Un océan sur Mars

Nous l'avons déjà vu en de nombreuses occasions (voir par exemple le chapitre consacré à l'eau sur Mars), la planète rouge a du connaître dans sa jeunesse un climat bien plus chaud et humide que celui qui prévaut actuellement. De nombreuses régions de Mars portent encore la trace d'écoulements liquides, comme les réseaux de vallées de l'hémisphère sud ou les chenaux d'inondations qui bordent le flanc nord de Valles Marineris. Pour expliquer les chenaux d'inondations par exemple, il faut faire intervenir des inondations cataclysmiques. Des inondations qui ont sans doute été provoquées par la fonte brutale et massive de larges quantités de glace du sous-sol, suite à des éruptions volcaniques, des impacts météoritiques ou une forte activité tectonique. Si une grande quantité d'eau s'est peut être accumulée dans les canyons de Valles Marineris, la majeure partie s'est ruée vers les plaines volcaniques de l'hémisphère nord, comme celle de Chryse Planitia. Effectivement, les terrains de l'hémisphère sud sont situés quelques kilomètres plus haut que ceux de l'hémisphère nord, et cette pente explique que l'écoulement d'eau se produise globalement du nord vers le sud. A l'issue des inondations, l'eau s'est peut être enfoncée dans le sous-sol avant de se transformer en glace, mais elle a pu également former des lacs éphémères, avant de s'évaporer définitivement dans l'atmosphère.

Une hypothèse audacieuse

Il existe cependant une hypothèse beaucoup plus grandiose. Il est fort possible que les immenses quantités d'eau qui se sont déversées pendant des millions d'années dans la cuvette de l'hémisphère nord, véritable réceptacle à l'échelle planétaire des eaux martiennes, aient fini, avec le temps, par former un océan. Un océan qui porte le nom d'Oceanus Borealis. Un océan qui occupait les principales plaines nordiques (en latin Planitia), il y a de cela 1 à 3 milliards d'années : Utopia Planitia, Chryse Planitia, Acidalia Planitia, Arcadia Planitia, Amazonis Planitia.

Avec un volume deux fois supérieur à celui de l'océan arctique terrestre, il recouvrait un sixième de la superficie de la planète. Sa présence devait contribuer à adoucir le climat martien et il a donc agit de manière sensible sur l'environnement de la planète rouge. Il n'est pas exclu qu'avant de disparaître définitivement (on ne sait pas encore comment !), sa surface se soit recouverte de glace, retardant pour quelques temps encore la sublimation des couches d'eau profondes. Pour avoir une petite idée de l'aspect que Mars devait avoir à cette époque, jetez un coup d'œil au magnifique dessin de Michael Carroll qui illustre le chapitre sur la terraformation.

L'idée d'un océan martien a été proposée dés 1973 par Henry Faul (de l'Université de Pensylvanie), mais les preuves étaient maigres et cette hypothèse fascinante est tombée dans l'oubli. C'est seulement 10 ans plus tard, en 1989, après un examen intensif d'images à hautes résolutions fournies par les sondes Viking, que l'océan martien a été considéré non plus comme une idée farfelue mais comme un sujet à prendre au sérieux. Sur les images, des structures rappelant un ancien littoral sont apparues. Un géologue, Tim Parker, avait en fait noté deux lignes de rivage distinctes. La première pouvait représenter les limites d'un ancien océan. La deuxième, située à l'intérieur de la première, pouvait être assimilée à la limite d'une étendue d'eau plus petite et plus récente, sans doute issue de la régression du premier océan. Bien plus intriguant encore, les lignes brisées du prétendu rivage semblaient encercler les plaines de l'hémisphère nord.

L'apport de Mars Global Surveyor

Malheureusement, notre littoral ne fut pas aussi convaincant que les réseaux de vallées ou les chenaux d'inondations, preuves évidentes et non contestés de l'écoulement d'eau liquide sur Mars à une époque reculée. Mars Global Surveyor est donc arrivé à point nommé pour essayer de régler la question de l'océan martien. Des images à très hautes résolutions des régions ou l'on croit apercevoir des traces d'un ancien rivage et des mesures altimétriques très précises de l'hémisphère nord obtenues grâce à son altimètre laser allaient apporter une foule de nouvelles données, utiles pour démêler l'écheveau du soi disant océan martien.

