En avant
Mars ! est le cri de ralliement de la Mars Society, une organisation
internationale qui tente de promouvoir des missions habitées vers la
planète rouge. L'une des actions les plus spectaculaires de ce groupe de
passionnés a été d'ériger, dans des régions terrestres hostiles, des
bases martiennes miniatures. Ce livre constitue le journal de bord de
Vladimir Pletser, un candidat astronaute belge qui a participé à deux
rotations dans les avants postes martiens de la Mars Society.
La
première partie du livre décrit une campagne de simulation effectuée en
juillet 2001 sur l'île de Devon, depuis la sélection des candidats et la
préparation de la mission, jusqu'au déroulement des opérations. Pendant
une semaine, les apprentis astronautes ont vécu dans un caisson de 8
mètres de diamètre et de 6 mètres de haut, pour conduire toutes sortes
d'expériences (en géologie, géophysique, biologie et psychologie) et étudier les
aspects opérationnels d'une mission martienne. Située dans le grand nord
canadien, l'île de Devon est sans doute l'une des régions terrestres qui
ressemblent le plus à Mars. Les règles très strictes observées par
l'équipage (respect d'un délai de communication entre l'habitat martien
et le centre de contrôle, port obligatoire de combinaisons spatiales pour les sorties
extravéhiculaires ...) augmentaient encore l'impression de se trouver sur
une autre planète.
Le
journal de bord tenu par Vladimir Pletser est vivant, et l'on suit avec
intérêt et
amusement les réussites ou déboires de l'équipage. L'auteur clôt cette
première partie en présentant les principales leçons de la simulation.
Si une petite semaine de confinement ne permet certes guère d'aborder
les problèmes psychologiques (qui constituent vraisemblablement, bien
plus que les aspects techniques et politiques, le principal obstacle à
une mission habitée vers Mars), plusieurs points ont cependant pu être
soulevé, comme les multiples contraintes posées par les scaphandres lors
des sorties extravéhiculaires, ou la nécessité absolue de disposer d'un
système de navigation de type GPS.
La
deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à une nouvelle campagne, qui
a lieu cette fois-ci dans une région aux couleurs typiquement martiennes,
le désert de l'Utah aux Etats-Unis. D'une durée de deux semaines, cette
seconde simulation est plus aboutie que la première : non seulement
l'équipage est déjà plus expérimenté, mais la base s'est également
agrandie grâce à l'ajout d'une petite serre. Après une description
quotidienne de la vie à bord, l'auteur présente à nouveau les
enseignements tirés de la simulation. L'un des plus marquants concerne
les problèmes posés par les assauts incessants du sable et de la
poussière. Sur Mars, la poussière sera donc bel et bien un véritable
fléau pour les explorateurs : aussi fine que du talc, elle s'infiltrera
avec encore plus de facilité que le sable terrestre dans les joints, les
délicats systèmes électroniques ou les poumons des astronautes. Un autre
point intéressant concerne l'étonnant rôle psychologique que peut jouer
une serre, même de dimension modeste. Comme les cosmonautes de la
station MIR l'ont découvert, les activités de jardinage peuvent être
d'une aide précieuse pour supporter l'isolement (à ce sujet, on pourra
également lire avec intérêt le roman Titan de Stephen Baxter, qui décrit
à merveille l'isolement d'un équipage d'astronautes, ainsi que les
contre-mesures mises en oeuvre).
En
avant Mars ! est donc un excellent moyen de découvrir les activités de
la Mars Society, et les principaux problèmes auxquels seront confrontés
les premiers hommes qui fouleront le sol ocre et poussiéreux de Mars.
C'est également un guide indispensable pour les éventuels prétendants
aux campagnes de simulation que la Mars Society organise chaque année,
d'autant que deux nouvelles bases doivent être prochainement assemblées
en Islande (Euro-Mars) et en Australie.
S'il est indéniable que ces simulations peuvent permettre de
sensibiliser le public aux enjeux de l'exploration martienne (et
pourquoi pas faire naître des vocations), le lecteur sera cependant en
droit de s'interroger sur leurs utilités réelles. Le manque de moyens et
l'amateurisme qui imprègne certains aspects de ces campagnes laissent
effectivement planer un doute sur l'intérêt des simulations réalisées
par la Mars Society.
Dans certains domaines, le terrain a déjà été défriché plus
qu'efficacement par l'étude de groupes vivant en milieu confiné dans des
environnements extrêmes (sous-marins, plateforme pétrolière, stations de
recherche en antarctique), et nos apprentis martiens courent donc le
risque de redécouvrir des évidences. De plus, malgré un bénévolat et une
motivation qu'il faut saluer, la Mars Society ne peut compter que sur
des budgets anémiques, qui n'ont rien en commun avec ceux des agences
spatiales, ce qui empêche l'organisation de réaliser des
expérimentations dignes de ce nom. Nul doute cependant que la qualité
des campagnes augmentera d'années en années, avec l'expérience et
l'utilisation de nouveaux équipements.
Au
final, ce sera au lecteur de juger si ces campagnes sont simplement une
fantaisie de passionnées, ou si elles constituent au contraire une étape
importante vers l'arrivée de l'homme sur Mars ...
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