Chroniques martiennes

La vie martienne aurait pu échapper aux sondes Viking

Samedi 17 février 2001
La surface de Mars vue par Viking 1 (Crédit photo : NASA/JPL)
Des chercheurs américains remettent en question les analyses effectuées en 1976 par les atterrisseurs Viking, et proposent un nouvel instrument pour rechercher des traces de matières organiques dans le sol martien. Selon eux, plusieurs millions de bactéries par gramme de sol auraient pu échapper à la sagacité du laboratoire biologique des sondes Viking.

En 1976, deux atterrisseurs américains Viking se sont posés sur la planète rouge et ont analysé les dix premiers centimètres du sol afin de tenter d’y déceler d’éventuelles traces de vie. Pour mener à bien cette recherche, chaque atterrisseur comportait trois expériences de microbiologie ainsi qu’un détecteur de matière organique, le GC/MS. Grâce à ces instruments hautement sophistiqués, les scientifiques s’attendaient enfin à recevoir une réponse à cette question fondamentale : la vie s’est-elle oui ou non développée un jour sur la planète rouge ?

Vingt-cinq années plus tard, nous sommes toujours dans le doute. Les résultats retournés par les sondes Viking furent décevants, frustrants et agaçants. Contre toute attente, les trois expériences de microbiologie fournirent des résultats ambigus. Désappointés, les scientifiques firent alors appel au détecteur de matière organique pour trancher. Or celui-ci ne trouva pas la moindre trace de molécules organiques dans le sol martien. Si ces molécules, qui entrent dans la composition de n’importe quel être vivant, étaient absentes, alors le sol martien ne pouvait être que stérile.

Partant de ce constat, les scientifiques expliquèrent les étonnantes réactions observées au niveau des chambres de culture, en prêtant à la terre martienne des propriétés oxydantes. Chimiquement corrosif, baigné par un intense rayonnement ultraviolet et fortement desséché, le sol martien fut déclaré officiellement impropre à la vie. Cette conclusion ne fit cependant pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Mais à chaque fois qu’une voix s’élevait pour dénoncer cette interprétation hâtive, elle se voyait rappeler les données du GC/MS, qui étaient assénées comme un argument massue : si le sol martien contient des bactéries, alors pourquoi ne retrouve-t-on pas les corps ?

Cette logique semble imparable, mais elle ne l’est pas. Si le GC/MS était bel et bien une merveille de technologie, sa sensibilité était loin d’être exemplaire. Pour certains, scientifiques, l’instrument aurait été incapable de détecter de faibles quantités de matériaux organiques. Jeffrey Bada, un chercheur travaillant pour la Scripps Institution of Oceanography en Californie, estime qu’un sol contenant plusieurs millions de bactéries par gramme de terre serait apparu parfaitement stérile pour le GC/MS !

Pour régler définitivement la question de la présence de matériaux organiques dans le sol martien, Jeffrey Bada construit actuellement avec des scientifiques de l’université de Californie à San Diego, un nouveau détecteur 100 fois plus sensible que le GC/MS des sondes Viking. Baptisé MOD (Mars Organic Detector), cet instrument pourrait être embarqué sur un atterrisseur qui rejoindra la planète rouge en 2007.

Le principe du fonctionnement du MOD est le suivant : un échantillon de roche ou de sol est finement broyé, avant d’être placé dans une enceinte sous vide chauffée à 450°C. Dans ces conditions, les molécules organiques passent directement de l’état solide à l’état gazeux, selon le processus de sublimation. Les gaz résultant du chauffage sont alors mis en contact avec un tube très froid porté à - 195°C, sur lequel les molécules vont se condenser. Ces dernières sont finalement détectées par fluorescence. Extrêmement sensible, ce procédé d’analyse permettrait de déceler la présence de quelques cellules seulement par gramme de sol.

Une cellule bactérienne est constituée de deux tiers d’eau et pour un tiers de matières organiques, principalement représentées par les constituants des protéines : les acides aminés. Les molécules organiques - et en particulier les acides aminés - constituent donc un excellent indicateur de la présence d’une vie microbienne. Malgré tout, les matières organiques ne sont pas une preuve définitive en faveur de l’existence d’une vie sur la planète Mars. De nombreuses réactions chimiques peuvent en effet donner naissance à des molécules organiques, qui n’ont rien de biologiques. D’un autre côté, si le MOD ne décèle par la moindre trace de matière organique, il faudra alors se rendre à l’évidence et admettre la parfaite stérilité du sol de la planète rouge.

Outre son rôle exobiologique, l’instrument MOD sera également capable de mesurer la quantité d’eau et de CO2 emprisonné dans le sol martien, deux ressources essentielles pour les futures missions habitées.

Geoman Cet article a été publié pour la première fois sur le site Geoman.Net.

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