de l'avion martien est double. Le premier objectif est technologique, et il sera sans doute prépondérant, à l'image de la mission Pathfinder qui était avant tout une mission d'ingénieur. Il s'agit de valider les technologies nécessaires pour effectuer un vol dans l'atmosphère martienne et réaliser ainsi une exploration atmosphérique de Mars. Le deuxième objectif est scientifique. Le planeur ramènera de sa ballade dans l'atmosphère martienne des observations qu'aucun autre appareil n'aurait été capable d'obtenir (orbiteur, atterrisseur ou astromobile). Le lancement devait avoir lieu au mois de mai 2003. L'avion est stocké, ailes repliées, dans un module de rentrée (EV, Entry Vehicle) de 30 kg et de 80 centimètres de diamètre, lui-même monté sur le module de croisière (CARV, Cruise and Relay Vehicle) qui servira également de relais radio pendant toute la durée de vol de l'avion. Après la phase croisière entre Mars et la Terre, et une fois à proximité de Mars, le module de rentrée se sépare du module de croisière pour plonger dans l'atmosphère martienne. Ce module est similaire à celui utilisé pour la mission Pathfinder, le bouclier thermique étant par exemple identique. A la fin de la descente, le module de rentrée ouvre un parachute pour diminuer sa vitesse puis s'ouvre à 15 km d'altitude pour libérer le planeur. Une fois extrait de son container, celui ci ouvre à son tour un parachute et commence à déployer ses ailes, à 2000 mètres de la surface. Finalement, il se séparera de son parachute et entamera son vol. L'objectif est de parcourir 300 km à une altitude moyenne de 3 km en survolant Valles Marineris, et en particulier Melas Chasma. Il utilisera à ce moment là ses instruments pour étudier les merveilles qui défileront sous son nez. Le guidage de l'engin en temps réel ou même en différé étant impossible depuis la Terre (à cause de l'important délai dans les transmissions entre Mars et la Terre), le petit avion suivra un itinéraire entièrement programmé dans ses ordinateurs de bord. La technologie mise en uvre est similaire à celles des drones terrestres, ces avions sans pilote qui sont utilisés dans de nombreux domaines, en particulier le domaine militaire. Le module de croisière, quant à lui, ne va pas se placer en orbite, mais va juste se contenter de survoler Mars. Un timing très serré va lui permettre d'effectuer sa mission de relais radio. Juste après la séparation du module d'entrée, le module de croisière effectue une manuvre qui va lui donner l'occasion de survoler Mars 2 heures après l'entrée atmosphérique de l'avion. Ainsi, lorsque le planeur aura terminé son survol de Valles Marineris, le module de croisière se trouvera juste au-dessus de lui. Le petit avion va alors transmettre à haut débit les informations qu'il aura recueilli. Puis le module de croisière va s'éloigner de la planète rouge en continuant sur sa lancée, mais il aura largement le temps, dans les mois qui suivent, de transmettre les 20 gigaoctets de données et d'images vers la Terre. Si le survol avait eu lieu au mois de décembre 2003, les informations seraient arrivées en janvier 2004. Ce système est beaucoup moins coûteux que la mise en orbite d'un satellite relais, même s'il parait assez audacieux ! Les informations recueillies lors du survol de Valles Marineris permettront d'identifier des sites propices au retour d 'échantillons et d'étudier avec une très haute résolution l'une des caractéristiques géologiques majeures de Mars. Le canyon de Valles Marineris constitue effectivement une véritable fenêtre sur l'histoire et l'évolution géologique de la planète rouge. L'utilisation d'un avion pour explorer Valles Marineris est une idée lumineuse. Une sonde en orbite ne pourrait pas atteindre les résolutions de la caméra du planeur (des résolutions indispensables pour les objectifs scientifiques à remplir), et un robot ne pourrait pas traverser des centaines de kilomètres sur un terrain extrêmement accidenté. Il faut maintenant avouer que les caractéristiques de l'appareil sont plutôt floues et la NASA étudie actuellement plusieurs propositions, que ce soit pour le design de l'engin, sa charge scientifique ou encore son dispositif d'entrée atmosphérique. Le concept d'un avion martien a