Les météorites SNCMardi 3 octobre 1815, 8 h du matin. Dans le petit village de Chassigny près de Dijon, les habitants sont brusquement réveillés par une forte détonation. Sortis en hâte de leurs maisons, ils découvriront rapidement la cause de ce vacarme à l'origine d'un réveil un peu matinal, mais surtout effrayant : 4 kg de roches surgies du ciel ! Cependant, même à l'heure la plus sombre de la nuit, bien peu d'entre eux auraient été capables de deviner leur provenance réelle. Car ces pierres venues de l'espace ne sont pas parties de la ceinture d'astéroïdes, qui fournit la plupart des météorites, ou encore de la Lune, mais de cet œil rouge qui scintille parfois d'un éclat puissant sur la voûte céleste : Mars. De toutes les météorites martiennes dénichées à ce jour, Chassigny, c'est le nom qu'elle recevra, fut la première, mais aussi la seule jamais découverte en France. La même histoire se reproduira le 25 août 1865 soit 50 ans plus tard à Shergotty en Inde, ainsi qu'à Nakhla en Egypte le 28 juin 1911. Les trois premières météorites martiennes découvertes sont remarquables à plus d'un titre, et présentent quelques coïncidences fascinantes, sur lesquelles nous pouvons nous arrêter un instant. Premièrement, il s'agit à chaque fois de chutes observées, alors que cet événement est très rare, et que la très grande majorité des météorites sont trouvées bien après leur arrivée sur Terre, demeurée inaperçue. Ensuite, ces trois cailloux, chacun possédant une composition différente, furent pendant très longtemps à la base d'une classification simplifiée des météorites martiennes. Celles-ci étaient alors désignées sous le terme de SNC (pour Shergottite Nakhlite Chassignite), du nom des lieux des trois premières découvertes. Pendant longtemps, toutes les météorites martiennes repérées sur Terre s'inscriront dans l'une de ces catégories : les shergottites, les plus communes, ressemblent à des basaltes. Les nakhlites quant à elles sont rangés parmi les clinopyroxénites (c'est à dire des laves riches en pyroxènes, un minéral très fréquent dans les roches volcaniques), et les chassignites sont des dunites, soit un agglomérat uniquement constitués de cristaux d'olivine (un autre minéral rencontré dans les laves). La connaissance que l'on avait de ces pierres était limitée, et leur référencement facilité par leur petit nombre (la classification des météorites martiennes est abordée plus loin, et si les premiers termes minéralogiques cités ici vous ont hérissé le poil, pas de souci, vous pourrez sauter cette partie sans problème). A l'époque des premières découvertes, la véritable provenance de ces pierres du ciel, ainsi que leurs liens de parenté, n'étaient pas connus. Pourtant, quelques naturalistes avaient bien commencé à se douter que ces cailloux bizarroïdes et peut-être un peu terrifiant venaient d'un corps particulier. Ainsi, un scientifique nommé Tschermak avait, dès 1872, remarqué que la météorite de Shergotty était un basalte formé dans des conditions relativement oxydantes, ce qui était pour le moins étrange, par rapport à tout ce que l'on savait par ailleurs. En 1871, dans ses réflexions sur la panspermie, Lord Kelvin avait prédit l'existence des météorites martiennes (le savant ne voyait pas comment la vie avait pu évoluer des microbes à l'homme en un million d'années, âge estimé pour la Terre à cette époque, et qui correspondait au temps mis par une sphère chauffée à blanc de la taille de notre globe pour refroidir. Il avait donc logiquement pensé qu'elle ne pouvait que provenir d'un autre astre). Dans les années 1970, des analyses chimiques détaillées montraient que les SNC contenaient des oxydes de fer en quantité non négligeables, ce qui indiquait que le corps céleste d'où elles provenaient devait être de grande taille (pour pouvoir générer une chaleur suffisante pour fondre les matériaux rocheux) et posséder une surface assez oxydée. Or c'est justement le cas de la planète Mars, seulement deux fois plus petite que la Terre, et dont la couleur rouge caractéristique s'explique par la présence importante d'oxydes de fer. Les SNC furent néanmoins simplement classées dans un premier temps parmi le groupe des achondrites, c'est à dire des météorites ne présentant pas de chondres (petites billes rocheuses silicatées qui se sont formées dans la nébuleuse solaire, et qui sont caractéristiques des météorites dites chondritiques), et les spéculations allèrent bon train. Les choses se mirent à changer à la fin des années 1970 avec la découverte, un peu par hasard, de météorites semblables aux SNC sur les étendues blanches et glacées du pôle sud. En 1983, dans l'une d'elles, un premier indice véritablement troublant sur leur origine est mis en évidence : des bulles de gaz ayant la composition presque exacte de l'atmosphère martienne telle que mesurée par les atterrisseurs Viking en 1976 ! L'hypothèse martienne commence à se frayer un chemin dans les esprits. Les campagnes d'exploration de l'Antarctique, réalisées par des organismes scientifiques possédant des moyens financiers conséquents, et un accès privilégié sur ce continent de glace, se succèdent, et furent bientôt couronnées de succès. Les spécimens s'accumulent, lentement mais sûrement. L'un d'eux, ALH84001 (qui allait défrayer la chronique et faire couler beaucoup d'encre), était d'un type différent des SNC. A la fin des années 1990 et au début des années 2000, des collectionneurs, vendeurs et chercheurs de météorites se mirent à sillonner en long, en large et en travers les déserts chauds du globe, principalement ceux d'Afrique du Nord et d'Oman. La raison ? Les météorites martiennes valent de l'or. Non pas parce qu'elles contiennent des minéraux ou métaux précieux, mais simplement parce qu'elles viennent de la planète rouge. Certains chasseurs font fortune, et parmi eux des français qui deviendront célèbres. Les découvertes s'enchaînent à un rythme effréné, rendant encore plus ardu le référencement des trouvailles, et mettant à mal la classification alors en vigueur. Le terme SNC a alors de plus en plus de mal à englober la nature particulière de ces météorites, dont la provenance semblait dans le même temps faire de moins en moins de doute. Parallèlement, l'analyse de ces roches dans les laboratoires commença à soulever autant de questions qu'elle n'apportait de réponses. Mais voyons tout cela plus en détails. A la recherche de l'or rougeL'une des premières questions que l'on peut raisonnablement se poser à propos d'une météorite (martienne ou non, sachant que la très grande majorité des météorites proviennent de la ceinture d'astéroïde) est de savoir comment les reconnaître. Quels sont les indices, les éléments qui permettent son identification, si possible à l'œil nu ? Qu'est-ce que ces pierres ont de particulier, par rapport à la masse innombrable des roches qui jonchent la surface de notre planète ? La caractéristique principale d'une météorite est la présence, à sa surface, d'une fine couche noire que l'on nomme croûte de fusion. La météorite est en général entièrement recouverte par cette fine pellicule, et c'est seulement après avoir brisé la pierre que l'on apercevra son intérieur, généralement de couleur bien différente. Cette croûte de fusion se forme lorsque la météorite traverse l'atmosphère de notre planète : portée à de très hautes températures, la surface de la météorite fond, puis se transforme en verre en refroidissant. La croûte de fusion joue un rôle considérable dans le repérage des météorites : grosso modo, la technique utilisée consiste à se rendre sur des étendues plates, claires (neige, désert), ou aucune activité volcanique (productrice de roches sombres) n'a eu lieu, et de rechercher des cailloux noirs, qui sautent alors aux yeux comme le nez au milieu du visage. Cette couleur noire est celle du vernis formé lors de la traversée de l'atmosphère terrestre : la croûte de fusion. Notez bien que toutes les pierres noires ramassées dans ces endroits ne seront pas forcément des météorites, et encore moins des martiennes. L'identification d'une météorite, et la confirmation de son origine martienne demande dans tous les cas des examens microscopiques, minéralogiques et chimiques. Même si des spécialistes peuvent parfois, dans certaines conditions, reconnaître une martienne en un clin d'œil, des analyses sont toujours nécessaires, et certaines exigent une instrumentation sophistiquée, à laquelle seuls des laboratoires réputés ont accès. En ce qui concerne la probabilité de découverte d'une météorite au niveau du globe, certaines régions offrent des chances de trouvaille bien supérieures à d'autres. Les météorites tombent sur Terre en permanence, et sur n'importe quel endroit, mais bien peu sont découvertes au final. Celles qui échouent dans les mers et les océans sont perdues à jamais (les étendues d'eau représentant 3/5 de la surface de notre globe, le gâchis est donc non négligeable). Celles qui s'écrasent sur la terre ferme sont très difficiles à trouver, surtout si personne n'a assisté à leur chute (et nous avons vu plus haut que c'est très souvent le cas). Même avec une croûte de fusion bien visible, une météorite n'est qu'une roche parmi tant d'autres (même si les météorites métalliques se repèrent par exemple plus facilement que les pierreuses, à cause de leur aspect, de leur poids et de leur magnétisme). Certaines peuvent tomber dans des zones forestières humides, d'autres sont rapidement enterrées. Sous un climat tempéré, la croûte de fusion s'altère rapidement et prend un aspect terne et une coloration brun-rouille. Notre météorite devient encore plus difficile à repérer parmi les autres roches terrestres. Il existe néanmoins des régions du globe qui favorisent grandement la recherche et la collecte de météorites. L'une des plus importantes est l'Antarctique. En 1969, des glaciologues japonais découvrent neuf fragments météoritiques sur une zone de quelques kilomètres carrés de la calotte glaciaire australe. De prime abord, les géologues estiment que les fragments proviennent de la dislocation en altitude d'une seule et même pierre. Les analyses chimiques montrent cependant rapidement que les débris appartiennent non pas à une seule, mais à quatre météorites différentes ! D'un point de vue statistique, cette situation est impossible. Les chutes de météorites à la surface du globe sont effectivement des événements très rares, et il est parfaitement improbable que quatre météorites indépendantes, n'ayant rien en commun, aient choisi d'atterrir dans un mouchoir de poche. Pour les géologues, un mécanisme inconnu, capable de concentrer des météorites en surface, doit donc être à l'œuvre. Des études glaciologiques menées en 1977 vont effectivement confirmer cette intuition. Lorsqu'une météorite s'écrase sur les étendues glacées de l'Antarctique, elle est rapidement recouverte de neige, qui finit par se transformer en glace. La pierre se retrouve alors prisonnière d'un glacier, dont la masse mouvante progresse lentement vers la mer. Au cours de son inéluctable reptation, le glacier peut être bloqué par le sommet d'une montagne émergeant de la calotte glaciaire (on nomme ces reliefs des nunataks) ou une pente rocheuse. La surface du glacier est alors balayée par des vents catabatiques très violents qui commencent à décaper la glace. Au fur et à mesure que le glacier s'amincit sous les assauts venteux, les météorites qu'il transportait émergent progressivement à l'air libre. Par le jeu des glaciers, véritables tapis roulant naturels, des météorites disséminées sur une surface très étendue peuvent ainsi être regroupées dans des zones de dimensions beaucoup plus réduites. Au bout d'une dizaine ou d'une centaine de milliers d'années, la concentration des météorites peut atteindre un niveau proprement spectaculaire. L'Antarctique offre également d'autres avantages aux chercheurs de météorites. Dans cet environnement froid et sec, la croûte de fusion (ainsi que la météorite) se conserve extrêmement bien sur de très longues périodes. De plus, il est très facile d'apercevoir des roches noires sur la glace, d'autant que celle-ci, au cours de sa progression, perd les bulles d'air qui lui conférait sa couleur laiteuse et se pare d'un bleu splendide. Régulièrement, les Etats-Unis sponsorisent un groupe de chercheurs de météorites qui partent pour ce paradis météoritique qu'est l'Antarctique. Cette expédition, baptisée ANSMET (Antarctic Search for Meteorites), est financée par la NSF (National Science Foundation) et la NASA. La première expédition ANSMET s'est jointe à une équipe japonaise (qui avait déjà commencé les recherches et récolté 983 météorites en seulement trois expéditions). A ce jour, un peu plus de 20 000 météorites ont ainsi été récupérées par les expéditions ANSMET. S'il est assez facile de ramasser les météorites en surface, c'est en revanche beaucoup plus difficile de collecter celles enfouies dans la glace bleue. Même si la surface de la glace offre un spectacle aussi magnifique qu'envoûtant, cette dernière est solide, glissante et aussi dure que la pierre. C'est de plus un travail très dangereux, car le risque de tomber dans une crevasse n'est pas exclu. Une fois qu'un champ de glace bleue a été identifié, les membres d'une équipe ANSMET se déplacent à sa surface grâce à des motoneiges et balayent du regard le sol à la recherche d'éventuelles météorites. Les motoneiges permettent de se déplacer sans effort sur de larges zones, et sans courir le risque de glisser. La probabilité de tomber dans une crevasse est également moins importante. Les expéditions ont lieu pendant la période d'été en Antarctique (d'octobre à début janvier) quand la