A la recherche d'une vie sur Mars

Peu après leur formation il y a des milliards d'années, la Terre et Mars étaient deux mondes similaires, aux potentialités égales. Dès que les conditions ont été réunies, il est fort probable que la vie est apparue simultanément sur les deux planètes. Aujourd'hui, Mars n'est plus qu'un vaste désert planétaire. Desséchée, oxydée, gelée, baignée par un fort rayonnement ultraviolet, sa surface semble impropre à toute vie. Pourtant, si la vie a bel et bien existé sur Mars, elle a dû laisser des indices de son éphémère passage. Paradoxalement, ces traces, qui sont d'une importance capitale pour tenter de percer le mystère des origines de la vie, seraient plus faciles à trouver sur la planète rouge que sur notre propre planète, pourtant habitée par une vie florissante.

L'histoire d'une planète est inscrite dans ses roches. Pour tenter de comprendre les conditions physiques et chimiques qui régnaient sur Terre à l'époque où la vie est apparue, les astrobiologistes doivent exhumer des roches de cette époque, des pierres datant de l'Archéen, la période la plus ancienne des temps géologiques (l'Archéen, qui fait partie de l'éon précambrien, débute à 3,8 milliards d'années et prend fin à 2,5 milliards d'années). Malheureusement, la Terre ne s'est pas révélée une bonne archiviste. La tectonique de plaques a recyclé dans le manteau terrestre les précieux témoins de sa jeunesse bouillonnante. Les roches qui ont échappé à une fusion définitive dans les profondeurs de la Terre ont été dévorées par l'érosion. Quant aux quelques rescapés qui ont survécu, elles ont la plupart du temps été comprimées sous des pressions énormes et cuites à des températures extrêmes. Ce métamorphisme, lié à l'intense activité géologique de la Terre, les a profondément défigurées. Et comme si cela ne suffisait pas, l'activité même des organismes vivants a englouti les reliques organiques de la vie primitive terrestre qui auraient pu échapper par miracle aux mâchoires de la tectonique des plaques, de l'érosion et du métamorphisme. Autant dire que la recherche de traces d'une vie passée et des mécanismes chimiques qui ont conduit à son apparition dans les roches terrestres archéennes est pratiquement impossible.

Contrairement à la Terre, Mars s'est refroidie rapidement et les processus géologiques majeurs ont été rapidement étouffés. Bien sûr, l'activité volcanique et les impacts de météorites qui n'ont pas manqué de se produire dans la jeunesse de Mars ont pu exercer leur action destructrice. Il n'empêche que la planète rouge a bien mieux documenté son histoire que la Terre. Les hauts plateaux fortement cratérisés de l'hémisphère sud sont extrêmement vieux et n'ont pratiquement subi aucun changement depuis l'époque de leur mise en place, il y a 4 à 4,5 milliards d'années. Ces terrains, qui constituent de véritables archives du passé martien, présentent un intérêt majeur pour la recherche d'une éventuelle vie martienne. En étudiant les innombrables images de la surface martienne transmises par les sondes spatiales, les astrobiologistes ont également identifié des sites qui ont pu permettre l'émergence de la vie ou qui sont, de par leur potentiel de fossilisation, très prometteurs pour la recherche de molécules prébiotiques, et de microorganismes martiens fossiles ou vivants.

Les sites de recherche

Pour rechercher d'éventuelles traces de vie à la surface de Mars, le fil conducteur qui semble le plus évident à suivre est celui de l'eau. Sur Terre, la molécule d'eau est indispensable à la vie. Si des microorganismes martiens se sont un jour développés sur la planète rouge, on peut raisonnablement penser qu'ils devaient être affectés de la même dépendance vis à vis de la molécule d'eau que les organismes terrestres. La majorité de la communauté scientifique considère que l'existence de poches d'eau liquides sur des périodes de temps importantes est une condition sine qua non à l'apparition puis à la survie d'organismes sur Mars. Les astrobiologistes vont donc naturellement se focaliser sur tous les environnements qui montrent des signes de la présence passée d'eau liquide (réseaux fluviaux, minéraux hydratés) pendant une durée appréciable en regard des temps géologiques. Ces zones sont d'autant plus favorables qu'elles permettent souvent la formation de roches sédimentaires (comme les calcaires par exemple) à haut potentiel de fossilisation. Voyons ce point plus en détails.

Les différents types de roches

Tous ceux qui ont un jour cherché des fossiles savent que certains types de roches conviennent bien mieux que d'autres aux découvertes, et que les chances de succès sont bien plus élevées dans un banc calcaire que dans une coulée de lave.

Les géologues distinguent trois grands types de roches : les roches magmatiques, les roches métamorphiques et les roches sédimentaires. Comme leur nom l'indique, les roches magmatiques sont issues de la cristallisation d'un magma, soit à grande profondeur (le refroidissement étant lent, nous aurons alors une roche bien cristallisée comme le granite) soit à la surface (c'est le cas des laves volcaniques, qui refroidissent rapidement et qui ne contiennent que peu de cristaux). On imagine aisément que les chances de conservation d'un organisme au sein de ces roches est peu élevé : le magma bouillant a tôt fait de dissoudre n'importe quelle cellule qui aurait eu l'audace d'entrer en son contact.

Comme les roches magmatiques, les roches métamorphiques n'offrent pas des conditions idéales pour la préservation de fossiles. On appelle roche métamorphique toute roche (magmatique ou sédimentaire) qui se retrouve soudain exposée à des conditions de température et de pression différentes de celles qui ont présidé à sa formation. Les différences de température et de pression vont rendre instables les minéraux constituants la roche : certains vont disparaître, tandis que d'autres espèces minérales vont se former. L'agencement des minéraux entre eux est également modifié. Ces modifications chimiques et texturales, qui ont toujours lieu à l'état solide (sauf dans les cas extrêmes de métamorphisme ou la roche commence à fondre), vont profondément affecter la roche. Si cette dernière contenait des fossiles, ceux-ci peuvent devenir méconnaissables. De nombreux phénomènes peuvent conduire à la métamorphisation d'une roche. Les deux principaux sont l'arrivée d'une poche de magma dans la croûte (les roches situées sur le pourtour de la poche sont alors cuites, la température étant ici le facteur prédominant) ou l'enfouissement sous des kilomètres de sédiments (ici, la pression peut jouer un rôle, tout comme la température). L'activité métamorphique, et en particulier le métamorphisme d'enfouissement, ont probablement été moins importants sur Mars que sur Terre. Le métamorphisme de choc, causé par les impacts météoritiques, a cependant dû jouer un rôle non négligeable, au moins dans les premiers temps de l'histoire géologique martienne. En créant des cratères d'impact et en pulvérisant la partie la plus superficielle de la croûte martienne, les innombrables astéroïdes et comètes qui se sont abattus sur Mars ont vraisemblablement du oblitérer une plus ou moins grande partie des archives géologiques.

S'il ne fallait compter que sur les roches magmatiques et métamorphiques, le mot fossile n'existerait sans doute pas. Fort heureusement, il existe un troisième type de roches, les roches sédimentaires, dont l'origine peut être variée. La famille des roches sédimentaires comprend les roches détritiques (qui proviennent de l'assemblage de débris de roches préexistantes, magmatiques, métamorphiques ou sédimentaires, ces débris ayant été arrachés, altérés, transportés, déposés puis finalement cimentés), les roches physico-chimiques (qui proviennent de la précipitation chimique ou biologique de minéraux - principalement des carbonates et de la silice, le plus souvent dans des étendues d'eau), les évaporites (qui proviennent de l'évaporation d'une eau riche en sels) et enfin les roches organiques (comme le pétrole ou le charbon, qui proviennent de la transformation de la matière vivante).

Les roches sédimentaires vont constituer la cible prioritaire pour la recherche de fossiles martiens. Le matériau rocheux idéal devra avoir une perméabilité faible (de manière à éviter les échanges avec un fluide qui pourrait suinter à travers le lit rocheux et altérer la roche). La roche ne devra pas avoir été enterrée trop profondément, ni soumise à un flux de chaleur trop important (le but étant d'éviter les dégâts causés par les hautes pressions et les cuissons trop importantes qui conduisent comme nous l'avons vu à une métamorphisation). Cette roche devra être stable et résistante chimiquement, en d'autres termes elle devra offrir un temps de résidence crustale très long (par résidence crustale, les géologues entendent la capacité de la roche à rester dans la croûte). De ce point de vue, les évaporites, qui montrent une forte tendance à la dissolution, présentent un inconvénient majeur. Il est cependant possible que ces roches soient plus résistantes sur Mars, à cause de l'aridité du climat martien, et de l'absence de tectonique de plaques. Question résistance chimique, on préférera aussi une dolomie (formée de carbonates de calcium et de magnésium) à un calcaire (formée seulement de carbonates de calcium).

Les roches sédimentaires qui présentent le plus haut potentiel de fossilisation sont des roches à grains très fins formées par précipitation soit de silice (on obtient alors des cherts) ou de carbonates (on obtient alors des calcaires et des dolomies). Sur Terre, les plus beaux fossiles de l'éon précambrien ont été découverts dans des cherts. De par leur imperméabilité, les roches argileuses sont également des milieux très favorables à la fossilisation : le sédiment fonctionne alors comme un système fermé, isolé du monde extérieur, qui protège les microorganismes en cours de fossilisation d'une oxydation par l'oxygène ou les fluides.

Contrairement à ce que nous avons signalé plus haut, une roche volcanique peut éventuellement se prêter à des recherches exobiologiques, du moment qu'elle est suffisamment altérée et qu'elle présente des fissures remplies de minéraux secondaires tels que les carbonates. La météorite ALH84001, dans laquelle la NASA a annoncé avoir découvert des microfossiles martiens, était effectivement une roche volcanique, qui par définition n'est pas particulièrement favorables à la recherche de fossiles. Les soi-disant traces de vie n'ont cependant pas été découvertes dans la roche elle-même, mais au sein de carbonates déposés dans des fractures ...

Les lacs martiens

Les roches sédimentaires qui se sont déposées rapidement, comme les sédiments accumulés à l'embouchure des vallées de débâcle (roches détritiques), sont à rejeter. Les meilleurs sédiments se forment au sein d'étendues d'eau calmes et stables, comme celle d'un lac. Ces milieux favorisent effectivement la précipitation lente de très fines particules qui peuvent piéger des organismes vivants. Les sédiments seront d'autant plus favorables à la fossilisation s'ils peuvent se former dans un milieu réducteur (absence d'oxygène), ou la sédimentation et la compaction sont rapides, et ou la perméabilité est diminuée par une cimentation précoce.