apparemment stimulé l'imagination de bon nombre de personnes ! Dans la mission que nous venons de présenter, le planeur (baptisé Kitty Hawk) aurait eu une envergure de 6 mètres et pèserait 100 kg, dont 40 à 50 kg pour l'avion seul. Il tirerait son énergie de batteries ou de l'utilisation de panneaux solaires. Sa charge utile serait assez réduite, puisqu'elle ne comprendrait qu'une caméra, accompagnée d'un ou deux autres instruments (dont un spectromètre infrarouge). Son coût serait inférieur à 40 millions de dollars. Il existe une forte ressemblance entre Kitty Hawk et l'avion de la mission MAGE (Mars Airborne Geophysical Explorer), proposée dans le cadre du programme Discovery. D'un coût de 250 millions de dollars, l'engin avait une envergure de 9,75 mètres, pesait 135 kg et emportait une dizaine d'instruments scientifiques. Parmi eux, on trouvait une expérience de gravimétrie (pour détecter les anomalies de gravité et déterminer la répartition des différentes masses), un magnétomètre pour l'étude des champs magnétiques locaux, une expérience sur les champs électriques, un altimètre laser et un système d'imagerie infrarouge pour les études minéralogiques. L'avion était également équipé d'un ensemble de six caméras : une caméra haute résolution (5 centimètres/pixel), une caméra moyenne résolution, trois caméras stéréo et une caméra de queue qui permettait d'obtenir des images de l'avion lui-même, avec les paysages martiens en toile de fond. La charge utile représentait jusqu'à 50 % de la masse totale. L'hélice située à l'arrière de l'avion était alimentée par un moteur à hydrazine, qui fournissait aussi l'énergie électrique aux instruments de bords. Pendant trois heures, l'avion aurait exploré en zigzagant sur une distance de 1750 kilomètres les canyons de Valles Marineris. Sous ses ailes, l'altitude au niveau du sol aurait varié de 1000 à 9000 mètres (des hauts plateaux jusqu'au plancher du canyon) ! On peut enfin citer un dernier projet d'avion martien, avec un appareil de 2 mètres d'envergure, un poids de quelques kilogrammes pour une charge utile de 2 à 5 kg et un moteur électrique de 2kg, le tout pour un vol de 10 à 20 minutes. A la fin de l'année 1999, la NASA a essuyé un revers majeur en perdant les sondes Mars Climate Orbiter puis, quelques mois plus tard, Mars Polar Lander et Deep Space 2. Peu de temps après, elle a annoncé que le projet de planeur martien qui devait avoir lieu dans le cadre des micromissions, était finalement annulé, au profit d'un satellite de télécommunication appartenant au projet Mars Network. Comme nous venons de le voir, un certain flou régnait sur les spécifications de l'appareil et certaines n'étaient pas du goût de tout le monde. Ainsi, dans une des versions proposées, le vol au-dessus de la surface martienne ne durait pas plus de 15 minutes, un temps bien trop court pour collecter des résultats scientifiques. A la lumière du désastre de la mission Mars Surveyor 98, le planeur martien apparaissait comme une fantaisie qui n'était ni sérieuse, ni réaliste. De plus, les octales techniques à surmonter avaient porté les coûts bien au-dessus de la barre des 50 millions de dollars qui caractérise les micromissions (après une nouvelle évaluation, le coût du planeur martien atteignait les 100 millions de dollars). Pascal : un lâcher de station météo sur MarsLa mission Pascal se propose de mettre en place à la surface de Mars un réseau scientifique de 24 sondes pour étudier la météorologie martienne. Pour bien comprendre le climat martien, il est essentiel d'effectuer des mesures sur une période de temps très longue, grâce à un réseau de stations (un minimum 16 stations est requis) qui effectueront simultanément des observations en différents points de la planète. Avec 24 stations, le réseau sera suffisamment dense pour enregistrer les principales caractéristiques du climat martien. Pascal devra fournir une masse de données de première importance dans le domaine de la planétologie et des sciences de l'atmosphère. Parmi les principaux objectifs, on trouve l'étude de la nature et de la variabilité du climat martien (sur des périodes journalières, saisonnières et annuelles) et la caractérisation de la structure thermique de l'atmosphère