Le niveau de la mer

Une confirmation spectaculaire en faveur de l'existence de l'océan martien serait de prouver que les littoraux visibles dans l'hémisphère nord peuvent être assimilés à un niveau de référence bien connu sur Terre, le niveau de la mer, qui fixe par convention l'origine des altitudes. Si aucun mouvement vertical du à une activité tectonique ou aucune déformation ne sont venus perturber la topographie de l'hémisphère nord, alors l'altitude de tous les points appartenant à une ligne de rivage doit être la même, quelle que soit la longitude.

Une analyse détaillée a donc été réalisée par l'altimètre de Global Surveyor sur des bords présumés de l'océan martien. Il est important de noter ici que les structures que l'on a identifié comme étant des lignes de rivages pourraient bien avoir une nature totalement différente. Le risque de confondre le bord de l'ancien océan avec des caractéristiques de la surface martienne qui n'ont rien à voir avec un relief côtier n'est pas nul. De la même manière, il est fort possible que certaines lignes de rivage n'aient pas encore été identifiées comme telles.

Certaines parties des deux lignes de contact de Tim Parker ont été passées au crible pour l'occasion. L'étude a été menée en particulier par le géologue américain James Head. J'ai eu la joie d'assister à une conférence ou James Head exposait ses travaux à l'occasion du symposium international sur le programme d'exploration de Mars et les missions de retour d'échantillons qui s'est tenu à Paris au début du mois de février 1999. Avec des vues en image de synthèse spectaculaires, un discours clair et précis, un sujet véritablement passionnant exposé par un géologue célèbre, c'était un vrai plaisir !

Mais revenons à nos lignes de contact. La première, nommée "contact n°1" se confond souvent avec l'escarpement qui sépare les hauts plateaux de l'hémisphère sud des basses plaines de l'hémisphère nord. Ce contact a du se former il y a 2 milliards d'années ou plus, pendant l'Hespérien. Le deuxième contact, appelé sans surprise "contact n°2" est plus jeune mais aussi plus bas que le contact n°1.

D'après les mesures de l'altimètre laser de Global Surveyor, le contact n°1 n'est pas un aussi bon candidat que prévu pour la recherche d'un "niveau de la mer" martien. Il connaît effectivement des soubresauts un peu trop importants pour une ligne droite. Mais malgré la dispersion des mesures, une tendance ne peut être ignorée. Les points présentant l'altitude la plus élevée pour le contact n°1 sont situés à proximité du dôme de Tharsis, une région de Mars qui a connu un soulèvement particulièrement important. Si le contact n°1 était une ligne de rivage, il a donc pu être déformé à certains endroits par une activité tectonique de grande ampleur, comme celle qui a donné naissance au dôme de Tharsis. Une inclinaison de la ligne du contact n°1 est également visible prés d'Acidalia Planitia et de Chryse Planitia. On observe également une forte corrélation dans les déformations subies par les deux contacts. Le contact n°2 semble avoir subi les mêmes outrages que le contact n°1, en particulier près d'Acidalia Planitia et de Chryse Planitia. Malgré tout, l'ampleur des variations d'altitude tout au long du parcours du contact n°1 (11 km) est telle que ces variations ne peuvent pas être mises uniquement sur le compte d'une déformation verticale de la croûte martienne. On considère donc que le contact n°1 n'est pas assimilable à une ligne de rivage, même si le doute est permis.

Le contact n°2 est beaucoup plus proche d'une ligne droite, avec une variation d'altitude qui n'excède pas les 4,7 km. Il semble avoir été plus épargné par l'activité géologique de Mars que le contact n°1. Les plus grandes variations d'altitude ont lieu au niveau d'Elysium, de Tharsis et d'Arabia, des régions qui ont connu une forte activité tectonique dans le passé de la planète rouge. Ces trois régions comptabilisent 75 % de la variabilité totale des altitudes du contact n°2.