Bien entendu, les océans ou les mers offrent également des conditions propices à la formation de sédiments fossilifères. Cependant, si un hypothétique océan a peut-être occupé les basses plaines de Mars il y a des milliards d'années en laissant derrière lui des kilomètres de sédiments dignes de ceux qui s'accumulent dans les plaines abyssales terrestres, les chances de trouver des sédiments lacustres semblent plus importantes. Effectivement, de nombreux cratères d'impact martiens semblent avoir accueilli, il y a des milliards d'années, des étendues d'eau stagnantes. Les cratères constituent effectivement d'excellentes cuvettes naturelles ou l'eau peut facilement s'accumuler. Il n'est pas rare d'observer à la surface de Mars un chenal se jetant dans un cratère d'impact, après avoir ouvert une brèche dans son rempart. Il est également possible de distinguer parfois des sortes de dépôts en terrasses (qui sont probablement d'origine sédimentaire et qui attesteraient alors de la présence à plus ou moins long terme d'une vaste étendue d'eau), ainsi que des deltas formés par des alluvions abandonnés à l'endroit où le cours d'eau se jetait dans le cratère.

Au fil du temps, le fond des cratères inondés a du se recouvrir d'une couche de sédiments lacustres qui ont fini par durcir pour donner naissance à des roches sédimentaires. Si le lac hébergeait des microorganismes, un grand nombre d'entre eux ont pu être piégés dans ces dépôts. Lorsque les conditions climatiques ont commencé à se rapprocher de celles qui prévalent aujourd'hui à la surface de Mars, la disparition des eaux lacustres a également pu laisser derrière elle un autre type de roche sédimentaire à haut pouvoir de fossilisation, les évaporites. Comme nous l'avons vu plus haut, ces roches salines se forment lors de l'évaporation d'une eau fortement chargée en sels (chlorure comme le sel de mer, sulfate comme le gypse). Ce type de dépôt sédimentaire est d'un intérêt majeur pour la recherche d'une éventuelle forme de vie car les sels, en précipitant, emprisonnent de minuscules poches de liquides (que l'on nomme inclusions fluides) qui peuvent contenir des bactéries halophiles. Ainsi protégées, ces dernières peuvent résister aux outrages du temps, aux conditions sévères qui règnent à la surface de Mars et à la décomposition par d'autres organismes.

Aucune analyse minéralogique n'est cependant venue confirmer l'existence de dépôts lacustres ou d'évaporites au niveau des lacs de cratère, et les résultats des spectromètres infrarouges embarqués sur les dernières sondes martiennes sont attendus avec une impatience non dissimulée par les scientifiques. De la même manière, les carbonates, qui devraient pourtant abonder sur Mars, jouent toujours à cache-cache avec nos meilleurs instruments de détection.

Sans analyse minéralogique, il est effectivement facile de se fourvoyer. Les robots que les agences spatiales envoient à la surface de Mars sont extrêmement rares, et nous ne pouvons absolument pas nous permettre d'envoyer une sonde à l'aveuglette. Diriger un atterrisseur vers un site qui semble présenter de magnifiques affleurements de calcaires pour découvrir une fois sur place que ces roches ne sont que des coulées de lave serait un gâchis monumental. La région de White Rock constitue un excellent exemple d'appel à la prudence. White Rock est une zone de 200 km2 constituée d'un matériel rocheux posé sur le fond d'un cratère, et dont la belle couleur blanche rappelle indubitablement celle d'un affleurement de roches sédimentaires. Pour les scientifiques, White Rock prouvait de manière emblématique la réalité de lacs martiens. Il y a des milliards d'années, le cratère Pollack qui ceinture White Rock avait dû se remplir progressivement d'eau. Lorsque celle-ci s'est évaporée suite à la désertification de la planète, les composés salins qui étaient en solution avaient du précipiter pour donner naissance à un magnifique dépôt d'évaporite immaculé, White Rock. Grâce aux images renvoyées par le spectromètre d'émission thermique (TES) de la sonde Mars Global Surveyor, on sait aujourd'hui que White Rock n'est rien d'autre qu'une accumulation décevante de grains de poussière cimentés. Quant à sa belle couleur blanche qui avait enflammé l'imagination des géologues, elle serait simplement due à un effet de contraste avec les terrains plus sombres environnants (les illusions de contraste sont une spécialité martienne, comme en témoigne le dossier consacré aux couleurs de Mars).

Outre la présence de roches sédimentaires idéales pour rechercher des microfossiles, et dont, répétons-le, l'existence reste encore à prouver, les lacs martiens ont peut-être aussi constitué un ultime refuge pour la vie martienne lorsque les conditions climatiques à la surface de Mars ont commencé à se dégrader. En antarctique, alors que la température descend largement en dessous du point de congélation de l'eau, les lacs restent liquides car ils sont protégés par une couche de glace de quatre à six mètres d'épaisseur. C'est la présence de ce couvercle de glace, ainsi que l'alimentation du lac pendant les quelques jours d'été ou la température passe au-dessus de 0°C, qui permet à ces étendues d'eau d'exister en dépit des conditions glaciales qui règnent en surface (l'eau est également maintenue à l'état liquide grâce à la chaleur latente dégagée au moment de la prise en glace).

Le même processus a peut-être eu lieu sur Mars. On estime que des conditions similaires à celles de l'antarctique ont existé sur la planète rouge 500 millions d'années après que la température annuelle moyenne soit passée en dessous de 0°C. Bien entendu, le couvercle de glace qui protégeait les lacs devait être rogné par le phénomène de sublimation (passage direct de l'état solide à l'état gazeux). Ainsi, à plus ou moins long terme, les lacs martiens étaient de toute façon condamnés à disparaître. D'après des simulations, un lac d'une profondeur de quelques centaines de mètres aurait cependant pu résister pendant quelques centaines de millions d'années avant de s'effacer de la surface martienne. Les lacs de cratères (comme ceux du cratère Gusev) comptent donc parmi les endroits les plus propices à la recherche d'une éventuelle vie martienne. La NASA ne s'y est pas trompée en sélectionnant le cratère Gusev comme site d'atterrissage pour l'un des deux rovers MER.

Comme les cratères d'impact, les gouffres qui constituent l'immense balafre de Valles Marineris ont également pu retenir de vastes quantités d'eau il y a plusieurs milliards d'années, donnant ainsi naissance à des lacs gigantesques (la profondeur des canyons atteint par endroit 7 kilomètres). Cette théorie semble confortée par le fait qu'une bonne partie du plancher de Valles Marineris semble occupé par des dépôts sédimentaires particulièrement importants. A l'instar des lacs de cratères, les étendues d'eau qui ennoyaient les abîmes de Valles Marineris étaient peut-être protégées par une épaisse carapace de glace. Avant de s'évanouir à jamais, la vie a donc peut-être trouvé un dernier refuge dans les lacs de cet incroyable gouffre.

Les sources hydrothermales

Les sources hydrothermales constituent la deuxième région de prédilection pour la recherche d'une éventuelle vie martienne. Ces milieux ou de l'eau chaude circule dans des fissures de la croûte présentent effectivement des conditions particulièrement favorables à l'apparition et au développement de formes de vie. Sur Terre, l'hydrothermalisme est particulièrement développé au niveau des dorsales océaniques, ces zones ou se créé en permanence de la croûte océanique. Au niveau des dorsales, la croûte est soumise à une forte extension, ce qui provoque l'apparition d'un grand nombre de fractures. Celles-ci permettent à l'eau de mer de pénétrer en profondeur dans la croûte océanique. Lorsqu'elle arrive au voisinage des chambres magmatiques (qui sont pratiquement toujours actives au niveau des dorsales), l'eau se réchauffe et se charge en éléments chimiques au contact des roches. Par effet de thermosiphon, l'eau chauffée est invitée à faire demi-tour et est expulsée vers la surface. Son mélange avec l'eau de mer froide provoque alors la précipitation des éléments chimiques dissous (fumeurs noirs), qui se déposent en formant une cheminée hydrothermale. Dans les années 1970, contre toute attente, les biologistes ont découvert des écosystèmes fascinants autour des cheminées hydrothermales.

Outre les conditions exceptionnelles qu'elles présentent pour le développement de la vie, les sources hydrothermales offrent aussi des possibilités remarquables de fossilisation : comme nous l'avons indiqué, le refroidissement des fluides hydrothermaux entraîne souvent une précipitation de minéraux (carbonates, silice et oxydes de fer) qui peuvent alors fossiliser instantanément des cellules bactériennes.

Par définition, l'hydrothermalisme caractérise des régions où le magma est proche de la surface et où des quantités appréciables d'eau peuvent circuler grâce à des réseaux de fracture. Etant donné les nombreuses preuves de la présence d'eau liquide à la surface de Mars au début de son histoire (réseaux de vallées, vallées de débâcles), et l'ampleur évidente du volcanisme, il est pratiquement certain que des systèmes hydrothermaux sont se mis en place sur Mars. Cette hypothèse est étayée par le fait que certaines météorites martiennes montrent des traces d'altération hydrothermale, ainsi que des indices attestant d'un échange d'eau entre la surface et le sous-sol, échange qui pourrait être lié à des circulations hydrothermales.

Les zones où cohabitent des édifices volcans et des chenaux fluviatiles, comme le secteur entourant le volcan Apollinaris Patera (situé juste au-dessus du cratère Gusev) ou la région de Dao Vallis (une vallée fluviale située en dessous du volcan Hadriaca Patera), sont particulièrement prometteuses pour la recherche de sources hydrothermales. Cependant, les volcans ne sont peut-être pas les seuls endroits de la surface martienne à posséder des gradients géothermiques suffisant pour permettre à l'eau liquide d'exister. La chaleur dégagée au moment de certains impacts d'astéroïdes et de comètes pourrait également conduire à l'apparition de sources hydrothermales actives sur des périodes de temps non négligeables (10 000 à 100 000 ans). De plus, les impacts concassent intensément la croûte martienne, créant ainsi des pores qui représentent un habitat de choix pour des bactéries.

Comme pour les lacs, l'existence de sources hydrothermales n'est cependant qu'une hypothèse séduisante, et nous n'avons encore jamais détecté à la surface de Mars des roches altérées par le contact d'eaux hydrothermales, ou des associations de minéraux caractéristiques des milieux hydrothermaux, à une exception près ...