martienne (lors de la descente des sondes vers la surface), ainsi que l'étude des variations du cycle du CO2 et de la poussière. Le réseau Pascal sera la première étude globale du climat d'une autre planète du système solaire. L'une des caractéristiques de la mission Pascal réside dans le fait que les petites sondes sont toutes identiques et qu'elles ne sont conçues que pour réaliser des mesures météorologiques. La mise en uvre d'un réseau de stations capables d'effectuer des mesures dans un grand nombre de domaines (météorologie, géochimie, gravimétrie, séismologie) reviendrait bien trop cher, à cause de la complexité des sondes. Ici, les sondes du réseau Pascal n'ont qu'un paramètre à mesurer : la pression atmosphérique (la température est déduite de manière indirecte). L'utilité de la mesure de la pression atmosphérique a été démontrée avec les missions Viking. Le cycle annuel de condensation/sublimation du CO2 sur les calottes polaires peut par exemple modifier la pression atmosphérique de +/- 25 %, et d'autres phénomènes ont des signatures particulièrement nettes si on les étudie en termes de pression. En mesurant avec précision et de manière globale la circulation atmosphérique sur Mars, il sera possible de mettre en évidence les moteurs du climat martien et de comprendre le passé climatique de la planète rouge. Ce dernier point est particulièrement important pour l'étude des conditions qui ont pu permettre l'apparition d'éventuelles formes de vie sur Mars. De plus, l'étude du climat martien nous permettra d'en apprendre énormément sur le climat de notre propre planète. Enfin, d'un point de vue plus général, une compréhension détaillée de la météorologie martienne sera un atout important pour les prochaines missions et deviendra indispensable pour les futures missions habitées. Chaque sonde comporte un bouclier thermique de 40 centimètres de diamètre pour la rentrée atmosphérique. A l'intérieur, on trouve une micro station météorologique de la taille d'une boite de soda. Un générateur radio isotopique dernier cri (2,6 cm de diamètre et 3,2 cm de long) fournit de l'énergie sous forme de chaleur et rendra chaque sonde entièrement autonome. Un convertisseur thermoélectrique transforme la chaleur dégagée en courant électrique, qui vient alimenter deux petites batteries électriques au lithium de très longue durée. L'ensemble est enrobé dans un matériau destiné à atténuer le choc au moment de l'impact avec la surface martienne. Chaque sonde est également équipée d'un accéléromètre trois axes pour la phase d'entrée et de descente. Les 24 sondes du projet Pascal seraient emportées par quatre bus TWIN (six sondes par TWIN). Chaque sonde pèserait 6,8 kg (2,1 kg une fois au sol) et mesurerait 38 centimètres de diamètre. Le coût de la mission est très faible (moins de 3 millions de dollars). Une fois à la surface, les sondes vont effectuer des mesures 25 fois par jour (mesures des pressions et des températures), et ce sur une période de 10 années martiennes (soit 18,8 années terrestres). Les données seront stockées dans des enregistreurs de bord avant d'être relayées tous les 30 jours via une antenne UHF vers les orbiteurs du programme Mars Surveyor (Mars Global Surveyor ou Mars Climate Orbiter, qui a malheureusement été perdue). Le débit de données sera très faible. Les informations recueillies seront confrontées avec celles retournées par les autres missions, mais aussi avec les observations effectuées sur Terre par les grands télescopes et celles conduites par le télescope spatial Hubble. En France, le Service d'Aéronomie et le Laboratoire de Météorologie Dynamique doivent participer à cette mission. Notons enfin qu'un autre projet qui s'inscrit lui aussi dans le cadre des micromissions a également pour but l'étude de la circulation atmosphérique globale : il s'agit du projet Kelvin/Mimas (orbiteur). DynamoLa mission Dynamo comporte un orbiteur scientifique chargé d'étudier le champ magnétique et l'ionosphère martienne. Il aura pour cela à sa disposition un magnétomètre, un spectromètre à électrons, un spectromètre de masse pour l'étude des ions et des particules neutres, ainsi que d'autres instruments (sonde Langmuir, accéléromètres, jauges de densité, détecteur EUV). La