Mis à jour le
jeudi 18 mai 2000
L'histoire de cette passion ne commence pas par :
« Tout petit déjà... ». Non. L'histoire de cette
passion, et du site qui en est né, a débuté sur la Toile.
Certes, Philippe Labrot s'était pris d'affection pour Mars au
début des années 1990 pendant ses études de biologie, car
la planète rouge était la seule où l'homme avait tenté de
rechercher des traces de vie avec les sondes Viking qui s'y
étaient posées en 1976.
Cet amour pour la planète rouge restait toutefois
platonique. Par un de ces revirements dont la vie a le secret,
cet ingénieur agronome est devenu par la suite informaticien
et c'est devant un écran d'ordinateur que le véritable coup de
foudre pour Mars s'est produit.
Le 4 juillet 1997, jour de la fête nationale
américaine, les chercheurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL)
de la NASA font atterrir la sonde Pathfinder sur le sol
caillouteux de notre planète voisine. Le petit robot à
roulettes Sojourner, vedette incontestée de cet été
1997 - en concurrence avec les avaries de la station
spatiale russe Mir -, transmet des prises de vue de cet
ailleurs désert et chaotique.
« C'est à ce moment que j'ai eu le
déclic, se remémore Philippe Labrot. Grâce à
Internet, je pouvais voir ces images en même temps que les
scientifiques du JPL, contrairement à ce qui s'était passé
pour les sondes Voyager à la fin des années 1970
et au début des années 1980. J'étais en
train de prendre mon petit déjeuner tout en contemplant
des photos qu'on n'avait jamais vues dans l'histoire de
l'humanité. C'est là que je me suis rendu compte qu'Internet
pouvait révolutionner les choses en matière d'éducation. J'ai
recherché des sites consacrés à Mars et j'ai trouvé beaucoup
de matériel sur ceux de la NASA, mais en anglais évidemment.
Quant aux sites en français, je suis tombé de haut :
c'était squelettique. »
Palliant ce honteux déficit, un mois et demi après,
Philippe Labrot met en ligne ses premières pages consacrées à
l'astre dit de la guerre. Les grands thèmes sont déjà
présents, et le jeune webmaster fait la rude expérience de la
vulgarisation et de l'écriture sans savoir qu'il va être pris
dans un engrenage diabolique. Car il a sous-estimé à la fois
l'incroyable succès médiatique de Pathfinder, l'intérêt du
public pour la conquête spatiale en général et celle de Mars
en particulier, mais surtout - et ce n'est pas moins
incroyable -, il a sous-estimé sa propre curiosité.
« Au départ, raconte-t-il, je voulais parler
de Mars en me focalisant sur la vie. Mais, pour cela, il
fallait présenter la planète, sa géologie, sa géophysique, son
hydrologie, son atmosphère, sa météorologie, son climat, etc.
Il y avait moyen d'apprendre beaucoup dans des domaines qui me
paraissaient ternes au cours de mes études. Je me suis dit que
ce serait intéressant de tous les présenter. Résultat :
ça a explosé. » Philippe Labrot lit des articles, une
valise de livres qu'il ramène d'une visite au JPL, d'autres
ouvrages qu'il commande aux Etats-Unis via le Web, car très
peu existent en français. Puis, ce pur amateur devenu un
exigeant spécialiste, uniquement doté d'un ordinateur, d'une
documentation, de son cerveau et d'une passion, passe tous ses
week-ends à améliorer son site - qui n'a toujours pas de
nom propre faute de moyens. Le samedi, écriture ; le
dimanche, recherches iconographiques, légendes et
correction.
Aujourd'hui, l'équivalent de plus de 800 pages
- papier - de textes se trouvent en ligne et,
pourtant, Philippe Labrot n'a pas épuisé le sujet, loin de là.
D'autres articles sont en préparation et il reconnaît avoir un
calendrier de remises à jour courant sur un an, d'autant plus
qu'il a perpétuellement envie de réécrire ce qu'il a déjà
rédigé pour l'améliorer... Il avoue ne plus pouvoir
s'arrêter.
Sa passion pour Mars l'a transformé. Il a quitté il y a
quelques semaines son poste d'administrateur système chez
Paribas : « C'était trop terre-à-terre,
juge-t-il. Mes seuls moments de plaisir dans la
semaine, c'était quand je travaillais sur le
site... »
Il écrit des articles sur Mars pour Geoman, qui a un
portail sur Internet consacré à l'astronomie et au spatial. Sa
passion devient en quelque sorte son métier. Il aimerait bien
passer un DEA de géologie car la découverte des cailloux
martiens a suscité cette envie. Et il aimerait beaucoup voir
un jour l'homme arriver sur la planète rouge. « Quand
on parle d'espace aux enfants, ils ont les yeux qui brillent.
A chaque fois que je vois une fusée décoller, des images de
science-fiction se dessinent en filigrane. Quand
l'homme regardera son passé dans 5 000 ans, il ne
retiendra pas ce que l'on présente tous les jours au journal
télévisé. De notre époque, il retiendra les guerres mondiales,
les génocides qu'on a commis, les premiers pas de l'homme sur
la Lune. Puis il se souviendra du jour où l'homme est allé sur
Mars. »
P. B.