L'hématite de Sinus Meridiani

En 1998, le spectromètre d'émission thermique (TES) de Mars Global Surveyor détecte au niveau de la région de Sinus Meridiani une forte concentration d'hématite, un oxyde de fer de formule Fe2O3. Située entre 1° de latitude nord et 3° de latitude sud, pour 8° de longitude ouest et 1° de longitude est, l'hématite couvrirait une surface d'environ 500 km2.

L'hématite peut apparaître lors de l'oxydation de minéraux riches en fer dans l'atmosphère et à basse température. Ce type d'hématite est très fréquent sur Mars, car il rentre dans la composition de la poussière et des sols qui recouvrent sa surface. L'hématite est alors constituée de grains très fins, dont la taille varie entre quelques centaines de nanomètres et quelques microns. D'une couleur rouille et pulvérulente, c'est elle qui donne à Mars sa teinte rouge caractéristique.

D'après son spectre infrarouge, l'oxyde de fer qui recouvre la région équatoriale de Sinus Meridiani possède une structure cristalline différente de la rouille qui colore le sol martien. Au lieu de mesurer quelques centaines de nanomètres, les cristaux posséderaient une taille comparable à celle d'un grain de sable. La couleur serait également différente. Alors que l'hématite du sol possède une couleur rouille, l'hématite de Sinus Meridiani est gris métallique.

L'hématite grise à gros grains que l'on pense avoir détecté dans le secteur de Sinus Meridiani ne peut se former que dans des environnements riches en eau liquide. Sur Terre, ce type d'hématite se forme par exemple au niveau de régions hydrothermales. Lorsqu'une grande quantité d'eau chaude rentre en contact avec des roches riches en fer, celui-ci passe en solution. Plus tard, lorsque l'eau refroidit, elle ne peut plus contenir autant de fer dissous et ce dernier n'a d'autres choix que de précipiter dans les veines et les fractures de roches environnantes. Des dépôts d'hématite peuvent aussi se former lorsqu'une quantité importante de fer dissous dans l'eau de mer précipite sous l'effet d'un changement de composition chimique. Les gisements de fer les plus importants au monde sont justement constitués par de tels dépôts. Ces derniers, que les géologues appellent minerais de fer rubanés (BIF) se sont formées entre 2,5 et 1,8 milliards d'années, lorsque les premiers êtres vivants photosynthétiques ont commencé à rejeter massivement dans les océans de l'oxygène. Avant de rejoindre dans l'atmosphère, l'oxygène a réagi avec le fer dissous dans l'eau de mer et a provoqué la précipitation d'hématite (pour en savoir plus, cliquez ici). C'est seulement après la disparition presque totale du fer dans l'eau de mer que l'oxygène (celui-là même que nous respirons aujourd'hui !) a pu commencer s'accumuler dans l'atmosphère terrestre.

Le dépôt d'hématite de Sinus Meridiani semble être contemporain d'une époque où le climat martien était plus chaud et plus humide. Pour les géologues, il a probablement été enfoui pendant des centaines de millions d'années sous une épaisse couche de sédiments, avant d'être finalement exhumé par l'érosion. Etant donné que l'hématite s'est vraisemblablement formée en présence d'eau, et que ce minéral préserve de façon remarquable les fossiles, Sinus Meridiani est devenu un site hautement prioritaire pour la recherche d'une vie martienne. L'un des rovers américains de 2003 atterrira probablement dans ce secteur.

Si la région de Sinus Meridiani a présenté un jour une activité hydrothermale suffisante pour donner naissance à la formidable concrétion d'hématite grise découverte par Mars Global Surveyor, cette dernière est aujourd'hui éteinte. Il est cependant possible que certaines sources hydrothermales soient encore en activité. Si un spectromètre infrarouge embarqué détecte un jour les bouffées de chaleur caractéristiques de l'irruption en surface d'une source hydrothermale, il est évident que celle-ci deviendra la cible de toutes les sondes spatiales en quête de vie extraterrestre. Jusqu'à ce que nous détections des affleurements carbonatés, l'hématite de Sinus Meridiani reste le dépôt minéral qui offre le plus de chance de découvrir des fossiles d'organismes martiens.

La croûte du régolite

Sur Terre, en percolant à travers le sol, l'eau peut entraîner des minéraux solubles vers des couches plus profondes, où ces derniers finissent par se déposer en formant un horizon induré. Certains sols latéritiques africains possèdent ainsi une cuirasse ferrugineuse extrêmement dure. Lorsque ces croûtes cristallisent, elles peuvent facilement emprisonner en leur sein des cellules microbiennes.

Au cours de leur étude de la surface martienne, les deux atterrisseurs Viking ont montré que le sol martien était lui aussi durci par endroit, et pouvait former une carapace minérale résistante à l'érosion. Cet encroûtement est probablement dû à des concentrations de sels, en particulier des sulfates qui sont abondants dans le sol martien. Ces encroûtements, qui sont vraisemblablement disséminés un peu partout à la surface de la planète rouge, pourraient devenir la cible de bons nombres de sondes robotiques en quête de traces de vie.

Les glaces martiennes

En Sibérie, des microbiologistes ont retrouvé des bactéries viables emprisonnées dans des sédiments gelés (-10°C) depuis plus de 3 millions d'années. Sur Mars, les deux principaux réservoirs de glace sont les calottes polaires, ainsi que le sous-sol. Il est parfaitement possible que certaines poches de glace formées juste au moment du refroidissement de la planète il y a 3 milliards d'années n'aient jamais dégelé depuis. La glace martienne, avec une température avoisinant les -70°C, pourraient donc offrir des capacités de préservation à l'échelle des milliards d'années, et un simple carottage à 50 mètres de profondeur pourrait ramener à la surface des débris organiques ou des cellules entières datant d'une époque si lointaine qu'elle donne le vertige. On pourrait même, pourquoi pas, retrouver des formes viables. Enfouies à grande profondeur dans un sous-sol gelé, ces dernières seraient effectivement protégées des rayonnements solaires et cosmiques, ainsi que des brèves périodes de réchauffement qu'a peut-être connu la planète Mars au cours de son histoire géologique. L'inconvénient majeur de la glace est d'offrir un temps de résidence crustale assez faible, les périodes de réchauffement climatiques pouvant effectivement entraîner des épisodes de fontes massives.

De l'importance de forer

Dans la quête de formes de vie sur la planète rouge, les forages, qu'ils soient à faible ou grande profondeur, deviendront vite essentiels. Tout d'abord parce qu'à des dizaines de kilomètres sous la surface rouillée de Mars, il existe peut-être de vastes lacs souterrains, ou l'eau est maintenue à l'état liquide par la pression, à l'image du lac Vostok en antarctique. Enfouie sous 4 kilomètre de glace, cette étendue d'eau souterraine d'une profondeur de 1 km serait restée isolée du reste du monde depuis au moins 500 000 ans, et pourrait selon certains biologistes héberger des formes de vie ayant évolué différemment des organismes de surface.

Tout site d'atterrissage sélectionné sur des critères exobiologiques devrait obligatoirement posséder des affleurements rocheux et une faible couverture superficielle (sol, poussière) pour faciliter les rechercher. Il y a cependant fort à parier que les strates les plus intéressantes seront enfouies sous d'épaisses coulées de lave ou enterrées sous des couches de poussières durcies. Un forage sera alors nécessaire pour atteindre ces couches éventuellement fossilifères.

Le moyen le plus économique pour accéder aux roches du sous-sol semble être de profiter des forages naturels qu'offre la planète Mars : les cratères d'impact. Ceux-ci sont effectivement entourés d'une couronne de matériaux excavés du sous-sol (les éjectas). Même si ces roches mises à nu de manière naturelle ont dû être extrêmement affecté par les hautes pressions et températures libérées par l'impact, leur potentiel ne doit pas être négligé.

Les forages profonds, que ce soit pour atteindre des poches d'eau souterraines ou des strates sédimentaires, demanderont des moyens autrement plus considérables, et ne pourront vraisemblablement pas avoir lieu avant que l'homme ne pose le pied sur Mars. Les robots que nous enverrons entre-temps sur la planète Mars pourront cependant eux aussi réaliser des forages, certes plus modestes, mais tout aussi utiles.

Le premier acte de la recherche d'une vie martienne s'est déroulé en surface avec les sondes Viking en 1976. Les analyses effectuées par ces dernières ont montré en première approche que le sol martien est impropre à la vie : extrêmement desséché, il est baigné par un important flux d'ultraviolet et contient probablement des quantités non négligeables de molécules oxydantes dont la présence est incompatible avec celle de la matière organique. Il est fort probable que les conditions sont plus clémentes dans le proche sous-sol. Grâce à un bras mécanique, les atterrisseurs Viking avaient bien tenté de sonder celui-ci en creusant des tranchées et en prélevant des échantillons sous des roches, mais ces essais ne se sont pas révélés concluants. Si le rayonnement ultraviolet doit être rapidement stoppé à quelques centimètres sous la surface, l'activité destructrice des oxydes pourrait effectivement persister à plus grande profondeur. Le petit atterrisseur britannique Beagle 2 va tenter de tirer parti des déboires de son prédécesseur en déployant une ingénieuse taupe robotique, qui va lui permettre de prélever des échantillons en sous-sol. La profondeur à laquelle il faudra creuser pour atteindre un sol libre de toutes molécules oxydantes n'est cependant pas connue, certains scientifiques estimant qu'un forage à plus de 10 mètres pourrait être nécessaire ...

Si la mission Viking a prouvé la nécessite d'un forage du sous-sol, nous avons également reçu un vibrant plaidoyer pour le carottage des roches de la part du robot Sojourner. A l'heure actuelle, nous n'avons aucune preuve que le spectromètre APXS qui équipait Sojourner ait analysé la moindre roche saine. Toutes les roches de son site d'atterrissage (Ares Vallis) étaient apparemment recouvertes d'un manteau poussiéreux, et il est vraisemblable que la surface de chaque pierre était également oxydée ou altérée. Sojourner n'a très bien pu étudier qu'un revêtement poussiéreux ou une roche oxydée ...