mission Dynamo pourrait augmenter de manière significative les retours scientifiques de la mission NetLander. Un réseau de séismomètreLa mission NetLander décrite en détails dans un autre chapitre consiste à placer à la surface de Mars un réseau scientifique de 4 petites sondes. Bien que NetLander ne soit pas une micromission, le réseau d'observation pourrait être étendu par l'envoi de pénétrateurs de type Deep Space 2 (DS-2) qui emporteraient uniquement avec eux un séismomètre et un magnétomètre. Un sondage sismologique actif pourrait aussi être effectué, en enregistrant les chocs produit par l'arrivée à la surface de sphères lâchées depuis l'orbite martienne. Des bombes martiennesUn concept original a été proposé dans le cadre des micromissions : le largage de petites bombes "intelligentes" vers la surface martienne. L'idée a été émise suite à la large diffusion des images acquises par les bombes guidées lasers lors de la guerre du golfe. Ces engins de destruction transmettent au pilote des images de plus en plus rapprochées de l'objectif à frapper, jusqu'à sa destruction, grâce à une caméra placée dans le nez. Une bombe martienne effectuera sensiblement la même chose, à trois exceptions près : elle ne sera pas guidée pour frapper un objectif spécifique, elle pourra survivre à l'impact et son objectif sera heureusement bien plus pacifique que les bombes militaires ! La bombe pourrait prendre la forme d'un pénétrateur similaire à ceux de la mission Deep Space 2. Mais l'engin serait cette fois équipé d'une caméra haute résolution orientée vers le bas, comme la caméra de descente de la sonde Mars Polar Lander (MARDI). En plus de la camera haute résolution, la bombe pourrait emporter des capteurs supplémentaires pour mesurer la pression et la température atmosphérique pendant la descente. Sans pieds, rétrofusées ou airbags, la bombe touchera violemment la surface martienne, le mieux étant de concevoir un engin capable de résister au crash. On pourra alors collecter quelques informations finales, comme la force de l'impact grâce à un accéléromètre (ce qui donnera de précieux renseignements sur le sol). Les données seront transmises en direct pendant le plongeon vers la surface martienne, ou depuis le sol si la bombe est conçue pour survivre à l'atterrissage. L'utilisation d'un satellite relais sera indispensable, car les contraintes de masse et d'énergie n'autoriseront pas l'installation d'un émetteur radio de forte puissance. Après la phase de croisière entre Mars et la Terre, la bombe se séparerait du vaisseau porteur. Protégée par un bouclier thermique pendant la rentrée atmosphérique, l'engin serait ensuite ralenti sous parachute pour diminuer au maximum sa vitesse et faire durer la chute le plus longtemps possible. Au fur et à mesure de son plongeon vers la surface martienne, la bombe collecterait des images de plus en plus précises de la surface martienne. Outre l'intérêt médiatique évident de la séquence vidéo que l'on pourrait réaliser en enchaînant les images, ce type d'engin servirait surtout à reconnaître des sites d'atterrissage potentiels pour des atterrisseurs plus conventionnels. En larguant un grand nombre de microbombes depuis un vaisseau mère, on pourrait étudier à moindre coût un grand nombre de sites d'atterrissages. Depuis la perte de Mars Polar Lander le 3 décembre 1999, les scientifiques ont reconnu que le site d'atterrissage choisi n'avait pas fait l'objet d'une étude approfondie et que ses dangers avaient été sous-estimés. La caméra haute résolution de la sonde Mars Global Surveyor a de plus montré que la majeure partie des terrains martiens étaient très accidentés et que les zones les plus intéressantes d'un point de vue scientifique étaient aussi les plus dangereuses. Une reconnaissance détaillée à très haute résolution des sites d'atterrissage sera donc un facteur non négligeable pour le succès des prochaines missions. Les images obtenues par les bombes permettront aussi de combler le vide qui existe entre les images prises depuis l'orbite martienne par les orbiteurs et les images obtenues depuis la surface par les atterrisseurs. On pourra également envoyer ces missions suicides vers des sites qui seraient définitivement trop risqués pour des atterrisseurs conventionnels. Les ingénieurs pourront aussi tirer parti du comportement de la bombe pendant la descente (orientation, influence des vents) et des données atmosphériques recueillies par les différents capteurs. Pour en savoir plus :Liste de liens concernant les micromissions (page de bibliographie). |