Notons que les déformations subies par les soi-disant lignes de rivages seront très précieuses pour se faire une idée des déformations subies par le globe martien au cours de son histoire, des informations qu'il ne serait pas possible d'obtenir autrement.

Des plaines martiennes aux fonds abyssaux

Après l'analyse des données altimétriques obtenues pendant la prolongation de la phase d'aérofreinage de Mars Global Surveyor, on s'est rendu compte que les terrains de l'hémisphère nord (et en particulier ceux occupés par l'hypothétique océan) étaient parmi les plus plats et les plus monotones du système solaire. Amazonis Planitia, qui s'étend sur 600 km, semble être la région la plus plate et la plus lisse de Mars. Cette région était déjà connue pour avoir une réflectivité très basse au radar et une inertie thermique anormale. Les seuls endroits aussi plats que l'on connaisse ne sont rien d'autres que les plaines abyssales des océans terrestres (ou certains bassins sédimentaires). Des millions d'années de sédimentation ont en effet gommé et aplani le moindre relief, transformant le fond océanique en une région d'une platitude extrême. De là à faire le lien entre ces plaines abyssales et la topographie surprenante de l'hémisphère nord martien, il n'y a qu'un pas, que certains ont franchi aisément. D'autres hypothèses peuvent bien sur être invoquées pour expliquer l'absence de relief des plaines nordiques, comme par exemple un dépôt éolien intense. L'hémisphère nord pourrait en effet être recouvert d'une vaste couche de poussière, qui comme les sédiments des océans terrestres, aurait rendu la surface plate et monotone (si c'est le cas, il ne doit pas faire bon s'y promener, car on doit s'enfoncer à chaque pas !).

L'altimètre laser de Mars Global Surveyor a montré que la topographie des terrains situés en dessous du contact n°2 est bien plus douce que celle des terrains situés entre le contact n°1 et le contact n°2, et ce quelle que soit l'échelle à laquelle on se place (de la centaine de mètres à la dizaine de kilomètres). De la même manière, les terrains sont plus accidentés au-dessus du contact n°1 qu'en dessous. Enfin, les terrains encerclés par le contact n°2 arborent moins de reliefs que ceux pris en sandwich entre les deux contacts. Cette observation peut s'expliquer par un fait très simple (mais qui implique de considérer le contact n°1 comme un littoral). Les deux contacts représenteraient les deux lignes de rivage d'un océan en cours de régression. L'océan allait dans un premier temps jusqu'au rivage n°1. Les changements climatiques et géologiques majeurs ont provoqué sa régression, et l'océan s'est retiré jusqu'au rivage n°2. Les zones situées à l'intérieur du contact n°2 ont donc subi une sédimentation sur une période de temps plus importante que les zones situées entre les deux contacts. Leur relief est donc d'autant moins prononcé.

Une baignoire à remplir

Comme nous l'avons vu en introduction, l'océan martien a vraisemblablement du se constituer suite aux inondations catastrophiques qui se sont produites lors des deux époques les plus récentes de l'histoire de la planète Mars, l'Hespérien et l'Amazonien. Libérés de manière brutale, des gigantesques volumes d'eau se sont précipités à la surface de Mars, creusant les fameux chenaux d'inondations avant de se perdre dans les plaines nordiques. Si ce scénario est correct, l'eau a du commencer à stagner dans les régions les plus basses de l'hémisphère nord : le bassin circulaire d'Utopia, formé à la suite d'un impact météoritique, et le bassin irrégulier de la région polaire nord. Avec une profondeur de - 5250 mètres, le bassin polaire est le premier à se remplir. Il reçoit surtout les flots des chenaux d'inondations qui traversent les plaines de Chryse et d'Amazonis. Le bassin d'Utopia se remplit à son tour lorsque la hauteur d'eau atteint 500 mètres. Contrairement au bassin polaire, il est alimenté par les chenaux d'inondations qui courent sur la région ouest d'Elysium Planitia. Enfin, quand la hauteur d'eau atteint 1000 mètres, les deux bassins se retrouvent interconnectés par un bras de mer.