Dans les environnements arides terrestres, les roches sont souvent couvertes par une sorte de vernis désertique sombre, que les géologues appellent "patine du désert". Cet encroûtement brun foncé ou noir possède une composition chimique indépendante de la roche sur lequel il s'est développé, et masque totalement la nature de cette dernière à un observateur extérieur. Lorsqu'elles sont recouvertes par ce vernis, des roches de composition différentes donnent des signatures spectrales très semblables dans l'infrarouge, ce qui complique énormément les analyses minéralogiques. La patine est composée à 70 % d'argiles, le reste étant formé par des oxydes de fer et de manganèse. Etant donné que certaines roches altérées ne contiennent qu'une faible quantité de fer et de manganèse, ces deux éléments pourraient être apportés par l'eau, le vent ou les deux. L'épaisseur de la patine est relativement faible, puisqu'elle varie généralement entre 0,005 et 0,5 mm. Elle s'étend généralement sur des roches résistantes, dont la surface ne se désagrège pas facilement au cours du temps. Le mécanisme de formation de la patine du désert est controversé : des microorganismes capables d'oxyder le manganèse ou le fer (comme Metallogenium, Pedomicrobium ou Arthrobacter), ainsi que certaines moisissures pourraient jouer un rôle majeur dans l'apparition de ce vernis minéral. Une telle patine doit vraisemblablement recouvrir la plupart des roches martiennes.

L'élimination de la patine du désert puis l'utilisation d'un foret pour retirer une carotte de roche saine est donc un pré requis essentiel à l'analyse géologique et biologique de toute roche sur la planète rouge. L'atterrisseur Beagle 2 est équipé d'un tel dispositif, et les rovers américains MER, ayant retenu la leçon de leur prédécesseur, possèdent également une meule abrasive.

Des signes de vie

La sélection de sites à haut potentiel exobiologique est fondamentale pour la recherche d'une vie martienne. Quelle que soit la sophistication des engins robotiques que nous allons envoyer vers Mars, ces derniers ne serviront à rien si nous les faisons atterrir dans un secteur où la géologie est incompatible avec la préservation d'organismes biologiques.

Le choix d'un site d'atterrissage propice ne constitue cependant qu'un des facteurs de réussite. Ce n'est pas tout de savoir ou chercher, il faut aussi savoir quoi chercher. Nous abordons ici l'une des difficultés fondamentales de la recherche d'une vie extraterrestre, dont la nature est par définition inconnue. Que nous l'acceptions ou non, nous allons explorer ce nouvel univers en utilisant des critères de reconnaissances purement terrestres, qui pourraient très bien n'être d'aucune utilité sur les autres planètes du système solaire. Si l'on place une personne ne possédant pas de compétence en minéralogie dans une grotte plongée dans l'obscurité la plus totale, et que l'on demande à cet infortuné cobaye de trouver un filon d'uranite (un minerai d'uranium), son premier réflexe sera sans doute de sortir une lampe de poche et de balayer les parois avec le pinceau lumineux pour tenter d'y discerner quelque chose d'anormal. Alors qu'il serait bien plus approprié de rechercher ce minerai avec une lampe ultraviolette (l'uranite étant fluorescente) ou mieux un compteur Geiger (la recherche pouvant alors s'effectuer les yeux fermés si l'on décide de se guider uniquement aux charmants bips de l'instrument !).

Bien sûr, il est fort possible que la vie martienne soit identique à la vie terrestre, ou repose sur des bases similaires (molécules utilisant un squelette carboné, eau comme solvant, etc.). Mais nous ne pouvons pas écarter le fait que la vie martienne, si tant est qu'elle ait jamais existé, ait pu emprunter une direction complètement différente de celle suivie par la vie terrestre. Les biologistes savent bien que la nature est une source perpétuelle d'étonnement, et nous ne sommes pas prêts d'arriver au bout de nos surprises.

En gardant cette idée en tête, nous allons passer en revue les éléments les plus caractéristiques à rechercher dans les roches martiennes ...

Les fossiles

Si la planète Mars a présenté dans un lointain passé des conditions favorables à l'émergence de la vie, elle est aujourd'hui devenue un monde hostile, et il est fort probable que de nombreuses formes de vie se sont éteintes avec l'évolution drastique des conditions climatiques. De ces êtres unicellulaires qui ont un jour vécu sur Mars, il ne doit plus rien rester d'autres que des fossiles.

Sur Terre, lorsqu'un organisme vivant meurt, ses parties molles subissent en général une décomposition très rapide. Les biologistes estiment que 98% du carbone organique est ainsi immédiatement recyclé. Pour échapper à ce processus impitoyable, les organismes doivent être immédiatement inclus dans une substance protectrice (ambre, cristaux de sels) ou ensevelis sous un sédiment très fin dans un milieu anoxique (sans oxygène), de manière à éviter une oxydation.

Mourir dans ces conditions reste un événement rarissime, et en règle générale on ne retrouve pratiquement jamais l'organisme entier, tout au plus peut-on admirer l'empreinte qu'il a laissée dans la roche (lorsque l'on découvre un fossile végétal dans un schiste, il s'agit très souvent de l'empreinte laissée par une feuille ou une tige, et non pas le végétal lui-même). Dans certains cas particulièrement favorables, la matière organique peut cependant être remplacée (de manière partielle ou complète) par des éléments minéraux comme des oxydes métalliques, des sulfures (pyrite) ou des phosphates. Petit à petit, l'organisme se transforme littéralement en pierre : c'est le processus de pétrification.

Les parties dures, comme les coquilles calcaires ou siliceuses de certains organismes marins (foraminifères et radiolaires pour les formes microscopiques, bivalves et gastéropodes pour celles visibles à l’œil nu), résistent bien mieux à l'épreuve du temps que les parties molles, comme le savent tous ceux qui ont un jour ramassé des fossiles. Ces parties dures peuvent être conservées en l'état, ou être remplacées par des minéraux (silice, carbonate de calcium et de fer, oxyde de fer, phosphate de calcium, sulfure de fer). La roche qui renferme le fossile doit également être physiquement résistance et chimiquement stable, pour braver l'érosion et les processus géologiques tels que la diagenèse (changements subis par un sédiment après son dépôt) ou le métamorphisme (qui est, comme nous l'avons vu plus haut, la transformation d'une roche sous l'effet de hautes températures et/ou de hautes pressions). Les roches et minéraux les plus efficaces du point de vue de la fossilisation sont (rappelons le) les carbonates (calcaires et dolomies), les argiles, la silice (probablement l'un des meilleurs minéraux pour la fossilisation), ainsi que les phosphates (apatite) et les oxydes de fer (hématite). On peut également citer les évaporites (roches issues de l'évaporation d'une eau saturée en sels) et la glace, même si ces deux matériaux ont rarement une durée de vie importante (la glace fond et les évaporites se dissolvent facilement dans l'eau).

Les fossiles morphologiques

Les méthodes permettant de détecter des fossiles d'une ancienne vie martienne trouvent leurs principes dans l'étude des premiers fossiles d'êtres vivants datant de la période archéenne (entre 3,8 milliards d'années et 2,7 milliards d'années). Sur Terre, les formes de vie les plus anciennes ont laissé deux types de fossiles : des édifices macroscopiques (les stromatolithes), observables à l'œil nu, et des reliques de cellules individuelles, dont la taille varie de quelques microns à 1 mm pour les plus grosses (cyanobactéries filamenteuses).

De par leur taille et leur aspect, les stromatolithes sont évidemment les fossiles les plus aisés à reconnaître. Ces étonnantes structures biosédimentaires évoquant un mille-feuille ; elles sont effectivement formées d'une multitude de couches carbonatées (la silice peut aussi être présente) alternant avec des lits plus riches en matière organique. Les géologues pensent que ces roches laminées ont été construites par des microorganismes. En se développant, ceux-ci précipitent de fines particules de carbonates qui retombent sur eux en pluie et qui finissent par les ensevelir. D'autres cellules se mettent à proliférer au-dessus de la couche nouvellement formée, et le processus peut recommencer. Bien que travaillant au niveau microscopique, au fur et à mesure que les couches s'accumulent les unes au-dessus des autres, nos bâtisseurs microscopiques parviennent à ériger une véritable cathédrale minérale. Certaines stromatolithes constituent de simples tapis de pierre, tandis que d’autres se présentent sous la forme de dômes, qui en coupe ressemblent à un chou-fleur fendu en deux. Il n'est pas impossible que l'on découvre un jour sur Mars des formations similaires aux stromatolithes terrestres.

Malgré le fait que l'on puisse détecter une activité bactérienne à l'œil nu (comme le prouve les stromatolithes), il est plus probable que la recherche de fossiles passera d'abord et avant tout par l'identification, beaucoup plus ardue, de reliques cellulaires.

Constituées principalement de molécules organiques (parties molles), les cellules microbiennes ne sont pas par définition des éléments résistants. Les cellules peuvent cependant servir d'amorce à la formation d'un minéral (processus de nucléation) et se retrouver ainsi revêtues par une gangue minérale qui préservera leur forme. L'intérieur de la cellule peut aussi être complètement remplacé par des minéraux, la bactérie subissant alors une véritable pétrification. Ainsi, alors même que la plus grande partie de la matière organique a depuis longtemps disparu, les cadavres cellulaires peuvent traverser le temps, et l'on peut encore aujourd'hui admirer au microscope optique ou électronique des cellules vieilles de plusieurs milliards d'années.

Le piège de la morphologie

Par rapport aux formes de vie évoluées, qui adoptent les formes les plus diverses et variées, la morphologie bactérienne est très limitée. Il ne faudrait cependant pas commettre l’erreur de croire que parce que les bactéries se ressemblent toutes, elles fonctionnent toutes de la même manière. Même si leur morphologie simpliste ne laisse rien transparaître, la machinerie biochimique des bactéries est proprement stupéfiante, et leur diversité métabolique n’a pas d’égale dans le monde vivant.

Contrairement aux paléontologues, qui en appliquant des règles bien précises peuvent reconstituer un individu entier et estimer son mode de vie grâce à une simple phalange, les exobiologistes sont bien en peine de réaliser le même exploit avec les bactéries fossiles. Peu diversifié, la morphologie bactérienne ne fournit qu’une information très lacunaire sur les potentialités métaboliques des premières formes de vie terrestre.

La simplicité morphologique des bactéries constitue également un obstacle en tant que tel, d'autant plus qu'au fil du temps, les processus d'altération tendent à uniformiser la morphologie pour produire des structures très simples ressemblant soit à des ronds, soit à des bâtons. Etablir la biogénicité d’une structure fossile est relativement aisée quand la morphologie observée ne peut pas s’expliquer par des mécanismes purement chimiques ou physiques. Personne n’a jamais remis en question l’origine biologique d’un squelette de dinosaure, pour la bonne et simple raison que l’on ne connaît aucun phénomène autre que biologique capable d’en fabriquer un de toutes pièces ! (la situation n’était cependant pas aussi simple au 18ème et même 19ème siècle, ou les controverses sur la nature des fossiles faisaient rage).

