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Ciel et espace, le favori. Tout sur Mars dans une somme impressionnante

Mis à jour le jeudi 18 mai 2000

c 'est une belle matinée d'été au-dessus de Mangala Vallis, une région située à quelques centaines de kilomètres de l'équateur. Lorsqu'une botte blanche, encore immaculée, touche le sol, un léger nuage de poussière se soulève comme pour fêter son arrivée. L'astronaute respire calmement. Son regard ne peut se détacher du spectacle étourdissant qui s'étend au-delà de la bulle transparente de son casque spatial. A l'horizon, quelques nuages s'étirent paresseusement dans un ciel brunâtre. Le souffle du vent est imperceptible. L'air est étrangement cristallin et rappelle celui d'une belle journée d'hiver sur Terre. Sans regarder son capteur de température, l'homme peut deviner qu'un froid intense règne sur la région. Pour un peu, il pourrait presque sentir les aiguillons glacés qui essayent désespérément de violer la protection thermique de sa combinaison.  michel batory L'astronaute se retourne enfin vers ses compagnons, qui attendent, comme paralysés, à la porte du sas. Au sol, la botte du premier homme à avoir posé le pied sur Mars est déjà toute sale... »

Un jour du XXIe siècle, ce court texte ne relèvera plus de la science-fiction. Son auteur, Philippe Labrot, père d'un des sites Internet les plus originaux sur la Planète rouge - en français, ce qui ne gâte rien -, s'en montre convaincu. « Mars est un véritable monde, assure-t-il . Si on veut mettre des hommes ailleurs, ce sera sur cette planète. Elle a tout ce qu'il faut pour qu'on y aille alors que la Lune, par exemple, est moins évoluée et moins riche. Ce sera Mars que les hommes coloniseront d'abord de manière temporaire, puis permanente. » Une vision prophétique que la NASA semble partager, comme en témoigne le nombre croissant de missions spatiales -  robotisées  - qui prendront notre voisine pour destination au cours de la prochaine décennie.

Mais une odyssée interplanétaire de ce genre ne s'improvise pas. On ne part pas pour Mars à l'aventure, à l'aveuglette, un baluchon sur l'épaule, en se disant qu'on dormira à la belle étoile... Non, il faut au moins consulter le Guide du routard de la Planète rouge, connaître ses meilleures adresses, sa topographie, son histoire, ses curiosités, son climat (un peu frisquet : - 53 degrés en moyenne, prévoir une combinaison chauffante), sentir un peu son atmosphère (empoisonnée : 95 % de gaz carbonique et pas de couche d'ozone pour filtrer les UV). Mieux vaut aussi savoir quel chemin emprunter pour s'y rendre et avoir un aperçu de ce qui attend le voyageur dans ce périple de plusieurs mois sans escale ni parachute, et de ce qui se passe dans sa tête lorsque sa Terre natale devient un petit point bleuté dans l'immense nuit interplanétaire...

Plus sérieusement : un jour du XXIe siècle, nos enfants peut-être, nos petits-enfants sûrement, s'embarqueront à la conquête de Mars, pour le sport ou pour la science ou, tout simplement, pour assouvir leur curiosité. Pour découvrir une planète dont, il y a un siècle, on ne savait pour ainsi dire rien et que les engins spatiaux nous ont rendue plus familière depuis quatre décennies - des sondes Mariner au petit rover Sojourner, en passant par Viking-1 et 2. Il manquait un livre en français qui fût à la pointe de l'actualité martienne, à la fois scientifique et spatiale, très fournie ces derniers temps. Ce livre n'est toujours pas paru mais le site de Philippe Labrot comble avantageusement le manque. Alimenté aux meilleures sources que ce jeune ingénieur de vingt-huit ans a patiemment traduites de l'anglais, il propose des dossiers complets, sans être trop ardus, dont les marges sont illustrées de photographies, de schémas ou de dessins d'artistes, tous commentés.