neige et le blizzard sont peu abondants et que le soleil ne se couche jamais. Quand une météorite est localisée, l'équipe ANSMET note sa position exacte (coordonnées GPS), sa taille, sa couleur, l'épaisseur de la croûte de fusion, son type probable et n'importe quel élément qui peut paraître important sur le moment. Certains des outils utilisés pour la collecte sont similaires à ceux utilisés par les astronautes des missions Apollo. Les roches sont manipulées avec des instruments spéciaux en acier inoxydable et sont immédiatement scellées dans des récipients stériles en plastique ou en aluminium, dans le but d'éviter toute contamination. Les fragments collectées sont enfouis dans de la neige carbonique (pour simuler les conditions d'origine) et envoyés à Houston (Texas) dans un laboratoire du Johnson Space Center (Antarctic Meteorite Laboratory). Les météorites sont alors examinées, classifiées et stockées. Elles sont manipulées en environnement stérile, dans des chambres remplies d'azote, de manière à éviter une éventuelle contamination par des particules terrestres et une exposition à l'air libre (qui entraînerait une altération). Même si l'Antarctique reste important pour la collecte de météorites, et que les robots épaulent désormais les hommes, ce n'est aujourd'hui plus l'unique eldorado et la seule terre de prédilection des chasseurs de pierres martiennes. Comme nous l'avons vu en introduction, depuis les années 2000 et contre toute attente, des équipes privées réalisent de superbes découvertes dans des déserts chauds, comme ceux d'Afrique du Nord ou du Sultanat d'Oman. Les chiffres sont éloquents : depuis 1975, 60 % des météorites récupérées viennent de l'Algérie, du Maroc, de la Libye ou d'Oman. La principale problématique des météorites africaines est que, contrairement aux pierres collectées sur les glaces de l'Antarctique, leur provenance n'est pas connue avec précision. Les roches sont souvent découvertes par des nomades, des touaregs, qui, après avoir été conseillés, ont pris l'habitude de ramasser toute roche plus ou moins noire, et reposant de manière isolée et anormale parmi une étendue désertique non caillouteuse, ou jonchée uniquement des roches claires. Les trouvailles sont ensuite vendues à des marchands spécialisés dans ce type de commerce, qui gardent pour eux le lieu de collecte, de manière à pouvoir retourner sur place en toute tranquillité, et à maximiser ainsi leur profit. Les météorites peuvent également traverser les frontières, certains pays (comme l'Algérie) interdisant formellement l'exportation de ressources naturelles, comme les roches, minéraux et autres objets archéologiques. Les pierres quittent alors le pays en question par contrebande, puis sortent "officiellement" par un autre pays frontalier (annoncé comme le lieu de découverte), moins regardant, éventuellement avec un certificat en bonne et due forme. La chasse aux météorites prend alors l'allure d'un pillage très lucratif, ou diverses équipes se livrent à une concurrence féroce. Ainsi, pour les météorites venant d'Afrique du Nord (les NWA), et sauf exception, il est bien souvent véritablement impossible de connaître le lieu d'arrivée de la roche, et la position de l'ellipse de chute. Lorsque de multiples fragments sont mis à jour, il est également très difficile de savoir s'ils sont ou non appariés, c'est à dire s'ils font partie de la même chute, ou proviennent au contraire de chutes différentes. Enfin, il n'est pas exclu qu'une météorite proposée sur un marché et présentée comme une NWA pour faciliter la vente puisse venir d'une autre région du globe que le continent africain. En géologie, il est fondamental de connaître le lieu de récolte d'une roche. Un caillou ramassé sur un chemin, dans le lit d'une rivière, ne vaut généralement pas grand chose d'un point de vue scientifique. Ainsi, plutôt que de se contenter de se baisser et de collecter des échantillons à même le sol, il est de loin préférable de faire quelques efforts et de se munir d'un pic, pour attaquer vigoureusement une strate rocheuse et en arracher un fragment. Cette manière de procéder à de nombreux avantages : non seulement la roche prélevée sera (en général) fraîche, non altérée par les éléments, mais sa provenance sera de plus établie de manière certaine et définitive. Cependant, dans les cas des météorites martiennes, le véritable lieu d'origine (dont l'identification pose problème, comme nous le verrons plus loin) se trouve en réalité sur la planète Mars, et non sur la Terre. L'absence d'informations sur le lieu de chute n'enlève finalement rien ou presque à la valeur scientifique de la roche martienne, hormis le fait de ne pas pouvoir replacer dans leur contexte les informations sur les processus d'altération que la météorite a éventuellement subi. Qu'elle tombe en Antarctique, dans les forêts vosgiennes ou sur les étendues sableuses du Sahara, une météorite martienne reste une météorite martienne et l'analyse chimique et isotopique livrera les mêmes renseignements. Encore une fois, la vraie problématique se pose avec le lieu d'origine de la roche sur la planète Mars (le contexte géologique dans lequel la roche s'est formée), et non l'emplacement du lieu de chute sur Terre. Si l'Afrique du Nord a clairement le vent en poupe en ce qui concerne l'exhumation de météorites martiennes, d'autres régions désertiques demeurent pour l'instant relativement peu explorées et pourraient conduire dans le futur à des découvertes significatives, comme le désert de Gobi en Mongolie, l'Australie ou les déserts de l'ouest américain. Actuellement, on dispose de 209 météorites martiennes (3 chassignites, 20 nakhlites et 183 shergottites, plus la météorite ALH84001, un curieux basalte vésiculaire non bréchique et enfin une brèche d'impact polymicte tout à fait rarissime), collectées un peu partout dans le monde, au Brésil, en Antarctique, aux États-unis, en Afrique (Maroc, Algérie, Libye) ou dans le Golfe persique (Sultanat d'Oman). Parmi ces 209 échantillons, cinq seulement proviennent de chutes (c'est à dire que l'on a véritablement observé l'arrivée des pierres au sol). Il s'agit de la première chassignite (française), de la shergottite et de la nakhlite initiale, ainsi que de la météorite de Zagami, tombée au Niger en 1962, puis, plus récemment, de la météorite Tissint, récupérée en 2011 au Maroc. Enfin, mentionnons à titre d'anecdote qu'il existe un type radicalement différent de météorites martiennes : il s'agit de météorites qui ne proviennent pas de Mars mais qui ont été trouvées sur Mars par des robots interplanétaires ! Le rover américain Opportunity a effectivement identifié une météorite métallique sur les plaines déblayées par les vents de Terra Meridiani. L'impressionnant rover Curiosity a ensuite répété cet exploit à l'intérieur du cratère Gale, ce qui laisse penser que la découverte de météorites sur Mars est bien plus facile que sur Terre. Certes, la planète rouge est un monde entièrement désertique, et ne possède aucun océan ni forêt, mais les robots explorent des secteurs très restreints malgré leur capacité de déplacement, et l'érosion éolienne joue un rôle important sur Mars, en déplaçant continuellement un manteau de poussière, qui peut donc masquer énormément de choses. Soit les rovers ont une chance folle, soit Mars est réellement un terrain de rêve pour la chasse aux météorites. Dans les deux cas cités ci-dessus (la découverte d'Opportunity et celle de Curiosity), il s'agit des météorites ferreuses, provenant de la ceinture d'astéroïde. Nous pouvons donc aussi les appeler météorites martiennes, parce qu'elles ont été trouvées là-bas, même si elles n'ont bien sûr rien à voir avec les météorites martiennes que nous recevons sur Terre. Il n'est d'ailleurs pas exclu que l'on découvre un jour sur Mars une météorite lunaire ou même ... terrestre ! Des météorites de Mars ?Revenons maintenant à l'improbable provenance de nos météorites. Comment peut-on être sûr et certain que parmi les pierres qui tombent du ciel et qui ont été ramassées dans les déserts froids et chauds de notre planète, quelques-unes viennent bien de Mars ? Car c'est là une affirmation extraordinaire, l'une de celles qui, comme dirait le regretté Carl Sagan, exige des preuves extraordinaires. Premier indice notable, et sauf exception (NWA 7034), elles présentent toutes la même signature isotopique de l'oxygène, ce qui indique indubitablement une origine commune (pour plus d'information sur la définition d'un isotope, lisez la section consacrée à la datation un peu plus bas). Il existe effectivement des variations importantes du rapport isotopique de l'oxygène au sein des différentes classes de roches du système solaire. L'oxygène existe dans l'Univers sous la forme de trois isotopes stables : le plus courant, l'oxygène 16O, possède 8 protons et 8 neutrons. Les deux autres, plus rares, contiennent un neutron (17O) ou deux neutrons supplémentaires (18O). En mesurant le rapport de l'oxygène 17 (17O) sur l'oxygène 18 (18O), les scientifiques se sont rendu compte qu'ils pouvaient ranger les pierres dans des cases, selon leur provenance. Ainsi, les roches terrestres ont un rapport isotopique de l'oxygène différent des météorites de la ceinture d'astéroïde, ou des pierres lunaires. Si deux météorites possèdent un rapport isotopique différent, cela prouve qu'elles proviennent de deux réservoirs distincts. Au contraire, si le rapport isotopique est proche, cela indique qu'elles viennent du même corps parent. C'est le cas des météorites martiennes. Comme nous le verrons plus loin, les pierres martiennes sont également très jeunes (à l'exception d'ALH84001) avec un âge apparent allant de 170 millions (pour les shergottites) à 1,3 milliards d'années (pour les chassignites et les nakhlites), alors que la grande majorité des météorites ont un âge de formation variant de de 4,56 à 4,48 milliards d'années. Leur minéralogie suggère de plus une origine liée à un volcanisme en présence d'eau (ce sont les seules météorites basaltiques hydratés connues, ce qui indique l'existence d'eau sur le corps parent). Ces pierres ne peuvent donc pas provenir de la ceinture principale d'astéroïdes (qui constitue la source principale de météorites), car ceux-ci ne possèdent pas une taille suffisante pour conserver une activité volcanique pendant des milliards d'années. Ces météorites semblent plutôt provenir d'un astre massif qui connaissait encore une activité volcanique, même sporadique, il y a plusieurs centaines de millions d'années. Nos pierres énigmatiques présentent également d'autres caractéristiques intrigantes : elles contiennent toutes du fer sous la forme d'oxydes (dans des minéraux comme la chromite, un oxyde de chrome et de fer, l'ilménite, un oxyde de fer et de titane, la magnétite, un oxyde de fer doté de propriétés magnétiques, etc), mais jamais de fer sous la forme native (métal pur). En ce qui concerne les sulfures (minéraux contenant du soufre), elles renferment toutes de la pyrrhotite, mais presque jamais de la troïlite. Enfin, au niveau des minéraux ferro-magnésiens comme l'olivine et les pyroxènes, le ratio entre le fer et le manganèse apparaît bien différent de celui des roches terrestres, et possède une valeur particulière, qui permet d'ailleurs leur identification de façon presque aussi certaine que la signature isotopique de l'oxygène. Procédons par élimination. Nous pouvons déjà écarter d'entrée les planètes géantes du système solaire externe tels que Jupiter ou Saturne, car leur surface n'est pas rocheuse mais gazeuse. Nos météorites ne peuvent pas non plus provenir de la Lune, car l'activité géologique a cessé il y a 3 milliards d'années sur notre satellite. De plus, grâce aux missions Apollo, nous possédons sur Terre 382 kg de roches lunaires, qui ont été étudiées avec une incroyable minutie par les géochimistes. Or les différences entre les pierres lunaires et les SNC sont trop flagrantes pour que l'on puisse honnêtement attribuer une origine sélène à ces dernières. Dans la recherche du corps parent, la planète Mercure n'est pas non plus un bon candidat. Comme dans le cas de la Lune, le volcanisme mercurien s'est lui aussi éteint il y a plusieurs milliards d'années. De plus, un corps éjecté de la surface de Mercure par un impact d'astéroïde suivrait une orbite qui aurait tendance à rejoindre le soleil, et qui aurait peu de chance de recouper celle de la Terre, située dans la direction opposée. Quant à la planète Vénus, elle a bien connu un volcanisme récent, mais sa forte gravité, combinée avec une atmosphère d'une grande densité (la pression atmosphérique est 90 fois supérieure à celle de la Terre), constitue une véritable prison pour les fragments rocheux qui seraient tentés d'aller voir ailleurs. Par élimination successive, il ne reste donc que Mars ... Plusieurs indices semblent confirmer cette hypothèse. Le paléomagnétisme des météorites martiennes est assez léger, ce qui implique qu'elles doivent provenir d'un corps dénué (ou presque) de champ magnétique. Or Mars ne possède plus de champ magnétique global depuis plusieurs milliards d'années, mais seulement des champs magnétiques locaux, qui forment des petites ombrelles enracinées dans la croûte. A ce sujet, il est important de noter qu'il faut impérativement éviter d'approcher un aimant d'une météorite dont on soupçonne la nature martienne. Dans l'esprit de nombreuses personnes, les météorites sont magnétiques, et il est vrai que les météorites ferreuses, très communes, constituées principalement de fer et de nickel, attirent l'aimant, et font réagir un détecteur de métaux. Cependant, dans le cas des martiennes, le test à l'aimant n'est