La situation est beaucoup moins claire en micropaléontologie. Dans ce domaine, les fameux principes d’anatomie comparée mis au point par Cuvier ne peuvent être appliqués, et la Nature s’est ingéniée à brouiller les pistes avec de nombreux leurres. Ainsi, certains minéraux (comme les composés du titane) peuvent ressembler comme deux gouttes d’eau à des cellules fossilisées, et il est parfois très ardu de faire la différence entre les deux. Comble de la perversité, certains de ces cristaux bactériomorphes, en s’associant de façon particulière (maclage), peuvent même imiter une division cellulaire, et ajouter encore à la confusion.

Il convient également de se méfier des pseudo-fossiles organiques. Des pelotes de molécules organiques abiotiques (c’est à dire formées par des processus non biologiques), comme des proténoïdes et des lipides, peuvent effectivement être fossilisées. Ces vésicules possèdent souvent une taille et une forme caractéristique du monde microbien, et il est alors particulièrement aisé de les confondre avec des coques ou des coccobacilles, d’autant plus que certaines peuvent même se scinder en deux, mimant alors une division cellulaire ! Des molécules prébiotiques, dont le rôle est fondamental pour la compréhension des origines de la vie, peuvent aussi être confondues avec des microfossiles. Enfin, pour compliquer le tout, la préparation même des échantillons pour l'observation au microscope électronique peut également donner naissance à des artefacts trompeurs.

La découverte d'éléments ressemblant à des cellules bactériennes ne constitue donc pas une preuve irréfutable de la présence passée d'organismes dans la roche, en dépit du caractère frappant de certaines images, comme celles des fameux nanofossiles de la météorite martienne ALH84001. L’identification de microfossiles sur des bases morphologiques demande une prudence extrême, et de nombreux indicateurs doivent être recherchés en parallèle avant de pouvoir crier victoire.

En gardant ce point à l’esprit, nous allons passer en revue les critères morphologiques utilisés par les exobiologistes. Les deux plus évidents sont la forme et la taille des microfossiles, qui doivent être caractéristiques du monde microbien. Au niveau de la forme, on recherchera des objets ressemblant à des sphères (coques) et des bâtonnets (bacilles), plus rarement à des vibrions. En ce qui concerne la taille, ces fossiles devraient idéalement mesurer quelques microns (même si la taille d'un organisme vivant peut-être bien différente de la taille qu'il adoptera une fois fossilisé). La controverse des nanobactéries a posé le problème de la taille minimale qu'un organisme vivant doit posséder. Actuellement, les microbiologistes considèrent qu’en dessous d’une taille de 100 à 200 nm, une cellule ne saurait être viable. Pourtant, des structures de 25 à 50 nm, qui seraient pour certains scientifiques d’origine biologique, ont été observées dans une multitude de matériaux, dont la fameuse météorite martienne ALH84001. A ce niveau de petitesse, les analyses sont extrêmement difficiles, et les plus puissants microscopes sont poussés dans leurs retranchements. Ce travail aux limites explique en partie notre incapacité à déterminer la véritable nature de ces nanobactéries.

Si la taille et la forme concordent, les astrobiologistes peuvent utiliser plusieurs autres critères pour confirmer leur diagnostic :

  • association en colonies : les bactéries vivent rarement de manière isolée, et elles sont souvent associées en groupes de plusieurs dizaines voire centaines d’individus. L’observation de ces colonies est un bon indice en faveur d’une origine biologique.
    • division cellulaire : certaines bactéries peuvent être surprises par la mort alors qu’elles sont en pleine division cellulaire. La découverte de cellules accolées par leur extrémité suggère une reproduction en cours, et donc une origine biologique.
        • structures cellulaires : dans certains cas, il est possible d’observer des structures (cavités creuses, fragment de parois) qui suggèrent une origine biologique.
          • texture des parois cellulaires : lorsqu’une cellule bactérienne est soumise à des variations de pression osmotique, sa paroi a tendance à se plisser. Après la fossilisation, la cellule présentera un aspect ridé, ratatinée, caractéristique.
            • biofilm : lorsqu'une bactérie colonise une surface, elle sécrète la plupart du temps une sorte de mucus constitué des polymères organiques (EPS), de bulles de gaz, de cadavres cellulaires, de particules minérales précipitées sur place ou apportées depuis l’extérieur. Ce biofilm comme l’appellent les biologistes possède plusieurs fonctions. Il permet aux bactéries d'adhérer à la roche et de la corroder chimiquement grâce à des enzymes. Il offre également une protection contre les agressions extérieures, tout en étant capable de piéger des nutriments dans le milieu extérieur. Les biofilms formés dans des milieux très humides sont souvent fins et délicats, alors que ceux mis en place dans des conditions de stress hydrique sont beaucoup plus grossiers et résistants. Les biofilms sont souvent très bien préservés lors de la fossilisation.
            • autres indices : les corps bactériens possèdent souvent une extrémité arrondie, alors que les minéraux se terminent de façon angulaire. Les corps cellulaires étant par définition des corps mous, ils épousent également la surface rocheuse, ce qui n’est pas le cas des cristaux. Enfin, lorsqu’une cellule meurt, elle se vide de ses substances. Elle perd alors sa rigidité et se ratatine sur elle-même comme un ballon de baudruche percé, un comportement qui n’est pas connu dans le monde minéral.

            Les fossiles chimiques

            L'appellation "fossile chimique" regroupe tous les composés fabriqués par des êtres vivants que l'on peut aisément distinguer d'autres composés produits par réaction chimique, sans intervention d'une forme de vie. Les exobiologistes distinguent deux grands types de fossiles chimiques : les molécules organiques plus ou moins dégradées (biomarqueurs au sens strict), et les minéraux fabriqués de toutes pièces par certaines bactéries (biominéraux). Les matériaux créés par des microorganismes possèdent également une signature isotopique particulièrement nette pour certains éléments (comme le carbone ou le soufre), qui constitue alors une sorte de marque de fabrique du monde vivant. Nous allons passer rapidement en revue les différents types de "fossiles chimiques".

            Les molécules organiques, dont le squelette est constitué par l’enchaînement d’atomes de carbone, constituent le matériau de base rentrant dans la composition des êtres vivants. Lorsqu'une cellule meurt, la plupart des biopolymères qui la constituent (protéines, sucres, acides nucléiques porteurs de l'information génétique) subissent des processus de dégradation en donnant naissance à des macromolécules complexes, insolubles dans les solvants organiques et résistantes à l’acide, les kérogènes. Ceux-ci constituent 90 % de la matière organique présente dans les roches sédimentaires.

            Le niveau de dégradation varie selon les cas, mais plus le fossile est vieux, plus cette dernière est en général prononcée. Dans un premier temps, les molécules organiques vont perdre leurs groupements fonctionnels, c’est à dire les groupes d’atomes (-NH2, -COOH, etc.) qui confèrent à la molécule ses propriétés particulières. A l’issue de cette étape, il ne reste en général plus qu’un squelette d’atomes de carbone, auxquels sont encore rattachés des atomes d’hydrogène. Si la dégradation continue, les atomes d’hydrogène vont également finir par disparaître, ne laissant plus derrière eux que des chaînes plus ou moins longues d’atomes de carbone, ainsi que des cycles aromatiques. Le stade ultime est marqué par l’apparition du graphite, forme cristalline et hautement ordonnée du carbone.

            Si la plupart des molécules organiques finissent sous des formes hautement dégradées, certaines offrent une résistance surprenante à la maturation thermique. Elles peuvent alors être directement incorporées dans les kérogènes sans subir de transformation.

            Les hopanes constituent un bon exemple de ce type de molécules récalcitrantes à la dégradation. Les bactéries possèdent dans leur membrane cellulaire des lipides, qui possèdent un squelette de carbone d’une grande solidité. Lorsque la bactérie meurt, ces molécules donnent naissance à un hydrocarbure que les chimistes nomment hopanes. La découverte de molécules dérivées de lipides biologiques dans une roche constitue non seulement une preuve très forte en faveur de la présence de formes de vie passées, mais fournit également des indices sur l’identité du microfossile, voire même des informations sur son fonctionnement interne. Les hopanes sont effectivement des molécules que l’on retrouve fréquemment dans la membrane des cyanobactéries, qui sont des organismes photosynthétiques (c’est à dire utilisant l’énergie solaire pour fabriquer des composants organiques à partir d’eau et de dioxyde de carbone). La présence d’hopanes dans une roche sédimentaire doit conduire à suspecter l’existence passée de bactéries capables de réaliser la photosynthèse. Sur Terre, des hopanes fossiles (2-alpha-methylhopanes) ont été identifiés dans des roches vieilles de 2,7 milliards d’années trouvées en Australie. La longévité de ces molécules est donc remarquable, pour peu que le métamorphisme reste dans des limites raisonnables.

            D'autres molécules complexes sont également très stables et peuvent survivre très longtemps dans les sédiments. On peut citer les stéranes chez les eucaryotes ou les isoprénoïdes, caractéristiques des archéobactéries. Les métalloporphyrines, qui sont des molécules comportant des atomes métalliques, résistent également particulièrement bien aux outrages du temps. La plus connue est l'hème, qui rentre dans la composition de l'hémoglobine et dont l'atome de fer permet de piéger l'oxygène. Les pigments chlorophylliens, qui permettent aux plantes de réaliser la photosynthèse, sont aussi architecturés autour de métalloporphyrines.

            Les lipides et autres métalloporphyrines semblent très prometteurs pour la recherche d’une vie extraterrestre, mais la résistance de ces molécules a cependant des limites, et sur le long terme, le temps finit toujours par prendre sa revanche. Au-delà de deux milliards d’années, il semble qu’il soit inutile d’espérer trouver autre chose qu’une infâme bouillie organique, ou plus aucun squelette carboné n’est reconnaissable.

            Le signal isotopique du carbone 12

            Les kérogènes, qui résultent de la déstructuration d'une cellule vivante et qui de par leur seule présence témoignent de son existence passée, possèdent également une caractéristique unique. Comme nous l’avons vu, pratiquement toutes les molécules qui rentrent dans la composition d'un être vivant contiennent du carbone. Or ce carbone existe sous plusieurs formes : le carbone 12 (12C, 6 protons et 6 neutrons), qui est le plus courant, et deux isotopes plus lourds, le carbone 13 (13C, 6 protons et 7 neutrons) et le carbone 14 (14C, 6 protons et 8 neutrons). Les cellules vivantes étant fainéantes par nature, elles utiliseront préférentiellement le carbone le plus léger, et vont fortement rechigner avant d'intégrer dans leurs molécules l'isotope 13C plus lourd (certes, il n'y a qu'un neutron de différence, mais un neutron c'est un neutron !). La conséquence de cette politique du moindre effort est d'obtenir une matière organique fortement enrichie (de 20 à 30 %) en carbone 12 par rapport à des éléments carbonés inorganiques (comme les carbonates par exemple). Le rapport 12C/13C est de 89 pour les carbonates marins de référence, et de 91 à 92 pour la matière organique.

