Nakhla (Crédit photo : droits réservés)

Nakhla

chute observée trouvaille

Date :
Lieu :
Poids :
Age :
Type :

28 juin 1911
Nakhla (Egypte)
10 000 g
1,3 milliards d'années
Nakhlite
(clinopyroxénite)

Le 28 juin 1911 à 9h00 du matin, une pluie de météorites s'abat près du village de El-Nakhla en Egypte, à proximité de la ville d'Alexandrie. Les fragments rocheux, qui proviennent de l'explosion d'une seule et même pierre, s'éparpillent sur une zone elliptique de 4,5 kilomètres de longueur. La chute de chaque bolide est marqué par une colonne de fumée blanche. En arrivant au sol l'un d'eux a mortellement frappé un malheureux chien, qui est ainsi devenu la première victime connue d'une chute de météorites. Environ quarante blocs rocheux (d'un poids total de 10 kilogrammes) seront ramassés, mais il est probable que d'autres météorites aient été collectées au cours des années suivantes. Ces recueils tardifs sont peut-être à l'origine des météorites Lafayette et Governador Valadares. Ces dernières ressemblent effectivement de façon intrigante à la météorite de Nakhla. A tel point que certains géologues estiment qu'il ne s'agit pas de deux météorites distinctes, mais de simples fragments de Nakhla victime d'une erreur d'étiquetage (il est aussi possible que des individus peu scrupuleux aient cherché à masquer leur véritable origine).

La météorite de Nakhla représente le spécimen type du groupe des Nakhlites. Cette météorite est un cumulat, c'est à dire une roche formée par l'accumulation dense d'un seul minéral. Dans le cas des Nakhlites, il s'agit d'un clinopyroxène (augite), qui représente 80 % de la roche. Dans une moindre mesure, on trouve également des cristaux d'olivine (10 %). Ces deux minéraux sont noyés dans une matrice à grains très fins (10 %), constituées de baguettes de plagioclases, de feldspaths potassiques, de pyroxènes, d'olivine, d'oxydes (magnétite, ilménite), de sulfures (pyrite, pyrrhotite, troilite, chalcopyrite) et de phosphates (chlorapatite). Les cristaux d'olivine contiennent par endroits des inclusions magmatiques, ainsi que de fines lamelles d'augite et de magnétite (en association symplectique). La roche possède une texture fine, rappelant celle du sucre, et présente une coloration verdâtre.

La météorite de Nakhla porte des traces d'altération martienne due à l'eau : on trouve effectivement des minéraux hydratés comme des amphiboles, des argiles (smectite), de l'iddingsite, et, plus étonnant encore, des sels (carbonates et sulfates). La pierre renferme effectivement de nombreux composés salins solubles dans l'eau (chlorure de sodium, carbonate de calcium, sulfate de calcium, sulfate de magnésium). Certains chercheurs estiment que ces sels auraient été déposés par la percolation dans les fractures de la roche d'un liquide salin, qui proviendrait d'un ancien océan martien ...

Un excès significatif en 142Nd (néodyme) a été mis en évidence dans la météorite de Nakhla. Cette anomalie a également été signalée pour la chassignite. D'autres éléments plus intrigants ont également été découverts en son sein. Au cœur de l'iddingsite, des chercheurs ont identifié des structures microscopiques, qui rappellent fortement les soi-disant nanobactéries fossiles exhumées des entrailles de la météorite martienne ALH84001. L'étude des isotopes de l'argon a montré que les nakhlites n'ont pas été exposées à des températures supérieures à 0°C pendant la plus grande partie de leur histoire.

Deux scénarios sont actuellement proposés par les géologues pour expliquer la formation de Nakhla et des Nakhlites. Etant donné que la météorite est un cumulat, elle a du se former dans une chambre magmatique située dans les profondeurs de la croûte martienne : dans un magma en refroidissement, les pyroxènes (le constituant majoritaire des Nakhlites) sont parmi les premiers minéraux à cristalliser (phénomène de cristallisation fractionnée). Comme le refroidissement est très lent, ceux-ci ont le temps de s'accumuler au fond de la chambre magmatique, où ils finissent par former une roche presque exclusivement constituée d'une seule espèce minérale.

A côté de ce mécanisme classique, une autre théorie plus audacieuse a été proposée par quelques chercheurs. Certains indices minéralogiques évoquent effectivement un refroidissement rapide, incompatible avec une formation en chambre magmatique. Or, en étudiant une immense accumulation de lave datant de l'archéen (2,6 milliards d'années) et située en Ontario au Canada (les trapps de Theo), des géologues ont découvert des pyroxènites similaires aux Nakhlites. Ces dernières pourraient donc provenir de la solidification d'une coulée de lave à la surface de Mars. Notons que les deux mécanismes proposés sont fondamentalement opposés. Dans le premier cas, le magma, emprisonné dans une poche, n'atteint jamais la surface et refroidit très lentement. Dans le second, les flots de lave se déversent à l'air libre et prennent en masse très rapidement. L'origine des Nakhlites est une question essentielle pour les géologues. Selon le lieu de leur formation, elles peuvent donner des renseignements soit sur les coulées de lave, soit sur les mécanismes à l'œuvre dans les chambres magmatiques martiennes.

La météorite de Nakhla serait âgée de 1,3 milliards d'années. D'après l'âge des argiles (700 millions d'années), les géologues estiment que les processus d'altération ont eu lieu bien après la formation de la roche. Au moment de l'impact qui l'a éjecté de la surface martienne, la météorite de Nakhla aurait subi des pressions de 45 à 55 GPa. Curieusement, la pierre ne conserve aucune trace du choc extrêmement violent qui a du être à l'origine de son départ (la maskelynite est par exemple absente). Cette observation semble confirmer l'hypothèse selon laquelle les nakhlites se seraient formées à la surface de Mars, et non pas à grande profondeur. Il est en effet plus facile de satelliser un fragment rocheux si celui-ci se trouve à la surface. L'extraction d'une roche enfouie dans la croûte martienne nécessite plusieurs étapes d'excavation avant de pouvoir être éjectée dans l'espace, les multiples impacts nécessaires pour extraire la roche finissant alors par marquer cette dernière de manière indélébile. Etant donné que ce n'est pas le cas pour Nakhla, on peut supposer que cette météorite se trouvait déjà en surface, et qu'un seul impact a été suffisant pour l'envoyer dans l'espace. Après son expulsion, la météorite de Nakhla a erré pendant 10 millions d'années dans l'espace interplanétaire avant de terminer avec fracas son aventure en Egypte.

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