Il faut cependant mentionner un fait intriguant. Si l'on observe attentivement les six principaux chenaux d'inondations qui serpentent dans Chryse Planitia, on s'aperçoit qu'ils finissent tous de manière abrupte, alors que les pentes devant eux s'étendent encore sur des centaines de kilomètres. La différence d'altitude entre les régions ou ces chenaux se terminent n'excède pas 340 mètres, alors qu'ils sont séparés les uns des autres par des centaines de kilomètres et qu'ils sont dispersés sur plus de 2000 kilomètres. De plus, chaque chenal disparaît à proximité immédiate du contact n°2. Il est donc tout à fait possible que l'océan martien ait existé dès le Noachien, bien avant les inondations catastrophiques qui auront lieu au cours de l'Hespérien et de l'Amazonien. Dans ce cas, les chenaux d'inondations se terminaient directement au contact de l'océan existant, ce qui explique parfaitement la fin brutale de leur tracé.

On peut également s'interroger sur les traces que l'océan a pu laisser au moment de son retrait, lorsque les conditions climatiques ont commencé à changer. A chaque étape de sa régression, un nouveau littoral devait se former. Dans ce cas, en dressant le profil vertical des pentes de l'hémisphère nord, on devait pouvoir retrouver des dépôts sédimentaires ou la rupture de pente d'une terrasse. L'altimètre laser s'est donc remis au travail et a rapidement localisé des terrasses, parallèles les unes aux autres et s'étendant sur des dizaines de kilomètres, au niveau du bassin d'Utopia et du bassin polaire nord. Situées à proximité ou en dessous du contact n°2 (qu'elles suivent d'ailleurs scrupuleusement), elles sont absentes dans les parties les plus basses des deux bassins collecteurs. Des ruptures de pente ont également été mises en évidence là ou le bassin d'Utopia rencontrait le bassin polaire. Bien entendu, des phénomènes autre qu'une régression océanique (comme l'érosion glaciaire ou fluviale) pourraient expliquer partiellement la cascade de terrasses que l'on rencontre quand on progresse des côtes littorales vers l'intérieur de l'océan.

D'autres preuves convaincantes

Si les plaines de l'hémisphère nord ont jadis hébergé un océan, leur sous-sol doit être particulièrement riche en glace ou en eau. Si l'on marque l'emplacement des terrains polygonaux (qui constituent un bon indicateur de la présence de glace ou d'eau au niveau du sous-sol) sur la carte topographique de l'hémisphère nord obtenue grâce à l'altimètre de Mars Global Surveyor, on s'aperçoit que la plupart d'entre eux sont localisés dans les régions les plus basses de l'hémisphère nord  : le bassin circulaire d'Utopia et le bassin polaire nord, deux zones ou l'eau avait de grande chance de s'accumuler et de stagner au moment du remplissage de l'océan.

De nombreux cratères d'impact martiens, dont le diamètre est compris entre 2 et 50 kilomètres, possèdent une couronne d'éjecta lobés dont l'origine est vraisemblablement due à la présence d'une certaine quantité d'eau ou de glace dans le sol. Des cratères dont la taille est inférieure à quelques kilomètres ne montrent pas ces éjecta caractéristiques, car le cratère n'était pas assez profond pour entamer suffisamment le sous-sol et atteindre la couche de terre riche en eau. On peut donc se servir de la taille minimale d'un cratère à partir de laquelle apparaissent les éjecta lobés pour estimer la profondeur de la couche riche en glace ou en eau du sous-sol. Si cette couche affleure relativement près de la surface, même les petits cratères d'impact seront entourés d'une couronne d'éjecta lobés. Enfouie en profondeur, la couche glacée ne sera atteinte que par des cratères d'impact de grandes dimensions. Or les plus petits cratères possédant des éjecta lobés se trouvent encore une fois précisément à l'intérieur du bassin d'Utopia et du bassin polaire nordique. Notons aussi que les cratères d'impact sont globalement moins nombreux à l'intérieur du contact n°2 qu'à l'extérieur, ce qui est compréhensible : un astéroïde ou une comète qui venait se fracasser dans l'océan ne pouvait pas laisser de cicatrice, contrairement aux impacts qui se produisaient sur la Terre ferme.

