La perte de Mars
Polar Lander a été une tragédie pour les ingénieurs et les scientifiques
qui avaient investi plusieurs années sur cette mission, mais le sentiment
d'échec aurait pu être moins douloureux si l'on avait pu expliquer la
disparition de l'atterrisseur. Or, suite à l'absence de données
télémétriques pendant la phase de descente, nous ne pouvons nous livrer, au
mieux, qu'à des spéculations.
Une situation intolérable pour la NASA, qui est fermement décidée à ne plus
se laisser surprendre de la sorte. En prévision des futurs désastres qu'elle
pourrait essuyer avec la planète rouge, elle va équiper ses prochains
atterrisseurs d'une boite noire.
La fameuse boite noire serait du même type que celles qui équipent les avions.
C'est un enregistreur de bord qui sauvegarde une quantité impressionnante de
paramètres pendant toute la durée du vol. L'appareil est capable de survivre
à pratiquement n'importe quel crash et peut encaisser sans broncher des impacts
de plus de 3000 G. Dans un avion, la boite noire est l'élément clé pour
comprendre les circonstances d'un accident. C'est ce concept qui va être
transposé aux sondes martiennes, mais avec quelques différences qui n'ont rien
de subtiles.
D'après la NASA, Mars Polar Lander se serait écrasée à la surface de Mars
suite à la coupure accidentelle de ses rétrofusées, à 40 m au-dessus de la
surface. Au lieu d'atterrir comme une plume à environ 2 m/s, la sonde a touché
le sol martien avec une vitesse dix fois supérieure et s'est littéralement
pulvérisée. Pourtant, malgré les apparences, ce crash peut être qualifié de
relativement doux et l'on peut facilement imaginer des scénarios catastrophes
d'une toute autre ampleur. Les ingénieurs devront donc prévoir toutes les
situations possibles et la boite noire des sondes martiennes sera conçue pour
résister à des impacts de 15 000 à 20 000 G.
Pour supporter des chocs aussi violents, l'enregistreur sera taillé dans des
matériaux très résistants comme le titane ou le Kevlar. Les circuits
électroniques seront intégrés dans un bloc rigide et indéformable. La boite
noire sera ainsi d'une extrême robustesse tout en ne pesant que 7 kg.
Le premier exemplaire pourrait être monté sur un atterrisseur en 2003 et
l'idée a été également proposée à l'équipe britannique responsable de la
sonde Beagle 2, qui partira la même année. Mais
avec un poids total alloué de 60 kg (soit dix fois moins que la sonde
américaine Pathfinder), Beagle 2 ne peut pas
s'encombrer d'une boite noire, à moins de laisser au sol une bonne partie de
ses instruments scientifiques.
Bien entendu, contrairement aux boites noires des aéroplanes, aucune équipe
d'astronautes ne sera dépêchée sur Mars pour aller récupérer le précieux
enregistreur. Après le crash, celui-ci transmettra sa moisson de données à la
Terre en passant par un satellite de télécommunication martien. La boite noire
aura donc sa propre source d'énergie, ce qui n'est pas le cas des enregistreurs
embarqués sur les avions. Ceux-ci sont en effet dépendants de l'alimentation
électrique de l'appareil et une baisse soudaine de tension peut très bien
affecter leurs performances. Les boites noires martiennes posséderont donc deux
avantages sur leurs homologues terrestres : elles seront plus résistantes et
elles auront le privilège de fonctionner jusqu'à la dernière seconde !
Cet article a été publié
pour la première fois sur le site Geoman.Net.
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