Le bus standard qui va être utilisé pour les micromissions possède grossièrement la forme d'une banane ou d'un quart de cercle. Il mesure environ 250 centimètres de long pour 60 centimètres de large et 80 centimètres de haut. Sa masse n'est que de 220 kg, dont environ 140 kg de propergols. Chaque microsatellite aura juste assez de carburant pour remplir sa mission. La vue interne du bus laisse apparaître les deux réservoirs d'ergols (en jaune doré), ainsi qu'une antenne grand gain (la micromission représenté ici est un microsatellite du projet Mars Network), alors que la vue extérieure montre les panneaux solaires (Crédit photo : NASA/JPL). Le fait que les micromissions profitent des vols commerciaux d'Ariane 5 pour s'élancer vers Mars constitue un avantage indéniable, mais il y a cependant quelques inconvénients. La mission prioritaire d'Ariane 5 est de placer une charge principale sur orbite géostationnaire, et les microsatellites, qui voyagent comme des passagers clandestins vont devoir s'accommoder, du moins au début, de l'orbite choisie pour la charge utile. Les micromissions seront donc lâchées dans l'espace la ou sont largués les satellites commerciaux. Il est bien entendu hors de question de retarder le lancement d'un satellite commercial pour permettre à une petite sonde de 200 kg d'atteindre la planète rouge (d'autant plus qu'elle ne paye même pas la mise en orbite !). Les satellites commerciaux lancés par Ariane 5 sont des satellites géostationnaires. Pour rejoindre cette orbite située à 36 000 km d'altitude, ils empruntent une orbite elliptique que l'on nomme orbite de transfert géostationnaire (GTO). Nos petits microsatellites martiens vont donc se retrouver sur cette orbite, derrière les satellites commerciaux terrestres. Le hic, c'est qu'à partir de la, ils n'auront pas assez de puissance pour s'élancer directement vers la planète rouge. Pour réaliser le voyage Terre - Mars, ils vont devoir emmagasiner un supplément d'énergie. A partir de l'orbite de transfert géostationnaire, le moteur sera donc mis à feu brièvement et chaque sonde sera placée sur une trajectoire d'attente. L'utilisation d'une telle trajectoire est nécessaire, car les vols commerciaux d'Ariane 5 auront rarement lieu pendant les fenêtres de tir ! Depuis leur orbite de parking, les micromissions devront donc patienter tranquillement jusqu'à l'ouverture de la fenêtre de tir. Suivant la date de lancement par rapport à la date d'ouverture de la fenêtre de tir, l'attente pourra durer quelques semaines à quelques mois, et la trajectoire sera dessinée en conséquence. Le schéma ci-dessus illustre les trajectoires d'attente d'une micromission pour l'année 2003. Dans le cas d'un départ précoce (février 2003), la micromission effectuera une large boucle au cours de laquelle elle aura l'occasion de survoler une fois la Lune. Elle profitera alors de l'assistance gravitationnelle lunaire pour accumuler un surplus de vitesse qui autorisera son départ vers Mars (la Terre pourra également être utilisée de la même manière). Pour un lancement plus tardif (mai 2003), la trajectoire sera une boucle très élancée qui comprendra deux survols lunaires (Crédit photo : droits réservés). Vue artistique d'un avion à hélice en train de survoler le canyon de Valles Marineris. Baptisé Kitty Hawk, il aurait du voler dans Valles Marineris le 17 décembre 2003, célébrant ainsi le 100ème anniversaire du premier vol d'un avion motorisé sur le sol américain. Le 17 décembre 1903, les frères Wilbur et Orville Wright réussirent effectivement cet exploit à bord d'un avion muni de deux hélices, qui décolla de Kitty Hawk en Caroline du Nord (Crédit photo : NASA). Le projet de planeur martien a donné lieu à de nombreux concepts, et les spécifications de l'appareil sont donc très floues. Le planeur ci-dessous utilise un moteur à hydrazine comme moyen de propulsion (Crédit photo : droits réservés). Un autre