La taille du monstre

La taille d'Oceanus Borealis a été estimée à partir du contact n°2, qui n'a subi que de faibles distorsions. Si ce contact est vraiment un ancien rivage, Oceanus Borealis contenait 14 millions de km3 d'eau (10 % de plus si la calotte polaire était absente), une quantité suffisante pour recouvrir la totalité de la surface martienne d'une couche d'eau de 100 mètres d'épaisseur. La profondeur de l'océan atteignait au maximum 2 kilomètres, pour une profondeur moyenne de 560 mètres.

Le volume annoncé pour Oceanus Borealis concorde en tout cas assez bien avec les différentes estimations des ressources d'eau de la planète rouge. Ce volume est par exemple compris entre le volume minimal d'eau nécessaire au creusement des chenaux d'inondations qui entaillent Chryse Planitia (6 millions de km3) et la quantité maximale d'eau qui peut être contenue dans les espaces poreux du mégarégolite martien (50 à 200 millions de km3).

Quant au contact n°1, si l'on considère qu'il représente lui aussi une ligne de rivage, il peut renfermer 96 millions de km3 d'eau. Mais ce contact a été intensément déformé, et il faudra bien comprendre les déformations du géoïde martien au cours des temps avant de pouvoir s'en servir pour estimer les caractéristiques du jeune Oceanus Borealis. 

Conclusion

Mars la rouge a-t-elle été un jour Mars la bleue ? L'idée est non seulement poétique, mais elle est également de plus en plus réaliste. Nous disposons aujourd'hui d'un faisceau de preuves assez solides pour pouvoir envisager avec sérieux cette hypothèse. Nous possédons quatre éléments principaux qui permettent de penser que le contact géologique qui ceinture les basses plaines de l'hémisphère nord représente bien le rivage d'un ancien océan ayant jadis existé sur Mars : la hauteur du contact est pratiquement constante, la topographie est toujours plus douce en dessous du contact qu'au-dessus, le volume de l'hypothétique océan est compatible avec les estimations des ressources en eau de la planète rouge et le contact est enfin bordé par une série de terrasses de régression qui lui sont parallèles.

D'autres preuves doivent être accumulées avant de conclure définitivement à l'existence d'un ancien océan sur la planète rouge. Mars Global Surveyor, dont l'apport a été essentiel, va continuer à nous fournir de nombreuses données supplémentaires (mesures altimétriques, photographies haute résolution) qui nous aideront à prouver ou à infirmer définitivement l'existence d'Oceanus Borealis. Il est d'ailleurs remarquable de constater que les informations collectées par cette sonde s'opposent parfois complètement. Si les données topographiques de l'altimètre laser sont à la base des principales preuves en faveur de l'océan martien, une équipe exploitant les images à haute résolution de la caméra vient d'annoncer que les portions des lignes de contact observés ne montrent aucune des formations typiques d'un relief côtier : plage de sable, cordon dunaire, falaise abrupte aux parois verticales...

L'analyse des météorites martiennes ou des futurs échantillons martiens que l'homme ramènera prochainement sur Terre apportera peut être des indices supplémentaires. Les deux atterrisseurs Viking ont atterri en dessous du contact n°2 alors que Pathfinder a posé le pied dans les environs de cette hypothétique bord de mer. Et les quantités anormalement élevées de chlore et de soufre détectées dans le sol martien pourraient bien être reliées à la présence d'un ancien océan. Celui ci, en se retirant, aurait laissé derrière lui des dépôts salés (sulfates pour le soufre, chlorure pour le chlore). Les calottes polaires auraient également pu piéger d'antiques sédiments océaniques, des sédiments que Mars Polar Lander aurait pu mettre en évidence, si la sonde avait réussi son atterrissage ...

Pour en savoir plus :

Go ! Chroniques martiennes : le sel de l'océan martien.
Go !Les dernières images de Global Surveyor témoignent contre l'existence d'un ancien océan sur Mars.
Go !
La structure interne de Mars.