pas un critère déterminant, les pierres n'étant que faiblement magnétique, et doit même être évité, surtout avec des aimants puissants (terres rares) comme ceux au néodyme. Ainsi, en Antarctique, lors des campagnes de fouille, l'utilisation d'aimant est proscrite. Le problème est lié au fait que si un aimant puissant est approché d'une météorite martienne, il va modifier la magnétisation de cette dernière en surface, et compliquer ainsi les mesures magnétiques qui seront effectués par les chercheurs (ceux-ci devront alors travailler dans la profondeur de la pierre, après sciage ou carottage). Si un test doit vraiment être effectué, il faut mieux alors le réaliser sur un petit fragment isolé du reste de la pierre. Les minéraux constitutifs des SNC (voir la section composition et classification ci-dessous) sont également relativement proches de ceux identifiés par les sondes qui sont parvenues à rejoindre la surface de Mars (Viking, Pathfinder, Spirit et Opportunity, Curiosity). L'argument massue en faveur d'une origine martienne est cependant la découverte en 1983, dans l'une des shergottites provenant de l'Antarctique (EETA 79001), de petites poches de verre renfermant d'infimes quantités de gaz atmosphérique. Pour étudier ce gaz, la roche doit être soumise à un dégazage progressif. L'échantillon est placé sous vide et chauffé régulièrement jusqu'à une température finale de 1500°C. Les scientifiques peuvent alors déterminer la composition isotopique des gaz libérés pendant le chauffage. Dans ce cas précis, les éléments détectés furent les suivants : hélium, néon, argon, krypton, xénon et azote. Or la composition de cette atmosphère prisonnière de la roche (en particulier la quantité de composés inertes et les rapports isotopiques) est exactement identique à celle de l'atmosphère martienne, analysée par les sondes Viking. Ces résultats spectaculaires ont ensuite été confirmés par l'étude des gaz inclus dans la météorite Zagami (1995), puis Shergotty (1998). Malgré ce faisceau de preuves, est-on vraiment certain que ces cailloux sont martiens ? Tout le monde n'en est pas aussi convaincu. Les mesures de composition atmosphérique effectuées par les sondes Viking sont effectivement imprécises, les barres d'erreurs étant parfois trop importantes pour que l'on puisse honnêtement avoir des certitudes. De plus, la corrélation entre la concentration en argon dans les météorites et dans l'atmosphère martienne n'est pas satisfaisante. Fort heureusement, le rover Curiosity est venu récemment confirmer les résultats des Viking. Son instrument SAM (Sample Analysis on Mars) a permis de préciser la valeur du rapport entre l'Argon 36 et l'Argon 38 à 4,2 (l'intervalle déterminé par les sondes Viking en 1970 était de 4 à 7, contre 3,6 à 4,5 pour les analyses menées sur les météorites martiennes). Les météorites martiennes offrent également deux paradoxes de taille qui pourraient faire douter de leur origine présumée. Jusqu'à présent, on a trouvé sur Terre approximativement autant de météorites provenant de la Lune (105 à ce jour) que de météorites provenant de Mars, alors que la Lune est 400 fois plus près de la Terre que la planète rouge. Etant donné cette grande proximité, ainsi que la petite taille de notre satellite, on pouvait logiquement s'attendre à trouver beaucoup plus de météorites lunaires que de météorites martiennes. Des calculs montrent effectivement que, étant donné la distance Terre - Lune, une météorite lunaire sur deux pourrait parvenir sur Terre, contre un peu plus de 5 % pour les météorites venant de la planète rouge. Une roche lunaire aurait donc 10 fois plus de chance d'échouer sur notre planète qu'une roche martienne ! Le champ de gravité de la Lune étant également inférieure à celui de Mars, l'énergie requise pour expulser un débris rocheux dans l'espace est moindre : des impacts modestes (qui sont statistiquement plus nombreux que les impacts géants) pourraient donc éjecter des météorites en frappant la Lune, alors qu'ils en seraient incapables sur Mars (des impacts géants beaucoup plus rares étant alors nécessaires). Compte tenu des avantages flagrants de la Lune en faveur de la création de météorites, on devrait théoriquement découvrir sur Terre 140 pierres lunaires pour 1 pierre martienne. Or le compte n'y est manifestement pas. Cette situation paradoxale peut cependant être expliquée. Jusqu'à présent, on pensait que seuls des impacts très violents, capables de laisser en surface des cicatrices de 12 kilomètres de diamètre, pouvaient libérer l'énergie suffisante à l'expulsion de débris rocheux vers l'espace (pour qu'un fragment puisse échapper à l'attraction de la planète Mars et vagabonder dans le vide interplanétaire, il doit acquérir une vitesse supérieure à la vitesse de libération, soit 5.2 km/s). Les cratères d'impact de 12 kilomètres de diamètre sont extrêmement rares et s'il ne fallait compter que sur eux pour obtenir des météorites martiennes, on serait encore à chercher la première. Cependant, une fois que les scientifiques furent raisonnablement convaincus de l'origine martienne de certaines météorites, les théoriciens furent forcés de revoir leurs calculs, et découvrirent qu'il est bel et bien possible pour des fragments de la croûte martienne d'être éjectés dans l'espace et de finir leur voyage sur Terre. Des simulations sur ordinateur ont en effet montré que des collisions quatre fois plus modestes, créant des cratères de seulement 3 kilomètres de diamètre, pouvaient parfaitement éjecter des fragments rocheux vers l'espace. D'un point de vue statistique, ces impacts sont beaucoup plus nombreux que ceux de 12 kilomètres : un impact de cette nature se produirait chaque 200 000 an sur Mars. En contribuant fortement aux échanges de matériaux rocheux entre Mars et la Terre, ils assureraient un approvisionnement non négligeable en météorites martiennes, ce qui pourrait expliquer la relativement grande abondance de ces visiteurs célestes sur Terre. D'après les calculs réalisés, il devrait même en théorie en tomber au moins une chaque mois. Une petite lueur d'espoir pour tous ceux qui rêvent un jour de découvrir sous leurs pieds une pierre martienne ! Un autre phénomène doit être pris en compte pour expliquer le paradoxe de l'abondance. Malgré leur apparente diversité, les analyses chimiques montrent que toutes les météorites martiennes connues à ce jour seraient plus ou moins apparentées, et ne proviendraient tout au plus que de 5 à 8 impacts ayant eu lieu dans les derniers 20 millions d'années (la plupart des shergottites, qui sont des roches très jeunes, pourraient ainsi provenir de 3 à 4 impacts seulement). Voilà qui rétablirait la balance en faveur des pierres éjectées de notre satellite : contrairement aux météorites martiennes, les pierres lunaires n'ont pas été éjectées en famille, mais individuellement, une météorite correspondant à un impact particulier. Ainsi, quand on les ramène au nombre d'impacts, les météorites lunaires sont bien plus abondantes que les météorites martiennes. La relativement grande abondance des météorites martiennes n'est pas le seul paradoxe offert par ces pierres intrigantes. Leur âge est également énigmatique. Comme nous allons bientôt le voir, à une exception près (ALH84001), les météorites martiennes sont très jeunes, puisque leur âge varie en moyenne de 170 millions d'années à 1,3 milliards d'années. D'un autre côté, la surface martienne d'où proviennent les météorites est en moyenne beaucoup plus ancienne : si l'hémisphère nord de Mars est effectivement composé de terrains récents, d'âge amazonien, les étendues qui forment l'hémisphère sud datent d'environ 4 milliards d'années, c'est à dire du noachien. Etant donné que les impacts qui éjectent des fragments de la croûte martienne vers notre planète frappent aléatoirement n'importe quelle région du globe martien et ne peuvent pas choisir de s'abattre uniquement sur les terrains jeunes, on devrait s'attendre à recevoir sur Terre des météorites bien plus âgées. La solution de l'énigme tient peut-être dans le comportement particulier de la surface martienne vis à vis des impacts d'astéroïdes et de comètes. En modélisant informatiquement avec une grande précision la physique d'un impact, des chercheurs ont découvert que les terrains âgés, concassés et fragilisés par des impacts précédents, sont moins favorables à la satellisation de fragments rocheux que les terrains jeunes. Mais il est également possible qu'une erreur cruciale se soit glissée dans la détermination de l'âge des shergottites ... Quoi qu'il en soit, les SNC sont d'une importance capitale pour la science martienne. Elles permettent, après des analyses très fines (hors de portée des analyses in-situ des engins spatiaux) d'identifier de nombreux processus géochimiques. De plus, si nous parvenons un jour à identifier de manière formelle leur lieu de formation, elles pourraient permettre de dater de manière absolue les terrains martiens (qui sont pour l'instant datés de manière relative, sur la base du comptage des cratères d'impact). Seule la Lune a pour l'instant pu être datée avec précision grâce aux missions Apollo et au retour d'échantillons. Les deux prochaines sections abordent justement la question de la datation de ces roches, ainsi que l'épineux problème de l'identification de leur lieu d'origine sur Mars. La datation des météorites martiennesAge de formation de la roche Avant de continuer à percer les secrets des météorites martiennes et pour pouvoir profiter pleinement de toutes leurs caractéristiques, il va falloir nous familiariser avec quelques notions de physique nucléaire, comme les isotopes et la radioactivité. Comme vous devez le savoir, la matière de notre Univers est constituée d'atomes de différents éléments. Ces éléments sont classés dans la fameuse table de Mendeleïev, qui est accrochée dans toutes les salles de chimie de toutes les écoles de la planète. Chaque élément est représenté par un symbole (par exemple Na pour le sodium ou O pour l'oxygène), associé à deux nombres : le numéro atomique qui indique le nombre de protons (et donc le nombre d'électrons, puisque qu'un atome est normalement neutre, et qu'il faut compenser les charges positives des protons par autant de charges négatives amenées par les électrons) et le nombre de masse, qui indique le nombre de neutrons additionné du nombre de protons. Le numéro atomique est inscrit en bas à gauche du symbole de l'élément, tandis que le nombre de masse apparaît en haut à gauche. Ainsi, la notation suivante fait référence à l'atome de carbone 12 et à ses 6 protons (donc 6 électrons) et ses 6 neutrons. Dans ce dossier, seul le nombre de masse accompagnera le symbole de l'élément. Pour un même élément, le numéro atomique ne change pas (c'est ce qui lui confère son identité en tant qu'élément). Par contre, le nombre de masse peut varier, et l'on a alors à faire à des isotopes de l'élément en question. Par exemple, l'hydrogène (un proton) possède deux isotopes : le deutérium (un proton, un neutron) et le tritium (un proton, deux neutrons). Les isotopes présentent les mêmes propriétés chimiques (car celles-ci dépendent principalement des d'électrons, dont le nombre est le même pour tous les isotopes d'un même élément), mais différent par leurs propriétés physiques. Le tritium, qui possède deux neutrons de plus que l'hydrogène, est par exemple plus lourd que ce dernier. Si certains isotopes sont stables, d'autres sont radioactifs : ces atomes instables ont alors tendance à se désintégrer spontanément pour donner naissance à un isotope plus stable ou un autre élément. La stabilité d'un élément est en particulier conditionnée par son nombre de neutrons : si ces derniers sont présents en quantité trop importante, l'atome aura tendance à se débarrasser de cet embonpoint en éjectant un ou plusieurs neutrons. La désintégration radioactive est totalement indépendante de l'environnement de l'élément, et se déroulera de façon constante quelle que soit la pression, la température, l'acidité du milieu, etc. Elle est caractérisée par le temps de demi-vie de l'élément en question (que l'on appelle aussi période), c'est à dire le temps nécessaire pour que la concentration de l'élément soit divisée par deux. Le processus de désintégration est assez rapide. Ainsi, au bout de trois fois la durée de demi-vie, 90 % des éléments radioactifs ont déjà subi une transmutation. A vingt fois la durée de demi-vie, sur un million de noyaux radioactifs, seul un a refusé de se transformer, et est resté dans son état initial. La radioactivité est extrêmement intéressante, car elle va permettre la datation absolue des roches. La méthode la plus célèbre dans ce domaine est la datation des restes organiques au carbone 14 (14C). L'atome de carbone possède normalement 6 protons et 6 neutrons (carbone 12). Mais on lui connaît deux isotopes, le carbone 13 (6 protons, 7 neutrons) et le carbone 14 (6 protons, 8 neutrons). Les atomes de carbone 14 (dénommé isotope père) se transforment spontanément pour donner naissance à des isotopes stables, que l'on appelle isotopes fils. Le temps de demi-vie du carbone 14 est de 5568 ans (au bout de cette période, la quantité de carbone 14 présents dans un matériau est donc réduite de moitié). En mesurant la quantité d'isotopes père (carbone 14) et d'isotopes fils, il est possible de connaître l'âge de l'échantillon analysé. Pour que l'analyse soit valable, il faut cependant que le carbone 14 qui s'est transformé au cours du temps n'ait pas été renouvelé. Les atomes de carbone 14 se forment en effet en permanence dans la haute atmosphère, sous l'effet du rayonnement cosmique. Chaque être vivant