            Ce fractionnement isotopique du carbone est aujourd'hui reconnu par les exobiologistes comme le résultat d'une activité biologique. Des kérogènes possédant un enrichissement non négligeable en carbone 12 constituent donc des biomarqueurs fiables. Quand on les détecte au sein d'une roche, nous pouvons être certains que cette dernière a été un jour au contact du vivant. Notons que la préférence des êtres vivants pour les isotopes légers a également lieu avec d'autres éléments que le carbone. Ainsi, certaines bactéries méthanogènes emploient préférentiellement l'hydrogène (H) plutôt que le deutérium (D, l'un des isotopes lourds de l'hydrogène, le second étant le tritium). La matière organique fabriquée par ces organismes producteurs de méthane sera alors enrichie en hydrogène et appauvrie en deutérium par rapport à des molécules non biologiques. Ce mécanisme de fractionnement isotopique s’observe aussi avec l'azote (14N/15N) et le soufre (32S/34S).

            Biominéraux

            Le second type de "fossiles chimiques" rassemble les marqueurs minéraux qui signent l'existence d'un ancien métabolisme. Une bactérie interagit en permanence avec son environnement, et cette interaction laisse souvent des traces caractéristiques. Ainsi, lorsqu'une bactérie se développe au sein d'une roche, elle va altérer les minéraux de façon subtile. Cette corrosion, qui peut par exemple avoir lieu sous un biofilm, va être bien différente d'une corrosion purement chimique. Vis à vis du monde minéral, les bactéries n'ont cependant pas uniquement une action destructrice : elles peuvent effectivement construire leurs propres cristaux. Ainsi, pour s'orienter sur les lignes de force du champ magnétique terrestre, certaines espèces de bactéries (dite magnétotactiques) fabriquent des cristaux de magnétite (un oxyde de fer de formule Fe3O4) qui agissent exactement comme l'aiguille aimantée d'une boussole. Ces cristaux de magnétite d'origine biologique se distinguent des formes purement chimiques par leur morphologie, leur pureté, leur structure cristalline et leurs rapports isotopiques. De la même manière, certaines bactéries peuvent fabriquer des cristaux de pyrite (un sulfure de fer de formule FeS2) qui ne sont pas cubiques (comme la plupart des pyrites) mais qui ressemblent à des petites framboises. D'autres espèces de microorganismes peuvent encore fabriquer des oxydes, des phosphates, des carbonates, de la silice ....

            Enfin, il semble exister un lien très étroit entre la matière organique et certains métaux comme l'uranium, l'or, le cuivre, le plomb, le zinc, l'argent. Certains dépôts métallifères résulteraient ainsi de processus ou la matière organique jouerait un rôle majeur. Si les géologues ne disposent que d'informations fragmentaires sur le rôle précis de la matière organique dans la genèse de ces gisements, des concentrations anormales de certains éléments métalliques pourraient être utilisées comme marqueur d’une activité biologique.

            Malgré les exemples mentionnés ci-dessus, nous sommes loin d'avoir dressé une liste de biomarqueurs sûrs, permettant de distinguer sans ambiguïté une activité biologique au sein d'une roche. La difficulté de l'identification de tels biomarqueurs, pré requis essentiel à la recherche d'une vie sur Mars (surtout si celle-ci s'écarte plus ou moins des normes terrestres), est parfaitement illustrée par les recherches effectuées depuis 1996 sur la météorite martienne ALH84001, ou par la polémique entourant les plus vieilles traces de vie découvertes dans des roches du Groenland.

            Datant de 3,8 milliards d’années, ces dernières présentaient un signal isotopique du carbone compatible avec la présence de formes de vie. Aucun microfossile n’était observable, mais pour de nombreux géologues, l’enrichissement en carbone 12 prouvait que la vie microbienne était déjà bien établie sur notre planète il y a un peu moins de 4 milliards d’années. Cette conclusion, rappelée dans bon nombre de livres et de manuels, est aujourd’hui fortement contestée. Plusieurs équipes de recherche ont effectivement mis en doute l’origine du signal isotopique détecté dans les roches d’Isua et d'Akilia, et ce pour trois raisons. Le métamorphisme, qui a touché assez sévèrement Isua et Akilia, pourrait avoir altéré le signal isotopique. De plus, certains géologues pensent qu'une réaction purement chimique (Fischer-Tropsch) pourrait tout à fait imprimer dans la matière organique une signature isotopique en tout point similaire à celles d’organismes vivants. Enfin, troisième écueil, les échantillons auraient pu être contaminés par des organismes très récents (moisissures, bactéries, cyanobactéries, spores) qui se seraient frayés un chemin au sein de la roche. Pris en compte lors des analyses effectuées sur roche totale, ils pourraient être responsables de la signature isotopique observée. Cette dernière, bien réelle, pourrait donc provenir d’organismes morts hier, et non pas de reliques cellulaires datant de presque 4 milliards d’années …

            Il est également important de noter que la biogénicité n’est pas suffisante en soi, et que d’autres preuves doivent être apportées pour pouvoir attacher à une structure fossile une origine biologique. Il est effectivement nécessaire de démontrer que les vestiges observés sont indigènes, et qu’ils ne résultent donc pas d’une contamination. Or une contamination peut virtuellement se produire à n’importe quel moment, lors du prélèvement, du transport des échantillons, de leur analyse ou de leur stockage. Les microbes peuvent s’engouffrer dans la moindre brèche ou fissure, et certaines espèces sont même capables de forer les roches les plus dures pour s’y creuser un nid douillet (endolithes). Si ces bactéries modernes sont fossilisées, elles peuvent facilement être confondues avec des organismes anciens.

            L’environnement dans lequel la roche s’est formée doit également être compatible avec l’existence de formes de vie. Ainsi, la mise en évidence de fossiles dans une lave ayant cristallisée à partir d’un magma à 1200°C aura bien peu de chance d’être prise au sérieux par les exobiologistes.

            Et si Mars était encore vivante ?

            Historiquement, les organismes vivants sont les premiers signes de vie que nous avons recherché sur Mars. Les sondes Viking, qui se sont posées en 1976 à la surface de la planète rouge, n'étaient effectivement pas conçues pour rechercher des fossiles martiens, mais bel et bien des organismes vivants. Les trois expériences biologiques embarquées sur les atterrisseurs Viking étaient axées sur la recherche d'une activité métabolique. En mettant les éventuels organismes martiens en culture, et en prolongeant simplement le temps d'incubation, ces techniques se proposaient d'amplifier une faible activité biologique. Elles pouvaient ainsi détecter à coup sûr des microorganismes vivants, même si ces derniers étaient extrêmement disséminés dans le sol.

            L'expérience Pyrolytic Release devait rechercher l'éventuelle l'assimilation de dioxyde de carbone (CO2) en présence de lumière (photosynthèse). L'instrument Gas Exchange consistait à nourrir les éventuelles bactéries martiennes avec une soupe nutritive, puis à mesurer les émissions métaboliques gazeuses (hydrogène, azote, oxygène, dioxyde de carbone, méthane). Enfin, l'expérience Labeled Release avait pour but de quantifier très précisément la consommation de matière organique grâce à l'analyse du dioxyde de carbone rejeté (pour plus de détails, consultez le dossier consacré aux atterrisseurs Viking). En 2004, l'atterrisseur britannique Beagle 2 recherchera lui aussi une vie actuelle par son métabolisme : la petite sonde tentera de déceler un gaz couramment émis par des microorganismes, et qui est considéré comme un marqueur d'une activité biologique : le méthane. 

            Après les résultats désappointant des atterrisseurs Viking, l'optimiste des scientifiques s'est quelque peu érodé, et sauf exception (Beagle 2), les recherches se focalisent désormais principalement sur une vie passée. Les organismes vivants faisant preuve d'une faculté d'adaptation phénoménale, il n'est cependant pas interdit de penser que certains aient pu réussir à survivre jusqu'à aujourd'hui sur Mars, en dépit des bouleversements climatiques qui ont ravagé une planète autrefois accueillante. Les organismes martiens, qui se sont initialement développés dans un environnement chaud et humide, ont-ils pu s'adapter à la dégradation progressive de l'environnement martien, tandis que la planète perdait son eau liquide et son atmosphère et refroidissait pour devenir un enfer glacé et aride ?

            Pour rechercher des organismes vivants sur Mars, les exobiologistes peuvent explorer plusieurs directions. La première consiste à rechercher des sites ou les conditions permettraient encore aujourd'hui à des cellules de survivre et de se développer. L'eau étant indispensable à la vie telle que nous la connaissons, ces recherches devront obligatoirement prendre place dans des régions au l'eau peut encore subsister, même temporairement, à l'état liquide.

            Aujourd'hui, la pression atmosphérique est tellement faible et les températures sont tellement basses que l'eau liquide ne peut théoriquement plus exister à la surface de Mars. Pourtant, dans certaines régions situées bien en dessous du niveau de référence (comme le bassin d'impact d'Hellas ou les canyons de Valles Marineris) et à certaines époques de l'année, la pression atmosphérique et les températures pourraient être suffisantes pour permettre à des gouttelettes d'eau de remplir les interstices du sol. Bien que la durée de vie de ces micro-oasis soit probablement de l'ordre de la minute, ceux-ci pourraient rassasier des microorganismes de façon suffisante pour qu'ils puissent survivre et éventuellement se reproduire.

            Le problème de l'existence de l'eau liquide ne se pose plus lorsque l'on descend dans la croûte, et nous avons vu que des étendues d'eau liquide pourraient en effet exister à plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur, sous la cryosphère. L'étude de ces réservoirs souterrains nécessitera une cartographie détaillée de la subsurface martienne grâce à des sondages radars (Mars Express) ou sismiques (NetLander), puis des forages de grande profondeur effectués par la main de l'homme.