Carte topographique de l'hemisphere nord

L'océan martien : schéma explicatif

Carte topographique de la totalité de l'hémisphère nord martien, vu depuis le pôle nord. Le rouge et le blanc indiquent les reliefs les plus élevés, le bleu les altitudes les plus basses. On distingue sur le côté gauche le dôme de Tharsis, avec le volcan Pavonis Mons (en blanc, juste à la limite du cercle), et Ascraeus Mons au-dessus. Plus à droite et dans le sens des aiguilles d'une montre, on trouve Olympus Mons. La grosse tache rouge correspond à Alba Patera. Du côté droit et en haut, on tombe sur la plaine d'Elysium et son principal volcan, Elysium Mons (le sommet rouge et blanc). Mais ce qui frappe surtout, c'est que le pôle nord est entouré par une vaste dépression formée de la réunion de plusieurs plaines (Chryse Planitia, Utopia Planitia, Amazonis Planitia). Cette ceinture de plaines mornes et désolées qui encercle le pôle nord est désignée sous le nom de Vastitas Borealis. Il y a plusieurs milliards d'années, ces plaines étaient peut être recouvertes par un gigantesque océan (Oceanus Borealis), qui occupait alors environ 70 % de l'hémisphère nord. Les deux lignes noires marquent l'emplacement des hypothétiques lignes de rivage, les contacts n°1 et n°2 (Crédit photo : MOLA Science Team).

Les basses plaines de l'hémisphère nord

Oui, je sais ce que vous allez me dire ! C'est quoi cette photo, on y voit que dalle, c'est vraiment honteux de montrer ça, etc. Et pourtant, ce cliché qui ne paye pas vraiment de mine a été bel et bien pris par la sonde Mars Global Surveyor, dont la réputation n'est plus à faire en matière de photographies à haute résolution. Mais quand il n'y a rien à voir, il n'y a rien à voir ! La région visible sur cette photographie est située dans les vastes plaines qui s'étendent au nord d'Arcadia Planitia, plusieurs centaines de kilomètres au nord-ouest du volcan Olympus Mons, dans l'hémisphère nord. Ces plaines sont beaucoup plus basses que les hauts plateaux cratérisées de l'hémisphère sud. La surface ne montre pratiquement aucun détail, et semble monotone, désolée. Pour expliquer cet aspect peu engageant, il existe deux hypothèses. La surface de ces plaines serait formée d'immenses coulées volcaniques recouvertes d'une grande quantité de sédiments apportés par le vent, du sable et surtout de la poussière. Mais il existe une deuxième hypothèse beaucoup plus excitante. Ces régions avares en reliefs seraient en fait le plancher d'un ancien océan qui devait recouvrir une bonne partie de l'hémisphère nord. C'est la sédimentation continue sur des millions d'années qui aurait aplani et nivelé la surface. Les plaines du nord montrent le plus souvent des terrains avec des cratères d'impact partiellement ou totalement recouverts, des terrains polygonaux avec des fractures dont la taille varie de la dizaine de mètres à la dizaine de kilomètres et enfin d'autres régions sans aucun relief. Ici, on n'aperçoit aucun détail frappant, à part des formes circulaires ténues, traces d'anciens cratères d'impact enfouis sous une épaisse couche de sédiments. Si le vent a balayé cette région, il n'a laissé aucune dune de sable. Cette image, qui compte parmi les meilleures jamais obtenues des plaines de l'hémisphère nord, a une résolution de 5,5 mètres/pixel. Les meilleures images prises par les sondes Viking avaient une résolution de 8 à 20 mètres/pixels. Le nord est en haut et le Soleil éclaire les lieux depuis la droite. L'image a été obtenue le 8 août 1998, à 5:20 du matin environ (heure locale). Le Soleil était donc assez bas sur l'horizon (Crédit photo : Malin Space Science Systems/NASA).