projet de planeur aux formes élégantes. Il faudra sans doute encore attendre encore une paire d'années avant de voir évoluer un appareil de ce type dans le ciel martien. Après la perte consécutive de quatre sondes à la fin de l'année 1999, la NASA a revu sa stratégie d'exploration de la planète rouge. L'envoi d'un planeur en 2003 a été annulé pour laisser la place à une mission plus utile et plus réaliste (Crédit photo : droits réservés). La première micromission devait avoir lieu en 2003 avec le lancement d'un microsat, le premier élément d'un réseau de télécommunications martien baptisé Mars Network (Crédit photo : NASA/JPL). La ballade de l'appareil volant de la mission MAGE. Le premier segment (A) est le plus long (800 km). Il commence par un survol d'Hebes Chasma et se termine au sud d'Ius Chasma. Le deuxième segment (B), long de 614 km, est l'occasion pour le petit avion de survoler Melas Chasma. Enfin, au cours du dernier segment de 336 km (C), l'avion va planer au-dessus du canyon de Coprates Chasma. Une bien belle randonnée aérienne en perspective, mais qui sera sans doute écourtée dans la mission actuelle ! (Crédit photo : Atlas PDS, adapté par l'auteur). Vue artistique de la mission Pascal. 24 petites sondes, accrochées sur un vaisseau mère comme des raisins sur leur grappe, se détachent dans l'espace, à proximité de Mars. Elles seront ainsi distribuées globalement à la surface de la planète rouge. Notez que le dessin du vaisseau mère est obsolète et qu'il ne correspond pas au concept des micromissions. Pendant la rentrée atmosphérique, un bouclier thermique protége chaque sonde d'une trop forte élévation de température. A 10,8 km d'altitude, un parachute de 19 mètres de diamètre, basé sur celui de la mission Pathfinder, s'ouvre pour ralentir la sonde. Le contact avec la surface martienne est cependant violent, en dépit d'un freinage par parachute. L'énergie dégagée lors du choc final avec la surface martienne sera absorbée par un matériau spécial (en brun clair sur le dessin), qui protége ainsi les délicats instruments scientifiques. Ceux ci sont enfermés dans une boite de la taille d'une cannette de soda (le cylindre blanc). Une fois à la surface de Mars, les petites sondes peuvent commencer leur travail : une mesure de la pression atmosphérique par heure pendant 10 années martiennes ! (Crédit photo : Roger Arno, Space Projects Division). Un projet original de micromission consisterait à larguer vers Mars des petites bombes intelligentes. Munies d'une caméra frontale haute résolution, elles transmettraient au cours de leur descente des vues de plus en plus rapprochées de la surface martienne. La mission se terminerait avec l'impact au sol. Ce type de sonde permettrait d'effectuer la reconnaissance de nombreux sites d'atterrissage avant d'y envoyer des atterrisseurs plus conventionnels (Crédit photo : droits réservés). |
L'étage supérieur d'Ariane 5 est en orbite (Crédit photo : NASA/JPL). Même avec deux satellites, Ariane 5 n'est pas exploité au maximum de ces possibilités. La puissance du lanceur est telle qu'il est capable d'emporter une charge secondaire. Ici, les passagers supplémentaires sont deux micromissions. Ils sont peut être les derniers à quitter le lanceur, mais pour eux, le voyage a été gratuit ! (Crédit photo : NASA/JPL). |
Ejection de la coiffe, libération du premier satellite (Crédit photo : NASA/JPL). Ces microsatellites sont fixés sur une plate-forme ASAP, qui offre huit points d'ancrage. Comme le bus des micromissions utilise deux points d'ancrage (ce qui lui vaut son surnom de TWIN), la plate-forme ASAP peut en emporter quatre tout au plus. Ici, deux emplacements sont inoccupés (Crédit photo : NASA/JPL). |
Libération du deuxième satellite. A ce niveau, Ariane 5 a délivré sa charge utile en orbite et sa mission est réussie (Crédit photo : NASA/JPL). Les microsatellites se séparent finalement de la plate-forme porteuse (notez les points de fixation). Ils ne pourront pas partir directement vers la planète rouge et seront obligés de profiter de l'assistance gravitationnelle de la Lune ou de la Terre pour acquérir l'énergie nécessaire au voyage Terre - Mars (Crédit photo : NASA/JPL). |
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