en assimile, et la quantité de carbone 14 dans un organisme vivant reste donc constante. Ce n'est qu'à la mort de l'organisme en question que l'assimilation de carbone 14 cesse : l'horloge isotopique se met alors à zéro, et la quantité de carbone 14 commence à décroître lentement. Chaque 5568 an, elle sera divisée par deux. Pour dater des météorites, on doit utiliser des horloges à plus longue période que le carbone 14, car celui-ci ne permet de dater que des objets dont l'âge est inférieur à 50 000 ans (soit environ dix fois le temps de demi-vie). Pour ce qui nous intéresse ici, on utilise par exemple les couples uranium 238 / plomb 206 (238U / 206Pb, période de 4,5 milliards d'années), potassium 40 / argon 40 (40K / 40Ar, période de 1,26 milliards d'années) ou encore rubidium 87/ strontium 87 (87Ru / 87Sr, période de 48,8 milliards d'années). Nous avons vu que dans le cas du carbone 14, l'horloge isotopique s'initialise lors de la mort de l'organisme. Dans le cas d'un matériau rocheux, l'horloge se met à zéro lorsque la roche se solidifie à partir d'une lave en fusion. Pour détecter les différents isotopes, on utilise généralement un spectrogramme de masse. L'échantillon du corps que l'on veut étudier est placé dans une enceinte sous vide et chauffé. Les atomes sont vaporisés puis ionisés (c'est à dire qu'ils acquièrent une charge suite à la perte ou au gain d'un ou plusieurs électrons). Les ions formés sont alors capables d'être accélérés et déviés par un champ magnétique. Plus l'ion est lourd, moins il sera dévié. A la sortie de l'appareil, on place des détecteurs spécifiques aux ions dont on désire déterminer la concentration. Grâce à cette technique, on peut ainsi connaître la composition atomique et isotopique d'un échantillon. La sonde ionique est un instrument similaire au spectrogramme de masse, mais la purification de l'échantillon n'est plus nécessaire : celui-ci est bombardé par un faisceau d'ions primaires, et les ions secondaires émis en retour sont étudiés selon le principe du spectrogramme de masse. Les âges peuvent être déterminés directement au sein de la roche, ce qui permet de dater des minéraux individuels et d'effectuer des comparaisons au sein d'un même matériau. La sonde ionique est capable d'analyser des surfaces rocheuses extrêmement petites (10 à 20 microns d'envergure). Quels sont donc les résultats obtenus sur les météorites martiennes à ce jour ? La population la plus importante des météorites martiennes, les shergottites, est relativement jeune, avec un âge de quelques centaines de millions d'années seulement. Cela indique que, même si Mars s'est refroidie relativement tôt dans son histoire (ce qui a eu pour conséquence de stopper l'activité volcanique de grande ampleur, d'entraîner la perte du champ magnétique et de bloquer éventuellement un début de tectonique de plaques), des émissions de lave ont pu avoir lieu encore récemment, de manière locale. Les nakhlites et les chassignites sont déjà plus âgées que les shergottites, avec un âge de 1,3 milliard d'années environ. Enfin, ALH84001 est la plus ancienne des météorites martiennes, avec un âge de 4,1 milliard d'années. Elle provient donc des terrains les plus vieux de Mars, ceux datant de la période du noachien, pendant laquelle l'eau pouvait rester à l'état liquide sur de longues périodes en surface (ce qui n'est plus le cas maintenant). Comme nous le verrons plus bas, l'âge des shergottites donne actuellement lieu à une polémique importante, qui montre, indépendamment des opinions des uns et des autres, que la datation d'une roche martienne est une entreprise particulièrement difficile. Age d'exposition La radioactivité permet donc de connaître l'âge de formation d'une météorite. Mais il peut également être intéressant de déterminer l'âge d'exposition, c'est à dire la durée pendant laquelle la roche a erré dans l'obscurité glacée de l'espace interplanétaire, entre le moment où elle a quitté le corps parent et le moment où elle est arrivée sur Terre. La connaissance de l'âge d'exposition est possible grâce aux effets du rayonnement cosmique. Pendant son séjour dans l'espace, la météorite est effectivement bombardée par des particules de haute énergie qui forment le rayonnement cosmique et qui peuvent modifier la composition de la météorite. En déclenchant des réactions nucléaires, les rayons comiques donnent naissance à de nouveaux éléments, des noyaux cosmogéniques (le magnésium 24 se transformant par exemple en néon 21), dont l'abondance permet de déduire le temps que la météorite a passé dans l'espace. Cette technique possède cependant un inconvénient majeur : les rayons cosmiques ne peuvent effectivement pénétrer que superficiellement une météorite, et leurs effets ne sont sensibles qu'à quelques mètres de profondeur. Imaginons une météorite de plusieurs dizaines de mètres de diamètre, qui a vagabondé tranquillement dans l'espace pendant 10 millions d'années. Si, juste avant la fin de son périple, celle-ci se brise en morceaux (à cause de la collision avec un autre corps) et que seul son cœur parvient sur Terre, nous allons être fortement induits en erreur quant à la durée de son séjour dans l'espace. Le cœur de la météorite ne montrera effectivement aucun dégât imputable aux rayons cosmiques, et les géochimistes en déduiront donc qu'elle n'a passé qu'un temps très court dans l'espace. La durée du séjour spatial des météorites martiennes est variable : il est de 10 millions d'années en moyenne pour les nakhlites et les chassignites, contre 3 millions d'années pour la plupart des shergottites (0,7 millions d'années pour EETA 79001). Notons que des âges d'exposition différents n'indiquent pas forcément des éjections différentes. Des météorites peuvent effectivement avoir été expulsées en même temps, mais placées sur des trajectoires d'interception plus ou moins longues. Elles vont donc rester sur des périodes de temps plus ou moins prolongées dans l'espace, avant d'échouer l'une après l'autre sur Terre, parfois, par pur hasard, sur la même région, et parfois en des endroits très éloignés. Il est à noter que l'âge d'exposition peut être comparé à l'âge de l'impact ayant éjecté la roche dans l'espace. Il est effectivement parfois possible de déterminer ce dernier grâce à l'analyse isotopique des gaz émis lors du choc ayant provoqué l'éjection (Argon 40) et immédiatement re-piégés dans des petites cavités de la roche. Age terrestre Enfin, les géologues souhaitent également connaître le moment précis où une météorite s'est écrasée sur Terre. La technique le plus efficace reste bien sûr d'observer directement sa chute. Malheureusement, de nombreuses météorites échouent sur notre planète en l'absence de témoins. Les scientifiques ont donc mis au point plusieurs techniques permettant de connaître le temps passé par une météorite à la surface de notre planète. L'une d'elles consiste à étudier les isotopes radioactifs produits par le flux de neutrons (résultant de l'interaction des rayons cosmiques avec la matière), comme le carbone 14 (14C) ou l'aluminium 26 (26Al). L'âge de résidence sur Terre varie de 0 (dans le cas des chutes observées qui aboutissent à une collecte immédiate ou presque) à 450 000 ans (pour la météorite NWA 4925). La controverse des shergottites Pour compliquer la situation, une polémique assez vive a pris naissance concernant les shergottites, qui représentent la classe la plus abondante des météorites martiennes, et dont on aurait pu penser qu'elles seraient justement épargnées par une telle situation (les nakhlites et chassignites, ainsi qu'ALH84001, sont heureusement tenues à l'écart de la controverse). Jusqu'à présent, les scientifiques considéraient les shergottites comme étant des laves ayant refroidi assez récemment dans l'histoire géologique martienne, entre 170 et 600 millions d'années. Cependant, un groupe de spécialistes défend désormais une autre hypothèse, à savoir que ces roches seraient en fait beaucoup plus anciennes, avec des âges de 4,1 milliards d'années (pour les enrichies) et 4,3 milliards d'années (pour les appauvries). La différence entre les deux hypothèses est énorme, et le débat entre les deux groupes est donc assez intense. Pour tenter de comprendre pourquoi, à partir d'une même roche, des positions aussi extrêmes peuvent être adoptées, il est nécessaire de regarder plus en détails les techniques d'analyses mises en œuvre pour parvenir aux différents résultats. Ceux qui défendent un âge très ancien pour les shergottites réalisent des analyses sur roche totale (c'est à dire qu'un petit fragment d'une météorite est réduit en poudre et analysé de façon globale), tandis que les partisans des shergottites jeunes s'appuient sur des analyses en roche totale, mais aussi de minéraux séparés de la roche, voire des micro-analyses effectuées directement sur des cristaux individuels d'un minéral donné avec des instruments très sophistiqués (sonde ionique). Les isotopes employés pour lire l'âge des météorites ne sont pas non plus les mêmes : les premiers utilisent le système plomb/plomb, les seconds les couples rubidium/strontium, samarium/néodyme, lutétium-hafnium, argon/argon, et enfin uranium/plomb (sur des cristaux de baddeleyite par sonde ionique). Pour le premier groupe, qui défend l'hypothèse d'un âge avancé pour les shergottites, l'âge lu par les mesures rubidium/strontium et samarium/néodyme ne serait pas celui de la solidification de la lave, mais un âge modifié par un ou plusieurs impacts antérieurs. De tels événements sont effectivement suffisamment violents pour pouvoir partiellement remettre à zéro les horloges isotopiques, et fausser les mesures. Ce même groupe indique également que l'altération aqueuse (parfois intense) subies par les roches à la surface de Mars au fil des milliards ou des centaines de millions d'années peut également lui aussi réinitialiser les horloges, même si cette explication est moins convaincante que la première. A l'inverse, le groupe qui défend la jeunesse des shergottites pense que les valeurs fournies par le système plomb/plomb sur roche totale pointent vers un événement de différentiation ayant eu lieu très tôt dans l'histoire des magmas martiens, bien avant la solidification de la lave en surface, à moins qu'il ne soit lié à une contamination martienne ou terrestre. Pour ces scientifiques, l'altération aqueuse des roches ne pourrait expliquer l'effacement partiel des données chronologiques (qui masquerait donc un âge avancé et rajeunirait artificiellement les roches). L'hypothèse d'une réinitialisation suite à des impacts est elle aussi contestée, les roches ne montrant pas d'indices de chocs pertinents, avant ceux liés à l'impact ayant amené la roche à quitter le champ de gravité martien. Cette controverse a des conséquences majeures pour l'étude de Mars, en particulier pour l'histoire de l'évolution de la planète, sa structure interne, et la recherche des cratères d'où pourraient provenir les météorites martiennes. Ainsi, l'équipe défendant un âge de plusieurs milliards d'années pour les shergottites a estimé avoir identifié la source de ces dernières, un cratère de 55 kilomètres de diamètre baptisé Mojave, situé au niveau du quadrangle d'Oxia Palus (sur les terrains très anciens de Xanthe Terra, datés à environ 4,3 milliards d'années), et formé il y a seulement 3 millions d'années (un âge compatible avec l'âge d'exposition des shergottites, de 1 à 5 millions d'années). Inutile de vous dire que cette hypothèse ne fait pas l'unanimité au sein des spécialistes de la planète Mars. Pour l'instant, la majorité des scientifiques pensent que les shergottites sont effectivement très jeunes, et que parler de milliards d'années pour ces roches ne fait aucun sens. C'est cette hypothèse qui sera retenue ici. Pourtant, les différences analytiques sont belles et bien là, le débat est très vif, et il montre que la datation d'une roche extraterrestre est un sujet beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Une histoire mouvementéeNous venons de parler de l'importance que les impacts peuvent avoir sur la datation d'une roche martienne et la réinitialisation des horloges isotopiques, et le moins que l'on puisse dire, quand on se penche sur leur histoire, c'est que les météorites venant de Mars n'ont pas une vie facile. Nées des enfers, par refroidissement d'un magma à proximité de la surface, ces roches ont effectivement de grandes chances d'être pilonnées par les bolides qui n'ont eu de cesse de s'abattre sur la planète rouge au tout début de son histoire. Un jour, l'impact d'un objet de grande taille (astéroïde ou comète) avec la surface de Mars finit par les éjecter dans le froid de l'espace interplanétaire. C'est probablement l'événement le plus traumatisant expérimenté par ces morceaux de la croûte martienne, ce dernier laissant d'ailleurs des marques très intéressantes au sein de la roche. Les infortunés cailloux dérivent ensuite pendant des millions d'années dans le vide spatial, avant de croiser par hasard l'orbite de la Terre et de rentrer en collision avec notre planète par le biais d'une descente vertigineuse, et très calorifique, au travers de l'atmosphère. Il n'y a pas si longtemps, ce scénario paraissait parfaitement improbable aux scientifiques, qui rejetaient alors la possibilité d'avoir sur terre des pierres martiennes, faute de pouvoir expliquer avec des théories satisfaisantes pour l'esprit les conditions de départ de ces roches. Comme nous l'avons vu, des simulations en laboratoire finirent cependant par confirmer cette hypothèse. Les scientifiques se sont rendus compte qu'un événement particulier, comme par exemple un choc tangentiel (les