Oceanus Borealis

Cette vue d'artiste montre la planète Mars telle qu'elle était peut être il y a 1 à 3 milliard d'années. La majeure partie de l'hémisphère nord est occupée par un océan, dont les côtes correspondent ici au contact n°2, une hypothétique ligne de rivage qui ceinture les basses plaines nordiques. On note au centre la région de Tharsis avec le géant Olympus Mons, l'alignement des monts Pavonis, Arsia et Ascraeus ainsi que la masse plus diffuse et étalée d'Alba Patera. En bas à droite, on reconnaît la cicatrice de Valles Marineris, un gigantesque système de canyons qui entaille la surface de Mars. Plusieurs chenaux d'inondations prennent naissance dans sa partie nord pour aller se déverser dans l'océan martien après avoir traversé la plaine de Chryse. L'océan martien a du joué un rôle non négligeable au niveau climatique, et il a peut être été aussi le berceau d'éventuels organismes martiens. Le dessinateur ne s'y est pas trompé, et les plages martiennes sont particulièrement verdoyantes ! (Crédit photo : NASA Mars Global Surveyor Project, MOLA Team, réalisé par Peter Neivert).

Océanus Boréalis

L'océan martien, vu sous une autre perspective. On reconnaît au centre à gauche le volcan Alba Patera. Une partie de Valles Marineris est de nouveau visible dans la partie inférieure de l'image. Notez que de nombreux chenaux prennent leurs sources dans la partie nord de Valles Marineris. Certains chenaux partent du centre (ils se déversent sur le coté gauche du triangle océanique) mais les plus nombreux sont issus des régions chaotiques situées à l'est et rejoignent l'océan à la base du triangle. Si vous avez l'œil, en dépit de la petite taille de l'image, vous pourrez même reconnaître l'un des plus grands chenaux d'inondations de la planète Mars, Ares Vallis, dont l'embouchure a accueilli à bras ouvert la sonde Pathfinder et son petit robot Sojourner en juillet 1997 ! (Crédit photo : NASA Mars Global Surveyor Project, MOLA Team, réalisé par Peter Neivert).

Un fragment de la météorite de Nahkla

De nombreuses analyses chimiques ont montré que les météorites martiennes étaient assez riches en sels, le record appartenant à la météorite de Nakhla. Dans les fractures de cette météorite, les chercheurs ont découvert des dépôts de chlorure de sodium (le sel de l'eau de mer), ainsi que d'autres composés salins en plus petites quantités (sulfate et fluorure pour les ions négatifs, calcium et magnésium pour les ions positifs). Comme ces sels sont solubles dans l'eau, on peut penser qu'ils ont été déposés par la percolation d'un liquide salin dans les fractures de la roche, celui-ci s'étant ensuite évaporé. Une équipe de l'Université de l'Arizona prétend que les sels de la météorite de Nahkha appartenaient à l'eau de l'ancien océan. Leur concentration correspond assez bien à celle de l'eau de mer et l'ancien océan martien était donc, selon ces chercheurs, similaire à l'océan terrestre actuel (Crédit photo : Université d'Arizona).

 

Remplissage de l'ocean martien

Constitution progressive de l'océan martien. Sur le premier schéma en partant de la gauche, la hauteur d'eau n'est que de 500 mètres : seul les endroits les plus profonds de Vastitas Borealis (la ceinture de plaines basses qui entourent le pôle nord) commencent à accumuler de l'eau. Il s'agit du bassin circulaire d'Utopia formé lors d'un impact météoritique et du bassin irrégulier de la région polaire nord. Lorsque la hauteur d'eau atteint 1000 mètres (deuxième schéma), les deux bassins sont mis en communication. Sur le troisième schéma, toutes les régions situées en dessous du contact n°2 sont immergées. Les plaines d'Amazonis (en haut à gauche), d'Acidalia et de Chryse ( en bas à gauche) et d'Utopia (en haut à droite) sont sous l'eau ! Enfin, sur le quatrième schéma, l'inondation est à sans comble et les vagues viennent lécher le contact n°1. Des plaines d'Elysium, il ne subsiste qu'une petite île dominée par l'imposant volcan Elysium Mons (Crédit photo : MOLA Science Team).

 

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