Philippe Labrot, pur amateur, est volontairement tombé dans le « piège » de l'exhaustivité, car le propre d'Internet, de la Toile, semble sa capacité de pouvoir s'étendre à l'infini et, ici, d'infiltrer ses tentacules innombrables dans tous les recoins de la science martienne, de sa conquête spatiale, des interrogations quant à l'existence d'une vie passée à la surface de la Planète rouge. Par définition, le virtuel n'a d'autres limites que l'imagination de celui qui l'investit. Mais des aspects bassement matérialistes sont venus rappeler au webmaster qu'il avait l'esprit plus gros que le ventre, que les fruits de ses cogitations, pour virtuels qu'ils fussent, n'en occupaient pas moins une place physique dans les ordinateurs de Multimania, le site communautaire hébergeant ce qui n'est toujours qu'une « page perso » et pourrait, sans rougir, avoir sa place dans n'importe quel site universitaire ou scientifique se consacrant à l'astronomie ou au spatial. Ainsi, les dossiers de ce passionné de Mars flirtent dangereusement avec la taille limite des 20 mégaoctets alloués gratuitement par l'hôte.

Cela explique que l'on ne puisse pas cliquer sur les illustrations pour les agrandir plein écran. Cela explique aussi que l'on ne trouve ni vidéos ni animations - grosses dévoreuses de mémoire - présentes sur certains sites. Cela explique enfin l'absence de moteur de recherche interne ou de galeries d'images. Dans ce dernier cas, Philippe Labrot a eu recours à une astuce en reliant le nom de quelque 650 formations géologiques martiennes caractéristiques (à terme, sa nomenclature devrait en compter le double) aux photographies correspondantes du Planetary Data System de la NASA. Un travail de fourmi qui présente l'avantage d'économiser énormément de place.

Lisant la somme impressionnante ainsi constituée, un chercheur tâtillon pourrait seulement reprocher à l'auteur un enthousiasme difficilement dissimulé, l'irrépressible désir que la conquête martienne se matérialise, que l'aventure prenne, peut-être, le pas sur la science. Car Philippe Labrot, tout en s'appuyant sur les études, les articles et les ouvrages les plus sérieux, a le côté visionnaire des grands enfants sympathiques qui, pour avancer, ne peuvent s'empêcher de rêver l'avenir. On ira sur Mars, postule-t-il. Mais pour quoi faire ? Un peu de science-fiction n'ayant jamais fait de mal, il envisage l'installation définitive de l'homme sur la Planète rouge et la façon dont nos héritiers transformeront la froide et hostile Mars en deuxième Terre. Thème classique de la SF, la terraformation a visiblement un nouvel adepte.

Ce qui rend Mars invivable, explique-t-il, c'est avant tout son atmosphère, trop ténue et empoisonnée, et l'impossibilité de trouver de l'eau sous forme liquide à la surface de notre voisine. Qu'à cela ne tienne ! Pour réchauffer Mars et épaissir son atmosphère, le Terrien conquistador devrait commencer par créer un effet de serre galopant en libérant le CO2 contenu dans les calottes polaires et le sol, en injectant des gaz comme les fameux CFC bannis de notre planète car destructeurs de la couche d'ozone. Une fois que la température serait remontée au-dessus du fatidique point de fusion de la glace, le cycle de l'eau, qui fut autrefois à l'oeuvre sur l'astre de la guerre, pourrait être relancé. A partir de là, introduire des cyanobactéries afin de produire de l'oxygène en quantité et obtenir une atmosphère vivable pour les animaux que nous sommes ne sera qu'une formalité...

Il est amusant de constater comment les phénomènes anthropiques qui perturbent actuellement le climat et la biosphère terrestres et que les écologistes désignent d'un doigt accusateur, pourraient rendre vie à Mars. Mais l'homme a-t-il le droit de s'annexer ainsi une planète et, tel un apprenti-démiurge, de la modifier en profondeur ? Philippe Labrot semble penser que oui : « La Terre est fragile et isolée. Une catastrophe cosmique pourrait effacer en quelques secondes l'humanité et son histoire. Le but de l'homme n'est-il pas d'explorer, de découvrir de nouveaux mondes, de s'y établir et d'y prospérer ? Mars est un nouveau monde, une nouvelle frontière, un point de départ pour une nouvelle humanité. » Philippe Labrot, en dépit de sa jeunesse, ne pourra probablement pas aller sur Mars. Pourtant, il connaît si bien la planète qu'il en est sans doute déjà habitant d'honneur.

En français

Pierre Barthélémy

 


michal batory.

Ce graphiste et affichiste

d'origine polonaise

vit en France depuis 1987.

Il est spécialisé dans le

domaine du graphisme culturel.

michal.batory@wanadoo.fr

Le Monde daté du vendredi 19 mai 2000

 

 

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