chocs obliques transmettent mieux l'énergie cinétique du projectile aux fragments) sur un terrain riche en glace (permafrost) pourrait bel et bien avoir transmis assez d'énergie à des fragments de la surface de Mars pour que ceux-ci quittent définitivement la planète, à la vitesse d'échappement de 5,2 km/s. Les spécialistes des météorites ont de plus découvert dans ces météorites des traces évidentes de chocs intenses, caractéristiques de ce que l'on appelle le métamorphisme d'impact. Sous la violence du choc entre un impacteur et la surface martienne (l'impact pouvant, ou non, expulser la roche dans l'espace, certaines pierres devant subir plusieurs impacts consécutifs avant d'être finalement éjectées par une ultime rencontre avec un bolide), la structure de certains cristaux change. C'est en particulier le cas du plagioclase qui donne naissance à la maskelynite, une sorte de matériau vitreux ayant perdu sa structure cristalline qui se forme lors de chocs très intenses, sous des pressions considérables. D'autres indices de chocs extrêmes sont fréquemment rencontrés dans les météorites martiennes : la présence de petites vésicules (poches de fusion) ou de veines noires, formées par du matériel ayant fondu, une déformation spécifique (dite ondulatoire, à cause de l'effet ondoyant visible en lumière polarisée) de certains cristaux comme l'olivine, des brunissements de cristaux d'olivine par précipitation de particules nanométrique de fer métallique, la présence de forme de silice de haute pression (comme la stishovite), etc. L'énergie libérée lors de l'impact provoque une déformation, un chauffage, une liquéfaction et une vaporisation des différents matériaux. Des expériences en laboratoire, et des mesures minéralogiques montrent que les pressions subies par les météorites martiennes varient entre 25 gigapascal (GPa) et 80 GPa, pour des températures pouvant atteindre les 2000°C (soit bien au-delà de la température de fusion des laves de composition basaltique). La violence de ces impacts explique peut-être pourquoi toutes les météorites martiennes trouvées jusqu'à présent sont magmatiques. Les roches sédimentaires qui ont été identifiées sur Mars (sulfates hydratés comme la jarosite, la kiesérite et le gypse, ou encore les argiles) ne seraient sans doute pas suffisamment consolidées pour résister à l'impact. Lieu de départ des météorites martiennes Le lieu d'origine des météorites martiennes est l'un des sujets les plus controversés actuellement, et l'un des plus fascinants. Pour tenter de resserrer les mailles du filet et d'identifier le lieu d'où ces pierres sont parties de la surface de Mars, l'indicateur qui semble le plus fiable est l'âge. Aucune mesure d'âge absolu n'étant pour l'instant possible sur Mars, l'âge de la surface martienne a été déduit du taux de cratérisation. Pour résumer (le sujet est abordé plus en détail ici), plus la surface martienne est abîmée par des cicatrices d'impact, plus elle est âgée. Des courbes de calibration établies sur la Lune permettent donc d'assigner à une portion donnée de la surface de Mars, pour laquelle le nombre et la taille des cratères d'impact ont été déterminés, un âge, en millions d'années. Prenons maintenant le cas de la météorite ALH84001. Avec un âge de 4,1 milliard d'années, cette météorite martienne a été excavée des plus anciennes régions de Mars, situées dans l'hémisphère sud. Mais il n'est pas possible d'identifier précisément le cratère d'impact d'où elle a été lancée par la nature. De la même manière, si l'on se base sur l'âge très récent des shergottites (quelques centaines de millions d'années tout au plus), il semble logique d'estimer qu'il ne peut s'agir que de fragments de lave provenant des régions les plus jeunes de Mars, par exemple le dôme de Tharsis, les flancs d'Olympus Mons, le secteur d'Elysium, etc. L'établissement d'un lien véritable, définitif et fiable, entre une ou plusieurs météorites martiennes et un cratère source sur Mars est particulièrement intéressant, car il permettrait de calibrer in-situ, pour la première fois, la surface martienne, et de déterminer le premier âge absolu pour une partie de la croûte martienne. Dès que l'on essaye d'affiner le lieu ou telle ou telle météorite a été extraite de la surface martienne par un impact, les difficultés apparaissent. Ainsi, nous sommes à peu près certain que les 209 météorites connues ne proviennent pas d'autant d'impacts différents. Quand on analyse l'âge d'exposition, c'est à dire le temps pendant lequel les pierres ont dérivé dans l'espace interplanétaire, avant d'échouer sur Terre, il semble clair que de nombreux spécimens ont voyagé ensemble. Ces derniers ont vraisemblablement été satellisés au même moment, même s'ils n'étaient pas forcément côte à côté lorsqu'ils étaient en surface. Un impact assez violent a effectivement pu provoquer l'éjection d'un grand nombre de fragments rocheux sur une grande distance, certains ayant assez d'énergie, et la bonne trajectoire, pour quitter Mars, traverser l'espace en un groupe plus ou moins lâche, et enfin s'abîmer sur Terre, pas forcément d'ailleurs sur la même région du globe. Les spécialistes estiment que toutes les météorites martiennes connues à l'heure actuelle proviennent peut-être de seulement 7 sites distincts. L'identification du lieu d'arrachement des météorites martiennes est compliquée par plusieurs facteurs. Le premier est lié au fait que contrairement à ce que l'on pourrait penser de primer abord, les données fournies par les spectro-imageurs pourtant sophistiqués qui sont embarqués sur les sondes martiennes les plus récentes (spectromètre Oméga pour Mars Express, CRISM pour Mars Reconnaissance Orbiter) sont souvent trop pauvres pour établir un lien entre la composition d'une portion de la surface martienne et celle d'une météorite donnée. Les informations données par spectrométrie infrarouge ne concernent qu'une couche très peu épaisse de la surface martienne (quelques dizaines de microns à quelques millimètres tout au plus), or Mars est une planète qui est presque entièrement recouverte par un tapis de poussière, qui complique donc fortement les analyses. De larges portions de la surface peuvent aussi être recouvertes d'une couche de régolite (débris provenant d'une pulvérisation de matériaux rocheux consécutive au matraquage des impacts météoritiques), ou peuvent avoir subi une altération qui a fini par modifier la composition minéralogique de la couche la plus externe de la roche, masquant ainsi sa véritable nature sous-jacente. De plus, la résolution spatiale de ces instruments est décevante (de la centaine de mètres par pixels à la centaine de kilomètres), et les informations chimiques, minéralogiques renvoyées doivent être interprétés comme une moyenne, comme la contribution de plusieurs dizaines de km2 de roches. Difficile donc de les comparer avec certitude aux données incroyablement précises fournies par un gramme de matériel, prélevé au cœur d'une météorite martienne et analysé, une fois réduit en poudre, par des instruments terrestres extrêmement sensibles. Entre les données des spectromètres orbitant à des centaines de kilomètres de distance de Mars et celles fournies par l'analyse d'une météorite martienne sur Terre, le gap peut donc être très important, parfois bien trop pour permettre la moindre conclusion sensée. Il est alors aisé de passer de la science pure à la spéculation éhontée. En fait, pour l'instant, d'une manière générale, aucun spectre de la surface martienne ne coïncide étroitement avec la composition des météorites martiennes qui ont été collectées sur Terre. Plus étonnant encore, il n'y a également presque aucune corrélation significative entre ces météorites et les roches qui ont été analysées in-situ sur la planète rouge, au niveau des différents sites ou secteurs d'atterrissage (Viking, Pathinder, Spirit et Opportunity, Curiosity). Bien sûr, les minéraux retrouvés sont souvent les mêmes, mais cela s'arrête là. Ainsi, les roches des sites d'atterrissage explorés jusqu'à présent sont bien plus anciennes que toutes les météorites martiennes connues (à l'exception d'ALH84001, et si l'on ne tient pas compte de la controverse portant sur l'âge des shergottites exposée ci-dessus). En ce qui concerne Pathinder (qui s'est posée sur Ares Vallis) et Spirit (qui a exploré le cratère Gusev), les laves étudiées diffèrent des météorites martiennes, sans doute parce qu'elles sont profondément modifiées par des processus d'altération, processus qui bizarrement semblent n'avoir touché que les nakhlites. Sur toutes les roches analysées par le rover Opportunity au niveau de Terra Meridiani, une seule, une roche baptisée "Bounce", pourrait se rapprocher de certaines shergottites en termes de composition. Composition et classificationComposition Si vous êtes fâché avec la géologie je vous conseille de sauter cette section, sinon vous risquez d'attraper un sacré mal de tête ! De toutes les météorites connues à ce jour, les météorites martiennes sont les seules à présenter une certaine similitude avec des roches magmatiques terrestres (c'est à dire des roches formées suite au refroidissement d'un magma), et plus précisément des roches volcaniques (ou le magma refroidit rapidement en surface, en formant des laves, dont la plus commune est le basalte). Les principaux minéraux identifiables dans les météorites martiennes sont l'olivine, les pyroxènes (surtout des clinopyroxénes plus ou moins riches en calcium comme l'augite et la pigeonite, mais aussi parfois des orthopyroxènes), les feldspaths plagioclases, des oxydes (chromite, magnétite, ilménite, etc), des sulfures (pyrrhotite), des phosphates (merrillite, apatite) et éventuellement de la silice.
Toutes les météorites martiennes contiennent des minéraux hydratés (contenant de l'eau) et des éléments oxydés (fer, magnésium). Parmi les éléments hydratés, on trouve des minéraux comme l'amphibole et les micas, et des minéraux de précipitation comme le carbonate de calcium, le sulfate de magnésium et le sulfate de calcium (gypse). Des éléments d'altération formés lors du contact des minéraux primaires de la roche avec de l'eau sont aussi présents. On trouve en particulier des argiles (smectite dans les nakhlites), des hydroxydes et des sels. L'altération a pu se produire sur Mars (cas des nakhlites) ou sur Terre (en cas de séjour prolongé avant la découverte de la roche). Comme vous pouvez le voir, les météorites martiennes ne contiennent que des minéraux très communs sur Terre, que l'on rencontre dans n'importe quelle roche volcanique terrestre. Elles ne comportent aucun minéral rare, aucun métal précieux, et les prix affolants auxquels sont vendus certains spécimens (des centaines, voire parfois plus d'un millier d'euros le gramme) ne s'expliquent que par leur incroyable rareté, ainsi que par le fait qu'elles proviennent d'une planète qui n'a jamais cessé d'exciter l'imagination. Il est à noter que certaines météorites martiennes présentent un intérêt scientifique plus important que d'autres, et quand de telles pierres sont disponibles sur le marché, leur prix a tendance à être plus élevé (c'est le cas par exemple si la pierre contient une grande quantité d'eau, si elle représente le premier spécimen d'un nouveau type, ou si elle a donné lieu à une découverte scientifique majeure, etc.). A titre de comparaison, un gramme d'or ou de platine vaut environ 30 euros, et une météorite martienne peut donc valoir plusieurs dizaines de fois son poids en or. Par contre, elles ne soutiennent absolument pas la comparaison avec certaines pierres précieuses terrestres, et un rubis birman taillé de la plus belle qualité, couleur sang de pigeon, non chauffé, de 5 carats (soit 1 gramme, le carat valent 0,2 gramme) pourra valoir plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de fois plus que la même masse d'une météorite martienne. Classification Comme nous l'avons vu en introduction, au départ, la classification des météorites martiennes était relativement simple : les spécialistes ne reconnaissaient que trois groupes, basés sur les trois premières pierres découvertes et identifiées sur notre planète : les Shergottites, les Nakhlites et les Chassignites. Les météorites martiennes étaient alors désignées sous le signe de SNC. La découverte de spécimens supplémentaires semblait confirmer cette première classification (Zagami et EETA 79001 pouvaient être classés comme shergottites, et les météorites de Lafayette et Governador Valadares comme nakhlites). C'est ALHA 77005, découverte en Antarctique en 1977, qui commença à poser un problème, car sa composition était sensiblement différente de celle d'un basalte (la composition typique d'une shergottite). Elle fut pourtant rangée dans cette catégorie. C'est à cause de cette classification trop limitée et rigide que la fameuse météorite ALH84001 fut d'abord cataloguée comme une diogénite et non pas comme une météorite martienne. Son rangement dans la famille des pierres martiennes fit voler la classification SNC en éclat, rendant cette dernière obsolète. ALH84001 est effectivement une orthopyroxénite (une roche majoritairement composée d'ortho-pyroxènes), et elle ne rentrait donc pas dans les trois catégories retenues jusqu'à présent. Depuis, les multiples découvertes effectuées principalement en Afrique du Nord compliquent encore plus les choses. Pour n'indiquer que l'exemple le plus marquant, la météorite NWA 7034 (ramassée au Maroc en 2011) a eu l'audace d'être une brèche d'impact (le seul spécimen connu, ce qui est étrange étant donné que Mars est constellé de cratères d'impact, et qu'une grande partie de sa surface est donc concassée) ! La