            A côté de la mise en évidence de populations bactériennes en activité, il faudra également s'intéresser à des formes dormantes. Suite à des modifications majeures de leur environnement, les cellules martiennes ont parfaitement pu se placer en hibernation, attendant ainsi le retour de conditions plus favorables. L'activité métabolique de ces cellules dormantes étant forcément très faible, il faudra les réveiller avant de pouvoir les détecter. Ces microorganismes en hibernation pourraient abonder dans des régions ou l'eau liquide ne peut pas exister de manière permanente, mais uniquement de façon éphémère, quelques minutes par jour ou quelques jours par an. Selon certains biologistes, des cellules pourraient vivre au ralenti pendant des millions d'années dans de la glace, ou des centaines de millions d'années dans des évaporites (voir à ce sujet la chronique intitulée "des bactéries de 250 millions d'années"). Sur de très longues périodes de temps, la radioactivité naturelle du sol pourrait cependant sérieusement compromettre la survie de ces microorganismes, qui n'ont vraisemblablement aucun moyen de contrer ces rayonnements létaux (à moins qu'ils ne soient des cousins éloignés de Deinococcus radiodurans ?).

            La détection d'une vie martienne actuelle pourrait également être indirecte : la découverte de biomarqueurs très récents (tels que ceux que nous avons décrit plus haut pour la recherche d'une vie fossile) dans des environnements hostiles, ou de gaz biogéniques comme le méthane (CH4), les oxydes d'azote (NOx), l'ammoniac (NH3) ou l'hydrogène sulfuré (H2S) pourraient indiquer la présence d'une activité biologique quelque part sur Mars. Ces composés gazeux sont naturellement instables dans l'atmosphère martienne. Seul un mécanisme capable de les régénérer en permanence pourrait expliquer leur présence sur Mars. Sur Terre, l'existence de méthane dans l'atmosphère est du à des rejets biologiques (même s'il n'est pas exclu que d'autres activités telles que le volcanisme puissent aussi en injecter). Rappelons que l'un des objectifs du petit atterrisseur britannique Beagle 2 est justement de détecter des traces de ce gaz dans l'atmosphère de Mars.

            Conclusion

            Si la question de l'existence de formes de vie sur les autres planètes du système solaire fascine l'homme depuis la nuit des temps, c'est à des robots que nous avons confiés cette recherche. Or pratiquement tous les micropaléontologues qui étudient les plus vieilles formes de vie terrestre estiment que la découverte définitive d'une vie martienne ne pourra pas avoir lieu avant que des roches ne soient ramenées dans les laboratoires terrestres pour y être examinées. Rappelons qu'après 6 années d'études, les plus puissants instruments scientifiques de la planète n'ont pas permis aux scientifiques de classer l'affaire ALH84001. Nous ne savons effectivement toujours pas avec certitude si cette météorite martienne renferme oui ou non des traces d'une ancienne vie martienne ...

            Malgré leur sophistication toujours plus grande, les instruments embarqués sur les sondes spatiales ne pourront jamais rivaliser avec leurs homologues terrestres, simplement parce qu'ils sont développés plusieurs années avant la date effective de leur envoi vers Mars. Ainsi, quand ces appareils sont enfin activés à la surface de la planète rouge, ils sont déjà dépassés depuis longtemps. De plus, les conditions dans lesquelles s'effectuent les analyses sont contrôlées bien plus rigoureusement dans un laboratoire terrestre que sur Mars, sans compter que le travail en laboratoire offre une flexibilité sans commune mesure avec celle permise sur la planète rouge. Si un instrument de laboratoire produit un résultat surprenant, celui-ci pourra immédiatement être pris en compte pour affiner les recherches. D'autres instruments pourront alors être appelés à la rescousse, d'autres protocoles pourront être mises en œuvre, toute chose impossible sur Mars ...

            Si nous découvrons des organismes vivants sur Mars, il faudra alors impérativement éviter la contamination des écosystèmes martiens par des microorganismes terrestres (que les robots et les astronautes ne manqueront pas d'apporter avec eux), sous peine d'assister à une véritable catastrophe. Les microorganismes terrestres pourraient très bien trouver les petits martiens évoluant dans un lac souterrain tout à fait à leur goût et les digérer, en ne laissant derrière eux que des cadavres flottants dans l'obscurité. Tout devra donc être mis en œuvre pour préserver les oasis de vie et empêcher une invasion destructrice par des organismes terrestres. 

            Il est cependant possible qu'en dépit d'une stérilisation draconienne des sondes et des scaphandres, la contamination soit inévitable. La découverte de formes de vie sur la planète Mars aura alors une conséquence inattendue : celle d'empêcher tout débarquement humain. Depuis qu'il a levé les yeux vers Mars, l'homme ne cesse de fantasmer sur l'existence d'une autre biosphère, voire d'une autre humanité. Il est assez paradoxal de penser que si la réalité dépasse nos rêves, et qu'un écosystème existe encore aujourd'hui sur Mars, il nous faudra l'étudier par procuration, grâce à des robots commandés en temps réel depuis un avant-poste implanté sur Phobos, et non pas de nos propres mains. L'étude de Mars continuera donc d'être ce qu'elle a été depuis le début, un travail à distance, jusqu'à ce qu'un jour enfin les écosystèmes martiens soient entièrement caractérisés, et que le danger d'une éventuelle contamination croisée soit définitivement écarté.

            Pour en savoir plus :

            Go ! Chroniques martiennes : La formation de l'hématite de Terra Meridiani.
            Go ! Chroniques martiennes : La recherche d’une vie sur Mars passe par un lac Canadien.
            Go ! Chroniques martiennes : Des bactéries de 250 millions d'années, 1er et 2ème partie.
            Go ! Chroniques martiennes : Le mystère des carbonates martiens 1er et 2ème partie.
            Go ! Les nanobactéries, au-delà du micron.
            Go ! La quête des Viking.

            White Rock

            White Rock, que l'on aperçoit ici sur une mosaïque de six images obtenues par l'orbiteur Viking I le 9 septembre 1978, était l'une des formations les plus excitantes de Mars. Découverte en 1972 par la sonde Mariner 9, White Rock obstrue le fond d'un cratère d'impact de 95 kilomètres de diamètre, le cratère Pollack. De l'avis des exobiologistes, cette concrétion blanchâtre devait présenter un intérêt considérable pour la recherche de fossiles d'une éventuelle vie martienne. Étant donné que le cratère qui accueille White Rock est situé dans les régions équatoriales, cet affleurement ne pouvait pas être analogue aux fameux dépôts stratifiés qui ceinturent les pôles. Pour certains géologues, le cratère Pollack avait du héberger à une époque reculée un lac. Des sédiments avaient alors commencé à recouvrir son plancher, le dépôt s'étant encore accéléré avec l'assèchement progressif du lac. Dans cette hypothèse, White Rock n'était que la partie visible d'une couche sédimentaire constituée de carbonates et/ou de dépôts de sels (évaporites), qui avait parfaitement pu emprisonner lors de sa formation des fossiles de microorganismes. Malheureusement, les données fournies par le spectromètre d'émission thermique (TES) de la sonde Mars Global Surveyor montrent que White Rock n'a rien d'un affleurement carbonaté ou salin. Cette formation ne serait rien d'autre qu'une accumulation de grains de poussière cimentés entre eux. Quant à sa belle couleur blanche, elle serait due à un simple effet de contraste avec les terrains plus sombres environnants. En dépit des apparences, White Rock serait effectivement rougeâtre, et ne refléterait que 20 à 25 % de la lumière solaire (contre 100 % pour une surface blanche) (Crédit photo : copyright Calvin J. Hamilton).

            Tuf

            Une belle concrétion de tufs calcaires (que l'on appelle également travertin) émerge au beau milieu du lac Mono en Californie. Les travertins sont des roches sédimentaires calcaires qui se forment à la sortie de certaines sources, ou dans des étendues d'eau peu profondes. Ces roches apparaissent par précipitation chimique ou biologique de carbonates contenus dans l'eau. Quand ils précipitent, les travertins emprisonnent les microorganismes présents dans leurs voisinages. Sur Terre, ils englobent même des fragments de végétaux ou d'animaux. En disparaissant ensuite par fermentation, ces résidus organiques piégés malgré eux donnent à la roche un aspect caverneux caractéristique. Ces roches constituent un très bon exemple de ce que les géologues tentent de détecter à la surface de Mars à l'aide de spectromètres infrarouges. Un site laissant affleurer des dépôts carbonatés constituera un milieu de prédilection pour la recherche de fossiles martiens (Crédit photo : droits réservés).

            Le cratère d'impact Gusev

            Le cratère d'impact Gusev est une cible de choix pour la recherche d'une vie martienne, passée ou présente. En se basant sur les images renvoyées par les sondes Viking et Mars Global Surveyor, certains géologues pensent que ce cratère de 166 kilomètres de diamètre a pu accueillir à plusieurs reprises un lac. L'indice le plus frappant en faveur de cette hypothèse est l'existence d'une ancienne vallée fluviale (Ma'adim Vallis) de 800 kilomètres de longueur (2), qui coule vers le nord et qui finit par se jeter dans la partie sud du cratère Gusev (1). A l'endroit ou le fleuve termine sa course, un delta a été mis en évidence, et les géologues ont également observé des terrasses littorales sur le pourtour du cratère (Crédit photo : Kevin Hand, NASA Ames).

            Halite

            Si la planète Mars a possédé dans son passé lointain des lacs, ceux-ci ont aujourd'hui totalement disparus de sa surface. En s'évaporant, l'eau a pu entraîner la cristallisation des sels dissous (évaporites), comme le chlorure de sodium (halite) de l'image ci-dessus (la teinte bleue des cristaux est due à une irradiation, en temps normal les cristaux de halite sont effectivement incolores). En cristallisant, les sels ont pu emprisonner dans des petites poches de liquides salées (des inclusions fluides) d'éventuels microorganismes. Même si, en raison de leur nature, les dépôts d'évaporites sont facilement érodables, certains pourraient encore exister à la surface de Mars (Crédit photo : droits réservés).

            Fumerolle

            Il y a plusieurs milliards d'années, la planète Mars a connu une activité volcanique intense. Le magma devait affleurer à proximité de la surface, permettant ainsi l'existence de sources chaudes, endroits particulièrement propices pour l'apparition ou le maintien de la vie. La photographie ci-dessus montre une fumerolle située sur le flanc d'un volcan hawaïen. Les fumerolles sont des conduits par lesquels s'échappent des gaz d'origine volcanique. Ici, la fumerolle recrache continuellement du soufre qui se refroidit en donnant naissance à une belle collerette cristalline jaune. Les fumerolles apparaissent en général le long de fissures ou à la surface de coulées de lave. Ces formations constituent des indicateurs précieux d'une activité volcanique. Pour les localiser à la surface de Mars, on peut se baser sur des photographies à très haute résolution, ou sur l'identification par des spectromètres infrarouges de concrétions minérales caractéristiques (Crédit photo : droits réservés).

