A la recherche d'exoplanètes

Existe-t-il d'autres systèmes planétaires similaires au nôtre dans la galaxie ? Cette question est vieille comme le monde. Dans l'antiquité, elle a intéressé Epicure dès 300 ans avant JC, puis Lucrèce, Fontenelle, Kant, Goethe, Flammarion pour n'en citer que quelques-uns. Au XVIIe siècle, Huygens proposa pour la première fois d'utiliser un télescope pour rechercher d'autres mondes en orbite autour d'une étoile.

La recherche d'une vie sur les planètes extrasolaires est une tâche d'une extrême difficulté. Pour la mener à bien, les astronomes doivent faire face à deux challenges majeurs : détecter des planètes telluriques (ou des satellites tournant autour de planètes géantes, ce qui est encore plus insensé) autour de soleils lointains, et découvrir des preuves indiscutables de la présence de vie (biosignatures) sur ces astres.

La détection de planètes extrasolaires est une activité très récente, qui n'en est encore qu'à son balbutiement. La première exoplanète, un astre similaire à Jupiter, a été découverte en 1995 autour de l'étoile 51 Pégase. Depuis, les astronomes se sont lancés dans une recherche effrénée, et l'on connaît aujourd'hui plus d'une centaine de planètes extrasolaires.

Recherche indirecte

Pour identifier une exoplanète, les scientifiques s'appuient sur deux types de méthode. La première est indirecte : les astronomes détectent la planète non pas en l'observant directement, mais en mettant en évidence les perturbations qu'elle ne manque pas d'exercer sur l'étoile autour de laquelle elle gravite. Malgré un rapport de masse nettement en faveur de l'étoile, la planète arrive effectivement à perturber, d'une manière extrêmement ténue mais néanmoins quantifiable, les mouvements de cette dernière.

Historiquement, c'est en analysant les oscillations de l'étoile de Banard (une naine rouge proche de nous, située à 6 années lumière, qui a l'avantage de se déplacer très rapidement dans le ciel) que les astronomes ont commencé à soupçonner l'existence de planètes extra-solaires. Deux planètes, semblables à Jupiter ou Saturne, tourneraient autour de la naine rouge.

En mesurant les variations de distance entre l'étoile et la Terre, les changements de vitesse radiales de l'étoile ou encore sa position dans le ciel (astrométrie), les astronomes ont pu détecter des dizaines et des dizaines d'exoplanètes. La précision des mesures n'est cependant pas suffisante pour découvrir des planètes de type terrestre, et ces techniques ne permettent bien souvent que de "visualiser" des planètes massives de type jovien.

Une autre technique indirecte consiste à détecter la baisse de luminosité de l'étoile lorsque la planète passe devant le disque stellaire. Ces transits sont malheureusement des événements rares, et il faut impérativement pointer le télescope au bon endroit et au bon moment pour pouvoir les surprendre (il est également possible d'observer une étoile sur une longue période, mais cela bloque le télescope pour d'autres travaux). Cette technique permet d'obtenir de façon simple le rayon de la planète, et elle se montre suffisamment précise pour détecter des planètes telluriques.

Recherche directe

La deuxième méthode, qui est clairement la plus prometteuse, consiste à observer directement la planète au moyen de télescopes surpuissants. L'observation d'une planète orbitant autour d'un soleil lointain se heurte cependant à deux obstacles majeurs, la séparation angulaire et le halo stellaire.

La distance angulaire existant entre l'étoile et la planète est effectivement très faible. Les deux astres sont tellement proches l'un de l'autre lorsqu'ils sont observés de loin qu'il est très difficile de faire la différence entre l'étoile et sa planète. Des instruments de très grande taille sont donc nécessaires. Bien entendu, plus la planète est éloignée de son étoile centrale, plus elle est facilement observable.

La difficulté la plus importante dans la recherche de planètes extrasolaires vient cependant du fait que la luminosité de la planète (qui réfléchit les rayons stellaires) est entièrement masquée par la brillance de l'étoile centrale. Par exemple, la luminosité de notre soleil dans le domaine du visible est un milliard de fois plus importante que celle de Jupiter. Les planètes sont donc littéralement noyées dans la lumière de l'étoile.

Pour faire face à cet éblouissement, les astronomes peuvent utiliser deux astuces. La première consiste à observer le système stellaire non pas dans le domaine du visible, mais dans celui de l'infrarouge thermique. Dans ce domaine de longueur d'onde, l'écart de luminosité entre l'étoile et la planète s'abaisse effectivement de façon non négligeable. Dans l'infrarouge (20 µ), notre soleil brille seulement 40 000 fois plus que Jupiter ...

Les astronomes peuvent également occulter le rayonnement de l'étoile grâce à un dispositif spécial appelé coronographe. C'est grâce à cet appareillage que les astronomes ont pu mettre en évidence un disque de poussière autour de l'étoile ß-pictoris (située dans la constellation de l'atelier du peintre).

Biosignatures

La recherche de traces de vie sur certains corps du système solaire comme Mars ou Europe est déjà une entreprise d'une extrême difficulté. La tâche est encore plus délicate dans le cas des exoplanètes, qui ne peuvent être étudiées qu'à distance, par le biais de la télédétection.