terminologie SNC ne pouvant plus être utilisée, six classes de météorites martiennes ont alors été déterminées. La classe des shergottites a été séparée en deux principaux sous-types, les basaltiques, essentiellement constituées de pyroxènes et de plagioclases, et les lherzolites, constituées cette fois de pyroxènes et d'olivine. La découverte dans les déserts chauds d'Afrique du Nord et d'Oman de shergottites riches en olivine a conduit à la définition d'un troisième sous-type de shergottites, dites "picritiques". Les météorites NWA 1068, Dhofar 019, Sayh al Uhaymir 005, Dar al Gani 476/489 font partie de ce groupe particulier (certains géologues incluent même la lithologie A de la météorite EETA 79001). Les autres classes sont presque monominérales, comme les nakhlites qui sont principalement formées de pyroxène monoclinique (augite) et les chassignites, que l'on classe comme des dunites, variété de péridotite principalement formée d'olivine (plus de 90 %). Enfin, ALH84001 est classée parmi les orthopyroxénites (roche formée principalement d'orthopyroxènes). Cette classification a cependant apporté son lot de confusion, surtout lorsque les géologues un peu pointilleux se sont mis à comparer finement les roches martiennes avec leurs équivalents terrestres. Ainsi, le terme lherzolite est utilisé sur terre pour décrire des roches ultramafiques (très riches en minéraux ferro-magnésiens) à gros grains principalement constituées d'olivine et de pyroxènes (à la fois des orthopyroxènes et des clinopyroxènes). Au contraire, les lherzolites martiennes possèdent une texture à grains fins, et renferment très peu d'orthopyroxènes. Autre exemple, la texture de certaines shergottites, rangées dans le sous-type basalte, en ferait s'il s'agissait de roches terrestres, des micro-gabbros (comme la dolérite) voire carrément des gabbros (un gabbro possède la composition d'un basalte, mais contrairement à ce dernier, possède une texture à gros grains, c'est à dire qu'il est cristallisé, alors qu'un basalte est essentiellement une roche pâteuse, avec très peu de cristaux). De la même manière, le terme de picrite utilisé la première fois pour décrire la météorite martienne NWA 1068, dont la particularité est de posséder des cristaux de grande taille, bien visibles à l'œil nu, d'olivine est trompeur, car en géologie terrestre, il a des implications précises. On lui préférera le terme de shergottites picritiques, ou mieux, de shergottites à olivine. Sur ce sujet, et pour comprendre la source des imprécisions et confusions qui ne manquent pas d'apparaître dès que l'on s'intéresse d'un peu plus près aux météorites martiennes, et qu'on tente de relier les informations obtenues avec celles acquises sur les roches terrestres, il faut préciser que la nomenclature utilisée pour décrire les roches extraterrestres, astéroïdales, lunaires et martiennes, n'a pas été faite par des géologues, mais par des géophysiciens ou des géochimistes. Or, contrairement à ce que l'on pourrait penser, les scientifiques appartenant à ces différentes branches des sciences de la Terre ne parlent pas le même langage ! Rien qu'en ce qui concerne les roches de notre planète, la confusion a longtemps régné entre les laboratoires et universités répartis sur le globe, et, comme me l'a rappelé un spécialiste du sujet, il a fallu deux siècles et de nombreuses commissions internationales dédiées à ce sujet, pour qu'une nomenclature cohérente soit acceptée par tous à la fin du 20éme siècle (Albert Jambon, communication personnelle). La problématique vient du fait que de par leur nature, et c'est finalement assez logique quand on y pense, les roches extraterrestres ne rentrent pas forcément dans les cases qui ont été définies pour classer et ranger les roches terrestres. A l'heure actuelle, les planétologues piochent dans la terminologie terrestre pour décrire les échantillons extraterrestres, mais en enlevant le côté strict de cette dernière. Ainsi, sur Terre, un basalte fait référence à une roche possédant une composition élémentaire et minéralogique donnée, une texture bien définie et des conditions de formation bien caractérisées. A l'inverse, une roche extraterrestre peut être décrite comme étant un basalte, uniquement parce que sa composition minéralogique ressemble à celle des basaltes terrestres (par exemple la roche renferme surtout des pyroxènes et des plagioclases), et cela même si la texture n'est absolument pas celle que l'on attend d'un basalte, ou, pire, si les conditions de formation sont bien différentes de celles souhaitées pour l'usage d'un tel terme. Cette situation un peu irritante est due au fait que le nombre d'échantillons extraterrestres collectés pour l'instant est faible, et que les données de terrain sont généralement absentes (c'est en particulier le cas des météorites martiennes), ce qui, il faut l'avouer, ne facilite vraiment pas la tâche des planétologues. De plus, les matériaux extraterrestres peuvent renfermer des caractéristiques qui ne se rencontrent jamais, ou pratiquement jamais, sur Terre. Ainsi, les verres couramment trouvés dans les météorites martiennes (au niveau des poches de fusion, des veines de chocs), et qui doivent leur formation à l'immense énergie dégagée lors de l'impact qui a éjecté la pierre dans l'espace, sont inconnus dans les roches terrestres, à l'exception de celles situées au niveau des cratères d'impact terrestres, ou des sites d'essais nucléaires. On trouve bien des verres dans les roches terrestres, mais ceux-ci n'ont rien à voir avec ceux des météorites martiennes. Ces spécificités compliquent donc la nomenclature des roches extraterrestres, qui s'appuie pour l'instant de manière bancale sur celle établie pour les roches terrestres, et qui devra donc être définie avec plus de précision dans le futur. C'est dans le cadre de cet effort que la nomenclature des météorites martiennes a été revue, sachant qu'il faut garder en mémoire que ce travail est forcément, pour l'instant, incomplet et partiel. Revenons donc à la nouvelle nomenclature des météorites martiennes. Les scientifiques se sont rendu compte que l'analyse de la teneur en éléments de trace (REE) permettait de ranger presque toutes les météorites martiennes connues dans trois grands groupes (un classement similaire a pu être obtenu sur la base de la teneur en isotopes radioactifs). Sur Mars, comme c'est le cas sur Terre, les magmas subissent un processus fondamental appelé cristallisation fractionné. Dans une chambre magmatique, au fil du temps et avec le refroidissement, certains minéraux, qui possèdent des températures de fusion élevées (minéraux réfractaires, comme l'olivine ou les pyroxènes) cristallisent à partir du liquide en fusion, retirant à ce dernier certains éléments nécessaires à leur croissance. Le liquide résiduel voit donc sa composition changer. Si le refroidissement continue, le processus peut se répéter : d'autres minéraux, différents des premiers, cristallisent à leur tour, modifiant encore la composition du liquide résiduel. Un magma qui n'a pas subi ce processus de cristallisation fractionné est appelé appauvri, ou primitif (les roches qu'il peut former contiennent généralement de l'olivine et des pyroxènes en abondance). Au contraire, un magma ayant connu un processus intense de différentiation par cristallisation fractionné est appelé enrichi (ce terme fait référence à un enrichissement en éléments dit incompatibles, qui refusent de rentrer dans la composition des différents minéraux cristallisant à partir du magma, et qui restent donc dans le liquide tant qu'ils peuvent, jusqu'à ce qu'ils soient obligés, eux aussi, de se solidifier). Les terres rares (un ensemble de 15 éléments chimiques appelés aussi lanthanides) sont des marqueurs particulièrement importants de ce processus de cristallisation fractionné, et leur analyse permet de classer une météorite martienne donnée comme étant appauvrie (si elle s'est solidifié à partir d'une source mantellique primitive), intermédiaire, ou enrichie. Toutes les shergottites connues actuellement peuvent donc se ranger dans l'un des trois groupes décrits ci-dessus (appauvri, intermédiaire ou enrichi), à l'exception de NWA 2990. C'est une découverte importante, qui montre que les météorites martiennes se sont formées par fusion partielle à partir de trois sources mantelliques distinctes, trois poches de matériaux possédant une composition chimique et minéralogique bien définie, et qui ne se sont jamais mélangées. Cela indique probablement qu'aucun mécanisme de convection à grande échelle, comme celui qui prend place au niveau du manteau terrestre (et responsable de la tectonique de plaques), n'a existé dans le cas de la planète Mars. Une nouvelle classification a donc été proposée en 2010, de manière à mettre un terme aux nombreuses confusions liées à la terminologie utilisée, et à refléter les données fournies par les météorites martiennes. Cette classification s'appuie tout d'abord sur la chimie de la roche (plus particulièrement sur le rapport entre la teneur en oxyde de calcium CaO et en magnésium) pour définir trois catégories : mafique, permafique et ultra-mafique (plus la roche est mafique, plus elle contient de magnésium et de calcium). Ces catégories sont ensuite couplées avec l'abondance des éléments de trace (REE) et les mesures isotopiques pour définir trois types que nous avons présenté à l'instant : appauvri, intermédiaire ou enrichi. Enfin, le nom du groupe auquel appartient la pierre est accolé à des éléments descriptifs supplémentaires faisant référence à la texture. Avec cette classification, les chassignites restent des dunites, mais ALHA 77005 devient une shergottite intermédiaire, ultra-mafique et poecilitique, tandis que NWA 2646 est une shergottite intermédiaire, permafique, poecilitique, à olivine méladiabasique (je vous ai prévenu au début que cela pouvait donner mal à la tête !).
Si vous désirez plus de renseignements sur l'une des 209 météorites connues à ce jour et listées dans le tableau ci-dessus, je vous invite à consulter les fiches d'identité détaillées accessibles depuis cette page. Fabriquons des météorites martiennes ...Nous ne possédons sur Terre que 209 météorites martiennes, mais il est pratiquement certain que beaucoup d'autres, non identifiées, dorment encore dans des collections publiques ou privées, comme ce fut le cas pour la météorite Los Angeles ou Lafayette. La plupart des météorites martiennes sont des shergottites, des roches qui s'apparentent aux basaltes terrestres. A moins que la croûte de fusion ne soit parfaitement conservée sur une certaine surface, ces roches peuvent prendre un aspect tout à fait banal et il est alors facile de les confondre avec une roche terrestre quelconque. De plus, les shergottites ne sont pas les pierres les plus intéressantes que la planète Mars pourrait nous envoyer. Les scientifiques aimeraient bien mettre la main sur des roches sédimentaires, comme des carbonates (de calcium, de magnésium, de fer). Il est pratiquement certain que l'eau a coulé sur la planète rouge voilà des milliards d'années, comme le témoigne les nombreuses vallées qui entaillent les hauts plateaux de l'hémisphère sud. Pourtant, paradoxalement, aucune sonde martienne n'a jamais mis en évidence des dépôts massifs de carbonates (propices à la fossilisation, ces roches sont d'une importance majeure pour la recherche d'une éventuelle vie martienne). Il est possible que ceux-ci n'aient pas pu se former à cause d'une trop grande teneur en soufre (ce dernier formant de l'acide sulfurique, capable de dissoudre les carbonates). Au lieu des carbonates, les sondes martiennes les plus récentes ont mis en évidence des sulfates hydratés, ainsi que des argiles formés par l'altération de roches préexistantes à plus ou moins haute température. Devant la nature exclusivement volcanique des météorites martiennes, certains chercheurs se sont donc demandés à quoi pourrait bien ressembler une SNC sédimentaire. Il est possible que des météorites de ce type soient déjà sur Terre, leur aspect atypique les faisant cependant passer totalement inaperçues. Une expérience originale, baptisé STONE, a donc été mise en place pour en avoir le cœur net. Trois petits disques de 50 mm de diamètre et de 4 mm d'épaisseur ont été fixés sur le bouclier thermique d'un satellite russe de type Foton. Les satellites automatiques de la classe Foton sont dérivés du vaisseau spatial habité Voskhod et servent à étudier les effets de la microgravité sur différents matériaux (y compris des composés de nature biologique). Après un séjour plus ou moins long dans le vide spatial, le vaisseau et ses expériences sont récupérés. Le premier disque renfermait une roche sédimentaire appelée dolomite provenant du nord de l'Italie. Les dolomites sont des roches constituées de carbonate de calcium et de carbonate de magnésium (contrairement au calcaire qui n'est formé que de carbonate de calcium). Le deuxième disque contenait un basalte à grains fins originaire d'Autriche, qui montre de fortes similitudes avec le rocher martien Barnacle Bill dont la composition a été analysée par le spectromètre APXS du robot Sojourner en 1997. Enfin, le troisième disque a été rempli avec une mixture sensée simuler du régolite, c'est à dire le sol martien : du basalte broyé en fines particules, ces dernières étant cimentées par du gypse (roche sédimentaire - évaporite - constituée de sulfate de calcium). Les analyses du sol martien effectuées par les sondes Viking ou plus récemment par Sojourner ont effectivement montré que celui-ci contient une quantité non négligeable de sulfates (qui peuvent éventuellement durcir le sol en