Voyage (tome I et II)

En partenariat avec Amazon

Voyage I Commander "Voyage I" via Amazon
Voyage II Commander "Voyage II" via Amazon

Note : 4 etoiles
Auteur :
Stephen Baxter
Editeur
: J'ai Lu
(*)
Parution : 1996 (1999 pour cette édition)
Epaisseur : 464 & 318 pages

Voyage de Stephen Baxter Que ce serait-il passé si Kennedy n'avait pas reçu la balle qui lui était destinée à Dallas ? Où serions-nous à présent si la NASA ne s'était pas reposée sur ses lauriers sélènes en 1972 et avait continué sur sa lancée vers un objectif encore plus ambitieux que notre satellite ? C'est cette vision alternative et nostalgique de l'histoire du programme spatial américain, ce futur perdu à jamais que décrit Stephen Baxter dans Voyage, un petit chef d’œuvre de science-fiction publié en deux tomes.

Dans cette uchronie, le premier pas sur la Lune n'est pas suivi d'un repli timide de l'Homme en orbite basse, ni de l'envoi d'émissaires exclusivement robotiques aux quatre coins du système solaire. L'agence spatiale américaine annule la mission Viking (qui reste dans la réalité l'un des plus grands triomphes de la conquête spatiale) et, avec l'appui de Nixon, met sur pied un projet encore plus audacieux qui demandera près de 15 années d’efforts : une mission habitée vers la planète rouge.

Plutôt que de narrer de façon purement chronologique les différentes étapes de la mission (baptisée Ares), Baxter a choisi de mettre en parallèle la longue et tortueuse phase de conception - en présentant les doutes et les espoirs des principaux protagonistes (ingénieurs, scientifiques, chefs de projet, hauts responsables et bien sûr astronautes) -, et le déroulement de la mission proprement dite, depuis les instants de pure terreur du lancement jusqu’aux longs mois d'ennui de la croisière vers Mars. Si cette alternance bienvenue brise toute monotonie, son principal avantage est de donner lieu à une conclusion grandiose, bouquet final d'un feu d'artifice spatial, qui place côte à côte les deux moments les plus intenses de toute mission, le décollage et l'atterrissage.

Avec un sens certain du détail, et pour notre plus grand plaisir, Stephen Baxter décrit abondamment les technologies mises en oeuvre dans la mission Ares. De ce point de vue, Voyage est un roman rigoureux, extrêmement bien documenté et truffé d’anecdotes sur l’exploration martienne (sur ce sujet, il est d'ailleurs amusant de pointer les différences entre la réalité et la fiction). Les descriptions sont d'autant plus passionnantes que le profil de mission n'a rien à voir avec les scénarios des missions habitées imaginées actuellement par la NASA (Reference Mission) ou la Mars Society (Mars Direct). Par exemple, tandis qu'Ares, lancée en situation d'opposition, offre un séjour très court à la surface de Mars (un mois), Mars Direct profite d'une situation de conjonction, la période passée sur Mars étant alors sensiblement rallongée (une année et demie).

Aujourd’hui, une mission de type Ares ne serait plus crédible, à cause de ses nombreux inconvénients (et les missions actuelles ont justement été conçues pour pallier à ces derniers). N'y voyez pourtant aucune incohérence ou obsolescence : Stephen Baxter a respecté à la lettre les profils des missions étudiées par la NASA dans les années 70 et 80. Une méticulosité qui donne à Voyage une certaine originalité par rapport aux autres romans traitant du même sujet, ainsi qu’un indubitable intérêt historique.

Si l’on peut reprocher aux personnages une certaine transparence (aucun n'a par exemple la profondeur psychologique de ceux du Mars de Ben Bova), il n'en reste pas moins que Voyage est aussi le récit d'une incroyable aventure humaine. Par moment très inspiré, Baxter nous offre quelques morceaux d'anthologie, qui propulsent le lecteur vers la face gigantesque et menaçante de la planète Vénus (ah, le formidable passage de la gravidéviation !), ou en direction de ce minuscule point rouge qui grossit de façon hypnotique derrière le hublot d'un vaisseau spatial. Dans ces moments poétiques et émouvants où le talent de Baxter s'exprime sans retenue, le lecteur se retrouve aux prises avec les beautés insoutenables que recèle notre système solaire. Quant aux deux chapitres qui terminent le roman en apothéose, ils sont tellement intenses qu'ils secouent dans tous les sens et émeuvent jusqu'aux larmes. 800 pages de bonheur, à lire et à relire.

(*) Ce roman est aussi disponible en poche (tome 1 & tome 2)

Labrot © 1997-2025. Dernière mise à jour : 5 juin 2002.