Depuis plusieurs décennies, les astronomes ont réfléchi aux indicateurs qui pourraient être utilisés comme des preuves fiables de l'existence d'une vie sur d'autres planètes. L'oxygène est l'un de ces marqueurs. Ce gaz, que nous respirons en permanence, est injecté en permanence dans l'atmosphère terrestre par des organismes photosynthétiques. Depuis qu'ils ont commencé à produire massivement de l'oxygène il y a deux milliards d'années, ces êtres vivants ont radicalement changé la composition de l'air, et ce à l'échelle planétaire ! La détection d'oxygène par spectrométrie dans l'atmosphère d'une exoplanète pourrait donc indiquer le développement d'une biosphère. Les astronomes comptent aussi beaucoup sur l'ozone, une molécule produite à partir de l'oxygène : celle-ci est effectivement plus facilement détectable dans l'infrarouge que l'oxygène.

Le méthane est également un composé dont la présence dans l'atmosphère ne s'explique que par l'activité biologique (15 % du méthane atmosphérique est produit par les ruminants !). La détection de la chlorophylle, ce pigment vert qui permet aux plantes d'effectuer la photosynthèse, est également prometteuse. La signature spectrale de la chlorophylle saute aux yeux lorsque l'on regarde un spectre de la Terre.

La détection d'ozone ou de méthane dans l'atmosphère d'une exoplanète devra cependant être interprétée avec précaution. Rien ne dit effectivement qu'il n'existe pas des mécanismes non biologiques capables de rejeter ces gaz en quantité. Le méthane pourrait par exemple être craché par certains volcans. La chimie complexe qui a lieu dans l'atmosphère lors d'une pluie de micrométéorites pourrait également être la source d'un fort dégagement d'oxygène (celui-ci provenant alors de la dissociation de l'eau micrométéoritique). Les instruments qui dresseront les spectres des exoplanètes devront également être les plus précis possible, certaines composés pouvant être confondus avec d'autres à certaines longueurs d'onde (les silicates, qui rentrent dans la composition de la croûte terrestre, absorbent par exemple de la même manière que l'ozone).

Si des civilisations intelligentes se sont développées sur une exoplanète, elles pourront être détectées par leur émission dans le domaine radio (projet SETI).

Une discipline en pleine expansion

La recherche d'exoplanètes est l'une des disciplines les plus prometteuses de l'astronomie. Les projets sont effectivement très nombreux, et laissent augurer des découvertes majeures pour les prochaines décennies.

En 2009, la NASA lancera SIM (Space Interferometry Mission), un satellite capable de mesurer avec une précision stupéfiante la position et la distance de plusieurs centaines d'étoiles. L'agence spatiale européenne lancera également sa propre mission d'astrométrie, Gaïa, en 2012.

La technique de transit sera au coeur de trois autres missions ambitieuses conçues par l'agence spatiale française (COROT, 2004), l'agence spatiale européenne (Eddington, 2008) et la NASA (Kepler, 2007).

Quant à Darwin (ESA) et TPF (NASA), qui comptent parmi les projets les plus grandioses des deux agences spatiales, ils permettront d'obtenir les premières véritables images des planètes extrasolaires.

Avec la sophistication de ses moyens d'observation, l'homme pourra alors véritablement entreprendre l'étude de ces mondes lointains. Dans un premier temps, les instruments lui permettront de déterminer la composition de la surface et de l'atmosphère. En augmentant la résolution des images, les astronomes pourront étudier l'évolution des systèmes nuageux, suivre la météo et le cycle des saisons. Enfin, lorsque les images seront suffisamment précises, les hommes pourront cartographier ces nouvelles terres du ciel, qui resteront pourtant longtemps totalement hors de portée ...

Le disque de l'étoile beta-pictoris

Grâce à un coronographe, un dispositif capable de masquer la lueur d'une étoile, les astronomes ont détecté un vaste disque de poussières autour de l'étoile ß-pictoris. Il s'agit peut-être d'un protosystème planétaire (Crédit photo : European Southern Observatory).

Système planétaire

Un système planétaire en formation autour de l'étoile HR 4796 dans la constellation du Centaure, découvert par le nouveau télescope Keck II à Hawaii (Crédit photo : droits réservés).

HD 209458

Vue d'artiste d'une exoplanète orbitant autour de l'étoile HD 209458, située à 150 années lumière de la Terre. C'est en étudiant cette planète, qui ressemble à Jupiter, que le télescope spatial Hubble a détecté pour la première fois l'atmosphère d'une planète extrasolaire (Crédit photo : G. Bacon STScI/AVL).

TPF (Terrestrial Planet Finder)

Le satellite TPF (Terrestrial Planet Finder) de la NASA sera capable d'observer directement des exoplanètes de la taille de la Terre. Cet observatoire comporte plusieurs petits télescopes, qui, une fois couplés, fonctionneront comme un télescope virtuel de plusieurs centaines de mètres de diamètre. Le pouvoir de résolution de TFP sera ainsi suffisant pour lui permettre d'imager des planètes telluriques (Crédit photo : NASA).

La Terre et la Lune par Galileo

La Terre et la Lune imagées par Galileo. Les instruments à bord de cette sonde spatiale lancée vers Jupiter ont été formels : il y a de la vie sur Terre. Sera t-on un jour capable d'obtenir des images aussi précises d'exoplanètes ? (Crédit photo : NASA).

Spectre terrestre enregistré par l'instrument Omega

Spectre de la Terre obtenu par l'instrument Omega embarqué sur la sonde Mars Express, à 8 millions de km (à cette distance, notre planète remplissait un seul pixel). Pour certains astronomes, la présence de méthane (CH4) et d'ozone (O3) est une preuve indubitable de l'existence de vie sur cette planète (Crédit photo : ESA/IAS).

 

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