formant une croûte). Le satellite Foton-12 a été lancé le 9 septembre 1999 depuis la base russe de Plesetsk par une fusée Soyouz et placé sur une orbite de 350 km. Outre STONE, Foton-12 emportait également des expériences de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) sur la micro-gravité et l'expérience IBIS du Centre National d'Etudes Spatiales (influence de la microgravité sur le développement de cellules vivantes). Le 24 septembre, 15 jours après son lancement, Foton-12 a effectué une manœuvre de désorbitation pour revenir sur Terre. Au cours de la traversée de l'atmosphère terrestre, les échantillons ont été soumis à des températures élevées (2000 °C), tout comme les météorites lorsqu'elles arrivent sur Terre. On pouvait donc s'attendre à ce qu'une croûte de fusion noire se forme sur les deux échantillons témoins (le basalte et le pseudo sol martien). Tout l'intérêt de l'expérience portait cependant sur l'aspect de la dolomite italienne après la rentrée atmosphérique. Si aucune croûte de fusion ne peut apparaître à la surface de la roche, ou si elle est de couleur différente comme certains l'anticipent, alors les météorites martiennes sédimentaires ne risquent pas de présenter le même aspect que les météorites classiques, et l'on comprend pourquoi aucune d'entre-elles n'est encore tombée entre nos mains. L'étude comparative de l'échantillon de dolomite soumis à l'enfer d'une rentrée atmosphérique par rapport à des fragments témoins restés au sol doit de plus nous fournir de nombreux renseignements sur les changements chimiques et physiques consécutifs à la traversée de l'atmosphère. Des informations cruciales pour faciliter la découverte d'éventuelles roches sédimentaires martiennes sur Terre. D'après les premiers résultats, et malgré la perte d'un spécimen lors de la rentrée atmosphérique, les météorites sédimentaires seraient couvertes d'une croûte de fusion blanche très claire, bien différente du revêtement noir et luisant des météorites classiques. La chaleur libérée lors de la friction avec les hautes couches de l'atmosphère pourrait aussi avoir un effet caractéristique sur les isotopes de l'oxygène des météorites carbonatées, ce qui permettrait de les identifier facilement. D'autres expériences de ce type ont eu lieu depuis, et gageons que des échantillons plus représentatifs des roches sédimentaires découvertes sur Mars (sulfates, argiles) seront employés dans le futur. Et cuisons des bactéries !Le 9 février 2000, une fusée Soyouz décolle des steppes arides du Kazakhstan avec à son bord un démonstrateur technologique dont le bouclier comporte, comme dans le cas de l'expérience STONE, des échantillons rocheux sertis dans sa masse. Mais cette fois ci, les roches ont été saupoudrées de micro-organismes vivants. Baptisé sans surprise STONE 2, cette expérience doit permettre aux chercheurs de se faire une idée de l'aspect de cellules vivantes après une rentrée atmosphérique. Inutile de vous dire que les bactéries risquent d'être dans un sale état. Des micro-organismes peuvent en effet éventuellement survivre aux conditions extrêmes qui caractérisent une rentrée atmosphérique, à condition d'être protégés de tout côté par une épaisseur suffisante de matériaux rocheux. Les disques rocheux ayant un diamètre très faible, les cellules étaient sans doute vouées à une mort certaine. Par contre, l'étude des résidus organiques doit être particulièrement prometteuse. Je ne peux pas résister à l'envie de décrire un peu plus en détails la mission qui emportait l'expérience STONE2, au risque d'être hors sujet. Bien entendu, la fusée Soyouz n'a pas été uniquement affrétée pour offrir un voyage dans l'espace à quelques microbes. En fait, le but principal de la mission était de valider un nouvel étage supérieur russe baptisé Fregat. Cet étage a servi entre autres pour le lancement de la sonde Mars Express en 2003. Plus petit que les étages supérieurs classiques, il est capable d'allumer et d'éteindre son moteur un grand nombre de fois pendant le vol, ce qui lui permet de délivrer plusieurs charges utiles sur des orbites différentes. Son moteur est basé sur le moteur des sondes russes Phobos et Mars 96. En outre, Fregat est un étage réutilisable : une fois sa mission terminée, il retourne sur Terre pour être récupéré et reconditionné pour un nouveau vol. La mission devait également servir de test pour un dispositif de rentrée atmosphérique innovant : un bouclier thermique gonflable en matière plastique. Nommé IRDT (Inflatable Reentry and Descent Technology), il a été conçu par les Russes (NPO Lavochkin) avec l'aide d'une firme allemande (Daimler Chrysler Aerospace). Par rapport au traditionnel bouclier thermique, qui est lourd et encombrant, l'IRDT possède deux avantages : dégonflé, il n'occupe pratiquement pas de place (une fois gonflé, il mesure toutefois une bonne dizaine de mètres de diamètre), et il est en plus extrêmement léger, un argument de poids dans le milieu spatial. De plus, le freinage assuré par l'IRDT est tellement important que les traditionnels parachutes deviennent inutiles. Juste avant l'atterrissage, un amortisseur télescopique se déploie et assure un contact tout en douceur avec le sol. Notons que les deux pénétrateurs de la mission Mars 96 aurait dû déployer un dispositif similaire au moment de leur arrivée sur Mars. Le retour sur Terre du démonstrateur technologique était également assuré par un bouclier thermique gonflable, et c'est d'ailleurs sur ce bouclier que les pastilles rocheuses étaient incrustées. La mission a commencé à se dérouler comme prévu. Après un décollage parfait et un vol de 8 heures, le retour sur Terre a eu lieu. Les deux boucliers gonflables (celui de Fregat et celui du démonstrateur) étaient munis de plaques métalliques capables de réfléchir des ondes radios, ce qui a permis de les suivre au radar. Lorsque les boucliers se sont déployés, des échos sont apparus sur les écrans radars. De plus, pendant la phase de rentrée, le contact radio a été maintenu jusqu'à une altitude de 80 km, ou la formation d'une couche de plasma interrompt obligatoirement toute liaison radio. A une altitude de 30 km, l'étage Fregat et le démonstrateur ont éjecté des particules métalliques, ce qui a entraîné la réapparition de l'écho radar. On est donc certain que les deux engins sont arrivés au sol. Mais malgré la présence de cinq hélicoptères sur zone, les deux engins n'ont pas été localisés tout de suite. Les mauvaises conditions météorologiques qui régnaient sur le site d'atterrissage n'ont pas non plus facilité les recherches. Les deux engins finirent par être localisés, mais une mauvaise surprise attendait les équipes de recherche : suite à un incident technique, le freinage avait été moins important que prévu et la violence du choc lors de l'arrivée au sol avait détruit l'émetteur radio et fortement endommagé les petites pastilles de roches collées au bouclier gonflable. Un vol riche en émotions pour nos bactéries, mais une expérience qui au final devra être recommencée ... Le retour d'échantillonsLes météorites martiennes sont des éléments précieux pour la compréhension de la planète Mars, mais ces pierres ne sont pas suffisantes. Nous ne savons pas précisément d'où elles proviennent, ce qui nous empêche de les relier aux observations réalisées depuis l'orbite martienne par les sondes spatiales. Nous pouvons juste déduire que nous avons, parmi toutes les météorites martiennes connues, un échantillon des hauts plateaux de l'hémisphère sud et des fragments des jeunes terrains de l'hémisphère nord. De plus, les météorites martiennes sont toutes des roches magmatiques et nous n'avons pas d'échantillons de sol ni de roches sédimentaires (la découverte de la brèche d'impact NWA 7034 a cependant été une découverte très importante). Ces dernières seraient bien utiles pour étudier le rôle de l'eau sur Mars et l'atmosphère martienne. De plus, les roches cristallines ne sont pas des matériaux de choix pour la recherche d'une vie martienne, même si des dépôts sédimentaires peuvent se mettre en place le long de fractures. Un retour d'échantillons, même s'il peut paraître redondant avec la collecte de météorites martiennes sur Terre, reste donc fondamental pour la science martienne. Il est d'autant plus essentiel que même si la composition des gaz emprisonnés dans certaines météorites indique désormais avec certitude leur origine, un doute subsistera toujours pour d'autres spécimens. Paradoxalement, seul un retour d'échantillons, en nous fournissant des échantillons de référence, nous permettra de trancher. Fiches d'identité des météorites martiennes
Pour en savoir plus : |
Chassignite (France, 1815). Seule météorite martienne tombée en France jusqu'à ce jour, Chassigny est recouverte partiellement par une croûte de fusion d'un millimètre d'épaisseur. L'étiquette indique qu'il s'agit d'une achondrite, c'est à dire une météorite sans chondres. Les chassignites sont des cumulats d'olivine, c'est à dire des roches constituées presque exclusivement de ce minéral. Chassigny, qui constituait un type à part de météorites martiennes (le C de SNC), est restée longtemps unique, jusqu'à la découverte de NWA 2737 (nommée Diderot) au Maroc en août 2000. (Crédit photo : Martin Horejsi).
Nakhlite (Egypte, 1911). Lors de sa chute à Nakhla, près d'Alexandrie, cette pierre aurait écrasé un chien ! Les accidents mortels produits par la chute de météorites sont cependant rarissimes (Crédit photo : Université d'Hawaii).
La première shergottite a été découverte en Inde en 1865, à Shergotty (Crédit photo : droits réservés).
La météorite de Lafayette est orientée, c'est à dire que la pierre a gardé plus ou moins la même orientation lors de la traversée de l'atmosphère terrestre. La croûte de fusion, résultant de la vitrification de la surface de la roche par la chaleur, montre des traînées (lignes de fuite) laissées par la matière en fusion. Ici, le côté photographié est donc celui qui était en contact avec l'atmosphère lors de la chute sur Terre (Crédit photo : droits réservés). Les météorites martiennes naissent lors de l'impact d'un astéroïde avec la surface martienne. En arrivant avec une vitesse voisine de 10 km/s, un astéroïde mesurant plusieurs dizaines de mètres de diamètre libère une énergie titanesque, capable d'accélérer une multitude de fragments au-delà de la valeur fatidique de 5,2 km/s. Cette dernière, dite vitesse de libération, est la vitesse qu'un corps doit atteindre s'il veut échapper définitivement au champ de gravité de la planète Mars. La moitié environ du matériel rocheux expulsé par l'impact n'atteindra pas la vitesse de libération, et retombera sur Mars. Parmi les fragments éjectés dans l'espace, la moitié sera également rejetée hors du système solaire par l'influence gravitationnelle de Jupiter, et une petite partie seulement (environ 7,5 %) aura l'occasion de recouper l'orbite terrestre pour rentrer en collision avec notre planète. Plus de la moitié des fragments échoueront sur Terre moins de 10 millions d'années après leur expulsion forcée de Mars. Les échanges de matériaux rocheux entre les planètes du système solaire sont courants. Ainsi, les planétologues estiment que depuis la formation du système solaire, Mars nous a envoyé environ 1 milliard de tonnes de roches (Crédit photo : Don Davis). Une tranche de la météorite EETA79001. Depuis toujours, les chutes de météorites ont alimenté les mythes, les légendes et les superstitions. La première chute non démentie d'une météorite en Occident a eu lieu le 7 novembre 1492 à Ensisheim, un petit village alsacien. Pourtant, au siècle des Lumières, un scepticisme extrême entourait les chutes de météorites. Pour de nombreux savants, ces événements étaient associés au volcanisme ou à l'action de la foudre. Même Lavoisier refusait de voir leur véritable origine. Il a fallu attendre les travaux d'Ernst Chladni (un juriste allemand devenu physicien) en 1794 et surtout le rapport de Jean-Baptiste Biot sur la chute de l'Aigle en France (26 avril 1803) pour que l'existence de pierres venues du Ciel soit définitivement acceptée. Les météorites proviennent habituellement de la ceinture d'astéroïde située entre Mars et Jupiter. Fin 1981, on découvrit néanmoins qu'une petite météorite de 31 g trouvée en Antarctique était d'origine lunaire (ALHA 81005). Il a fallu attendre 1983 et EETA 79001 (une achondrite basaltique de 8 kg) pour obtenir la première preuve évidente de la présence de météorites martiennes sur Terre. Une étude scientifique montra en effet qu'EETA 79001 présentait des inclusions gazeuses et que l'atmosphère contenue dans ces dernières possédait une composition pratiquement identique à celle de l'atmosphère martienne, analysée par les sondes Viking en 1976. Fin 1980, le concept de météorite martienne était accepté par la communauté scientifique (Crédit photo : droits réservés). Diagramme illustrant l'excellente corrélation entre l'atmosphère martienne et les gaz piégés dans la météorite EETA 79001 (crédit photo : d'après Pepin & Becker). Les analyses effectuées par l'instrument SAM embarqué sur le rover Curiosity (photographié ici à l'œuvre dans le cratère Gale sur le site de Windjana par sa propre caméra MALHI) ont définitivement établi qu'un petit nombre au moins de météorites martiennes viennent bel et bien de la planète rouge. Curiosity a déterminé précisément la valeur du rapport 36Ar/38Ar (argon 36 sur argon 38) à 4,2. Or l'étude des isotopes de l'argon dans d'infimes quantités d'air piégées dans des veines de chocs et poches de fusion de 7 météorites martiennes indique la même valeur. Le doute n'est donc plus vraiment permis (crédit photo : NASA).