            Activité hydrothermale

            Une solfatare (endroit où il est possible d'observer des émissions de vapeur chargée d'hydrogène sulfuré) dans une région volcanique située près de Naples en Italie. La chaleur dégagée par le magma souterrain réchauffe fortement l'eau, qui peut carrément se mettre à bouillir ou sortir brutalement sous la forme de vapeur pour donner des geysers. Ces lieux, à priori hostiles à toute vie, sont pourtant de véritables paradis pour certains microorganismes. Ici par exemple, la belle couleur orangée des roches est due à la présence d'une bactérie habituée aux hautes températures, sulfolobus solfataricus. Sur Mars, l'activité hydrothermale a peut-être permis à certaines poches d'eau de rester à l'état liquide, malgré la raréfaction de l'atmosphère et la baisse des températures. Et comme sur Terre, cette activité aurait pu autoriser l'épanouissement de formes de vie. Les sources hydrothermales sont en tout cas devenues l'un des environnements les plus prisés pour la recherche d'une éventuelle vie martienne (Crédit photo : droits réservés).

            L'hématite de Sinus Meridiani

            En 1998, la sonde Mars Global Surveyor a mis en évidence une forte concentration d'hématite dans la région équatoriale de Sinus Meridiani, à environ 2° de latitude sud et 0 à 5° de longitude ouest. Cet oxyde de fer serait présent sous la forme de gros cristaux gris métallique, ce qui attesterait d'un dépôt en présence d'eau. Les modalités de sa mise en place ne sont cependant pas connues, ce qui incite à une certaine prudence. L'altimètre laser de la sonde Mars Global Surveyor a d'ores et déjà démontré que la topographie de cette région n'est pas compatible avec l'existence d'un lac ou d'une mer (Crédit photo : NASA/TES Team).

            La calotte polaire nord

            Il existe à la surface de Mars deux régions qui ont stockées des éléments provenant de n'importe quel endroit de la planète, et ce pendant des périodes de temps relativement importantes : les calottes polaires. Ces dernières constituent donc une cible de choix pour la recherche de traces de vie (Crédit photo : NASA).

            Stromatolithe fossile

            Cette roche, constituée d'un empilement de couches très fines, est un stromatolithe fossile. Sa formation est due à l'activité de cyanobactéries. En effectuant la photosynthèse, les cyanobactéries appauvrissent l'eau en dioxyde de carbone et provoquent alors la précipitation de carbonate de calcium, qui finit par ensevelir les cellules. Intimement entrelacés les uns avec les autres et englués dans un mucilage, les filaments microbiens forment également un filet dont les mailles piègent de nombreuses particules minérales, qui prennent ainsi part à la construction de l’édifice. Le tapis vivant finit par se transformer en une gangue minérale, qui va servir de fondation à une nouvelle couche. Le même mécanisme continue indéfiniment et, couche après couche, l'excroissance minérale finit par atteindre une taille relativement importante. Les stromatolithes sont ainsi parfaitement visibles à l'œil nu et constituent une signature biologique que l'on peut facilement distinguer, que ce soit depuis la surface ou l'orbite d'une planète. En recherchant non pas les cellules, mais le résultat de leur activité, on peut donc déceler la présence de microorganismes sans utiliser le moindre microscope (Crédit photo : droits réservés).

            Stromatolithe moderne

            Sur Terre, les stromatolithes comptent parmi les plus vieilles formes de vie connues. Les stromatolithes sont apparues au début de l'archéen il y a 3,5 milliards d'années et sont devenues particulièrement abondantes à la fin de l'archéen il y a 2,5 milliards d'années. Cette époque correspond à une augmentation sensible du niveau d'oxygène dans l'atmosphère terrestre, et les géologues estiment que les stromatolithes en ont été directement responsables. Au protérozoïque (dernière période du précambrien, s'étalant de la fin de l'archéen au début du primaire, soit de 2,5 milliards d'années à 570 millions d'années), les stromatolithes étaient bien représentés à la surface du globe. Leur déclin a commencé à la fin du protérozoïque. Certaines vivent cependant encore aujourd'hui dans des environnements bien particuliers, comme la célèbre baie des requins en Australie.

            Dans les déserts terrestres, les pierres sont fréquemment recouvertes d'une patine sombre qui masque la véritable nature de la roche. Le petit robot Sojourner a malheureusement découvert qu'un phénomène similaire était à l'œuvre sur Mars. Les roches de son site d'atterrissage, Ares Vallis, étaient probablement altérées en surface, et Sojourner n'a probablement pas analysé autre chose que la surface oxydée, érodée, et empoussiérée des pierres martiennes. Celle-ci devra impérativement être ôtée par les futurs rovers si l'on veut examiner l'intérieur sain des roches martiennes (Crédit photo : droits réservés).

            Trois pré requis semblent indispensables pour rechercher des formes de vie à l'aide de robots : l'identification d'un site d'atterrissage offrant des roches sédimentaires affleurant en surface, une mobilité étendue pour examiner le plus d'endroits possibles, et des capacités de forage pour s'affranchir des oxydants qui existeraient dans le sol martien, ou de la croûte oxydée qui recouvre les roches (Crédit photo : droits réservés.

            Chert

            Un fragment de chert, une roche sédimentaire formée de très fines particules de silice. Les cherts sont des roches particulièrement propices à la conservation de microorganismes (Crédit photo : droits réservés).

            Warrawoona

            Les microfossiles d'Apex (Marble Bar, Australie) sont les plus anciens actuellement connus sur Terre. Ils ont été découverts entre 1982 et 1986 dans des cherts par J. William Schopf, un paléobiologiste américain. Ces fossiles dateraient de 3,5 milliards d'années. Ce sont des restes de cellules cylindriques disposées en filaments, dont certains pourraient être apparentés aux cyanobactéries que l'on trouve dans les stromatolithes actuelles. La nature de ces structures est aujourd'hui fortement controversée. En mars 2002, Martin Brasier, un géologue anglais, contesta effectivement les conclusions de Schopf, à la fois celles portant sur l'origine de la roche, mais aussi et surtout celles concernant les microfossiles. D'après Brasier, les cherts d'Apex ne se sont pas déposés au fond de l'océan, comme le pense Schopf, mais ils se seraient plutôt mis en place dans un contexte volcanique, autour de cheminées hydrothermales sous-marines. Quant aux prétendus microfossiles, leur morphologie semble également suspecte, puisqu'en jouant avec la mise au point de son microscope, Brasier observa des changements d'épaisseur, ainsi que des bifurcations inattendues pour des filaments dont l'origine est supposée biologique. Pour Brasier, ces filaments ne seraient que des accumulations de graphite (une forme du carbone). Si les études les plus récentes tendent à prouver la présence de matière organique au niveau des microstructures, Brasier estime que celle-ci pourrait fort bien être d'origine chimique. Cette controverse sur les plus vieux fossiles du monde prouve à quel point la recherche d'anciennes formes de vie est difficile, même quand elle est menée sur notre propre planète. Dans l'exobiologie plus que dans tout autre domaine, l'apparence est parfois trompeuse (Crédit photo : droits réservés).

            Gunflintia Minuta

            Les premiers microfossiles du précambrien ont été décrits en 1954 dans des cherts noirs de Gunflint au Canada. Datant de 1,9 milliards d'années, les organismes de Gunflint sont exceptionnellement bien conservés, et comptent parmi les microfossiles les plus célèbres au monde. L'image ci-contre montre un bel entrelacement de filaments baptisés Gunflintia Minuta (grossissement : 500x). Des microfossiles similaires seront-ils un jour découvert sur Mars ? (Crédit photo : Philippe Labrot).

            Galerie de microfossiles. Cliquez sur l'image pour l'afficher (Crédit photo : Labrot/CNRS/CNES).

            Biomorphs

            Ces structures, qui possèdent une morphologie complexe rappelant de manière stupéfiante celle d'un être vivant, sont totalement ... artificielles ! D'une taille micrométrique, elles sont constituées de carbonate de baryum recouvert de silice, et ont été synthétisées dans des conditions proches de celles qui devaient régner sur notre planète il y a des milliards d'années. Les scientifiques qui ont produit ces étonnants filaments ont également été capables de condenser de la matière organique à leur surface, les structures résultantes ressemblant alors à s'y méprendre aux plus anciens microfossiles terrestres. L'image ci-dessus prouve donc qu'il est possible de créer des structures morphologiques très complexes, mimant à la perfection des micro-organismes, et ce de manière totalement inorganique (Crédit photo : droits réservés).

            Hopane

            Certains lipides contenus dans la membrane des bactéries résistent particulièrement bien à la dégradation, et leur squelette carboné se retrouve pratiquement intact dans les roches sédimentaires. Ces fossiles chimiques, comme la molécule d'hopane représentée ci-dessus, constituent des biomarqueurs très intéressants. Leur découverte dans une roche signe la présence passée d'organismes vivants, permet de déterminer leur appartenance aux grands groupes du vivant, et peut même donner une idée de leur fonctionnement interne (Crédit photo : droits réservés).

            Coccolithophoridés, de haut en bas Coccolithus pelagicus, Florisphaera profunda et Discoaster saipanensis (microscope électronique à balayage)

            Les êtres vivants peuvent parfaitement synthétiser de la matière minérale, dans une gamme unique de formes, de couleurs et de propriétés. Ces constructions minérales peuvent être fossilisées avec une efficacité bien plus grande que les organismes eux-mêmes. L'exemple le plus frappant est celui des coccolithophoridés, des algues vertes unicellulaires qui se recouvrent de petits boucliers calcaires. A la mort de l'organisme, ces plaques minuscules (que les paléontologues appellent nanofossiles, à ne surtout pas confondre avec les nanobactéries) tombent en pluie fine au fond des océans. En se cimentant les unes aux autres, elles finissent par former des épaisseurs considérables d'une roche que tous les écoliers connaissent bien : la craie (Crédit photo : droits réservés).

            Radiolaires (microscope électronique à balayage)

            Les radiolaires sont des protozoaires planctoniques marins qui s'enferment dans des petites capsules minérales, constituées non pas calcaire (comme les coccolithophoridés), mais d'une variété de silice, l'opale. Lorsque les radiolaires meurent, ces capsules tombent au fond des océans et forment une roche particulièrement dure, la radiolarite (Crédit photo : droits réservés).

             

            Labrot © 1997-2024. Dernière mise à jour : 30 avril 2005. Des commentaires, corrections ou remarques ? N'hésitez pas, écrivez moi!

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