Le rapport entre la teneur de deux isotopes stables rares de l'oxygène, l'oxygène 17 (17O) et l'oxygène 18 (18O) permet d'identifier avec une bonne certitude l'origine martienne d'une météorite donnée (Crédit photo : droits réservés). La valeur du rapport Fer/Manganèse est aussi souvent significative. Collecte d'une météorite en Antarctique (Crédit photo : droits réservés).
Les météorites qui échouent sur les étendues glacées de l'Antarctique bénéficient souvent de conditions de préservation exceptionnelles. Enfouies plus ou moins partiellement dans la glace et congelées, elles peuvent résister aux outrages du temps. Cependant, leur croûte de fusion noire peut absorber suffisamment les rayons du soleil pour provoquer la fonte de la glace, la météorite finissant alors par baigner dans une petite flaque d'eau. Cette dernière peut alors s'infiltrer dans la roche en profitant de microfractures et créer des dégâts considérables. Bien que les températures en Antarctique soient en moyenne largement situées en dessous de 0°C, les météorites pourraient donc subir des altérations non négligeables dues à l'eau (Crédit photo : droits réservés). L'Antarctique est un véritable concentrateur de météorites. Lorsqu'une météorite échoue sur les étendues glacées de ce continent, elle est rapidement emprisonnée par la glace. Au cours de leur lente progression, les glaciers sont parfois bloqués par le flanc rocheux d'une montagne. Les vents s'en donnent alors à cœur joie pour décaper la glace et amincir le glacier qui finit par libérer à l'air libre les météorites qu'il transportait dans sa masse. Par le jeu des glaciers, des météorites disséminées sur une surface très étendue peuvent ainsi être regroupées dans des zones de dimensions beaucoup plus réduites (Crédit photo : schéma tiré de l'ouvrage "Les météorites, carnets d'Histoire Naturelle", Bordas). Les humains ne sont plus les seuls à arpenter les solitudes glacées de l'Antarctique pour découvrir des pierres célestes. Non content de monopoliser l'exploration spatiale de Mars, voici que les robots interviennent désormais aussi sur Terre. En janvier 2000, le robot Nomad (de l'université Carnegie Mellon) a réalisé une grande première en découvrant cinq météorites grâce à ses senseurs sophistiqués et son intelligence artificielle. Aucune n'était martienne, mais ce n'est sans doute qu'une question de temps avant qu'un robot ne soit crédité de la découverte d'un fragment de la planète rouge sur Terre (Crédit photo : droits réservés). La météorite martienne ALHA 77005. Les analyses géochimiques montrent que les météorites martiennes se sont formées à proximité de la surface de la planète rouge, à partir d'un magma en fusion. Les données minéralogiques et texturales pointent parfois vers une histoire magmatique complexe, avec plusieurs séquences de cristallisation. Les météorites martiennes démontrent qu'un volcanisme était encore actif sur Mars il y a 1,3 milliards d'années, et qu'il a peut-être même perduré jusqu'à 170 millions d'années. (Crédit photo : droits réservés). ALHA 77005, une fois tranchée et polie. Si vous regardez les photographies des météorites martiennes présentées sur cette page, quelque chose devrait vous sauter aux yeux. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces dernières ne sont effectivement pas rouges ! Parce que Mars apparaît rouge dans le ciel nocturne, il serait logique de penser qu'il devrait en être de même pour les roches qui viennent de sa surface (des petits malins passionnés de science-fiction pourraient aussi proposer la couleur verte). Cependant, la plupart des météorites martiennes sont grises. Quelques-unes peuvent présenter des secteurs noirs (une couleur due aux veines de chocs), ou être brunes (principalement à cause de l'altération terrestre), voire vert sombre (les nakhlites). (Crédit photo : droits réservés). La météorite martienne EETA 79001. La croûte de fusion noire est encore visible par endroits (Crédit photo : droits réservés). La météorite martienne ALH84001, au sein de laquelle la NASA a estimé avoir trouvé des fossiles de microorganismes martiens. Le cube témoin mesure 1 cm de côté (Crédit photo : droits réservés). Comme neuf autres météorites martiennes, LEW 88516 a été trouvée en Antarctique. Le cube témoin mesure 1 cm de côté (Crédit photo : droits réservés). La météorite martienne QUE 94201, recueillie en 1944 en Antarctique. L'analyse des isotopes de l'hydrogène de cette météorite a permis d'estimer l'échappement des molécules d'eau dans l'espace au cours des temps géologiques. Les météorites martiennes constituent un matériau de choix pour les chercheurs, qui peuvent ainsi décrypter l'histoire martienne. Depuis la découverte de ces pierres venues de Mars, les publications scientifiques se comptent par milliers. Mais le doute est toujours permis, et rien ne prouve aujourd'hui avec certitude que la totalité ces cailloux proviennent bien de la planète rouge. Si certaines de ces pierres ne sont pas martiennes, il faudra jeter des tonnes de publications à la poubelle et des dizaines d'années de dur labeur auront été vaines. L'étude de Mars à travers ces roches est prometteuse, mais aussi risquée (Crédit photo : Johnson Space Center). Un fragment de la 13ème météorite martienne découverte sur Terre, Dar al Gani 476, surnommé Lucky 13 (Crédit photo : droits réservés). Los Angeles 001, une belle météorite martienne de 452 g. La croûte de fusion est encore bien visible sur la partie supérieure de la pierre. Le cube témoin mesure 1 cm de côté (Crédit photo : Ron Baalke).
Une section de Sayh al Uhaymir 008, une shergottite découverte dans le désert d'Oman. Depuis 1997, les déserts chauds ont commencé à livrer de nombreuses météorites martiennes, au point de concurrencer les trouvailles effectuées en Antarctique (Crédit photo : droits réservés).
Initialement, les météorites martiennes étaient nommés d'après le nom de leur lieu de trouvaille (et ce nom continuait à être employé, même s'il avait été attribué par erreur, ou s'il changeait). Aujourd'hui, la plupart des météorites provenant d'Afrique portent un numéro, précédé du signe NWA (pour North West Africa). C'est loin d'être poétique, même s'il y a certaines exceptions, comme NWA 7034, surnommée Black Beauty. Cette météorite est une brèche d'impact, une rareté parmi les météorites martiennes, alors que ce type de roche devrait au contraire être bien plus représenté. Des fragments de l'impacteur (le bolide ayant provoqué l'éjection) sont encore mélangés à la roche martienne, ce qui modifie le rapport isotopique de l'oxygène. Ainsi, sur cette simple valeur, la roche n'aurait pas été identifiée comme martienne ! NWA 7034 est la météorite martienne la plus prometteuse trouvée au cours de ces dernières années (Crédit photo : droits réservés). Vue microscopique d'une lame mince de la météorite martienne EETA 79001 en lumière naturelle. Comme les roches sont naturellement opaques à la lumière, on doit effectuer des coupes très minces (30 microns, soit 0,03 mm) pour avoir une chance d'apercevoir quelque chose sous un microscope. Ici, les cristaux de pyroxènes apparaissent en brun, alors que les grains clairs sont constitués de plagioclase (un feldspath). Le feldspath est vitrifié, preuve qu'EETA 79001 a subi un choc très violent. Les deux principaux minéraux de cette météorite abondent aussi dans les basaltes terriens. Les zones noires correspondent à de la magnétite, un oxyde de fer de formule Fe3O4 (Crédit photo : droits réservés). Vue microscopique d'une lame mince d'une météorite martienne (chassignite), en lumière polarisée. L'observation en lumière polarisée est intéressante, car les minéraux prennent des teintes caractéristiques, ce qui facilite grandement leur identification. Le minéral le plus répandu dans cette coupe est l'olivine (la chassignite est effectivement une roche très riche en olivine, que l'on appelle alors dunite). Les cristaux jaunes, verts, roses et noirs sont tous de l'olivine. Un même minéral peut parfaitement avoir des teintes différentes lors de l'observation en lumière polarisée, car les cristaux observés ne présentent pas tous la même orientation. Les grains striés (près du centre) sont des cristaux de pyroxène (Crédit photo : Johnson Space Center). Vue microscopique d'une lame mince d'une météorite martienne en lumière naturelle. Cette coupe permet d'observer la couleur réelle des grains de minéraux. Les zones claires et craquelées sont des grains d'olivine et de pyroxène. On observe aussi des taches de rouilles (en brun clair) et d'argile (en noir), qui attestent de la réaction des minéraux primaires de la roche avec de l'eau. Les veines d'argile sont tronquées par la croûte de fusion de la météorite, qui s'est formée lorsque la météorite a traversé l’atmosphère terrestre. Elles sont donc antérieures à l'arrivée de la météorite sur Terre, et se sont probablement formées sur Mars (Crédit photo : droits réservés).
Une lame mince de la météorite NWA 817 vue au microscope électronique (rétrodiffusion) et montrant des cristaux squelettiques de magnétite titanifère, avec des cristaux de pyroxènes (gris clair), d'olivine (blanc) noyés dans des feldspaths (noirs). Les cristaux dessinent un joli petit martien ! (Crédit photo : EPSL/Sautter et al). Le cratère oblong (34 km x 18 km) situé sur le flanc nord du volcan Ceraunius Tholus est une source possible de météorites martiennes. L'impacteur a dû arriver avec un angle très faible (moins de 15°). La vitesse des débris éjectés lors de l'impact a pu être suffisante pour que ceux-ci échappent à la gravité martienne. Le cratère a été ensuite partiellement recouvert par une coulée de lave (éventuellement provoquée par l'impact). Un impact capable d'éjecter des roches martiennes dans l'espace laisse un cratère d'un diamètre minimal de 3 km (Crédit photo : Calvin J. Hamilton). Le 9 septembre 1999, un satellite de la classe Foton, dédié à l'étude des effets de la micro-pesanteur sur les matériaux, prend son envol et rejoint une orbite à 350 km d'altitude avant de revenir deux semaines plus tard sur Terre. Une expérience originale a été tentée au cours de cette mission. Sur le bouclier thermique du satellite Foton, les scientifiques avaient incrusté trois disques rocheux : un basalte, une mixture simulant le sol martien et une roche sédimentaire carbonatée. L'objectif était d'étudier les changements chimiques et physiques subis lors d'une rentrée atmosphérique sur des roches similaires à celles que l'on trouve (ou que l'on pourrait trouver) sur la planète Mars. Les informations recueillies devraient faciliter la découverte de nouvelles météorites martiennes et en particulier de météorites de nature sédimentaire. Pour l'instant, nous ne connaissons que 209 météorites martiennes qui sont toutes sans exception des roches magmatiques (Crédit photo : Droits réservés). Comme STONE, l'expérience STONE 2 consistait à analyser les changements subis par différentes roches au cours de la rentrée atmosphérique. Mais cette fois ci, les échantillons étaient sertis sur un bouclier thermique gonflable et des cellules bactériennes avaient été incorporées au sein des fragments pierreux (Crédit photo : Droits réservés).
Lors de son exploration des plaines désolées de Terra Meridiani, le rover Opportunity a réussi l'exploit de dénicher une météorite métallique, la première météorite jamais découverte à la surface d'une autre planète. Les scientifiques s'expliquent mal l'aspect lisse et brillant de sa surface. L'absence d'une oxydation superficielle de la pierre semble indiquer un environnement très sec, à moins que la météorite ait été rapidement enfouie après sa chute sous des sédiments, ou qu'elle soit tombée très récemment. Comme le prouvent les innombrables petites billes d'hématite qui jonchent la surface de Terra Meridiani, les vents ne cessent de décaper cette région plate, claire et pauvre en roches volcaniques sombres, qui est ainsi très certainement une véritable mine à météorites (crédit photo : NASA/JPL/Cornell).
Une vue spectaculaire du cratère d'impact Mojave par la caméra HiRise de Mars Reconnaissance Orbiter (MRO). Quelques scientifiques, qui défendent un âge très ancien pour les shergottites (4,1 à 4,3 milliards d'années, soit un âge similaire à celui d'ALH84001) estiment qu'il s'agit de la source de nombreuses météorites martiennes. D'un diamètre de 55 kilomètres, le cratère Mojave poinçonne la surface de Xanthe Terra, des terrains d'âge noachien (4,3 milliards d'années), et se serait formé il y a 3 millions d'années, éjectant pour l'occasion des roches dans l'espace (crédit photo : NASA/JPL-Caltech/University of Arizona).
L'extrémité du bras robotique de Curiosity, après le forage de la roche Cumberland (sol 279). Aussi étrange que cela puisse paraître, aucune similarité n'a pour l'instant été trouvée entre les météorites martiennes et les données fournies à distance par les rovers ou les orbiteurs martiens. Les mesures de télédétection seraient en fait obscurcies par des processus secondaires (présence de régolite lié au martelage de la surface par les impacts, altération hydrothermale, manteau de poussière recouvrant la planète), qui masquerait la véritable nature des roches. Les rovers les plus récents sont certes équipés de plumeaux et de foreuses, mais pour l'instant, aucune correspondance véritable n'a pu être établie entre les météorites martiennes, et les roches analysées in-situ. S'agit-il de quelque chose de normal d'un point de vue statistique, ou au contraire d'une anomalie ? (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech). |
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