L'eau et la glace sur Mars

Mars Global Surveyor


Les plages de l'océan martien

Les images obtenues par la caméra de Mars Global Surveyor ont été utilisées pour tenter de valider l'une des plus excitantes hypothèses à propos de la planète Mars, celle de l'existence, il y a plusieurs milliards d'années, d'un océan martien recouvrant la majeure partie des terres de l'hémisphère nord. Cette idée a commencé à prendre forme dans les années 1980 lorsque certains scientifiques se sont aperçus qu'il existait sur les clichés des sondes Viking des formations qui ressemblaient fortement à des littoraux. L'hypothèse de l'océan martien (Oceanus Borealis) a fait l'objet d'un chapitre particulièrement détaillé dans la section consacrée à la géologie martienne et je vous invite vivement à y jeter un coup d'oeil. Cette hypothèse, mis à part son côté un peu romantique, est extrêmement importante, car l'existence d'une vaste quantité d'eau liquide à la surface de Mars a du avoir un impact non négligeable sur le climat qui régnait à cette époque, sans compter les implications pour l'apparition d'une éventuelle vie martienne.

Pendant sa longue période d'aérofreinage en 1998, Mars Global Surveyor a consacré une partie de son temps (soit 2 % de la totalité des images obtenues) à survoler les régions appartenant au prétendu rivage de l'ancien océan. Les nouvelles images possèdent une résolution  5 à 10 fois supérieures à celles obtenues par les sondes Viking, vieilles de 20 ans. Mais là ou certains scientifiques avaient cru discerner des côtes et des rivages, Mars Global Surveyor n'a rien vu. Aucune des images acquises ne montre les formations que l'on serait en droit d'attendre d'un environnement côtier façonné par l'érosion océanique.

Mars Global Surveyor a inspecté quatre régions différentes. La première concerne le contact entre les basses plaines d'Amazonis Planitia et les terrains plus élevés et rugueux de Lycus Sulci, au nord-ouest du volcan géant Olympus Mons (voir la vignette en bas à gauche de l'image A). En étudiant les clichés Viking de cette région, les scientifiques avaient remarqué qu'une ligne bien marquée séparait la bordure ouest de Lycus Sulci des terrains plus bas d'Amazonis Planitia. Ils en avaient conclu que le contact entre les deux surfaces s'effectuait le long d'une falaise abrupte, dont la paroi faisait face à l'ancien océan, qui recouvrait alors Amazonis Planitia. Cette falaise devait être comparable à certaines falaises côtières qui bordent les océans terrestres et qui sont façonnées par le ressac des vagues sur le matériau rocheux.

Tous les éléments de cette description apparaissent clairement sur l'image A, obtenue par un orbiteur Viking. On distingue sans peine dans la partie basse les terrains vallonnées et rugueux de Lycus Sulci et dans la partie haute les plaines sans reliefs d'Amazonis Planitia, les deux formations étant séparées par une ligne sombre, qui n'est autre que la fameuse bordure côtière. Les petits rectangles blancs indiquent l'emplacement des zones photographiées à haute résolution par Global Surveyor au cours de ses survols répétés au-dessus de la ligne de contact.

Aucun des trois clichés qui chevauchent la ligne de contact ne montre des formations typiques d'un relief côtier : plage de sable, cordon dunaire, falaise abrupte aux parois verticales ... Au lieu de cela, le contact entre Lycus Sulci et Amazonis s'établit en pente douce. C'est particulièrement évident sur l'image B, la seule concernant le contact Amazonis Planitia/Lycus Sulci que nous présenterons ici.

Cette image correspond au rectangle SPO2-428/03 de l'image A (SPO-2 signifie que le cliché a été obtenu pendant la période n°2 de la phase d'acquisition de données - Science Phasing Orbit -, les deux autres chiffres indiquant que cette image est la troisième obtenue lors de l'orbite n°428).

Les autres régions étudiées par Global Surveyor ne montrent rien de mieux en faveur de l'hypothèse océanique. La sonde a également survolé le contact entre Cydonia et Acidalia Planitia ainsi que des anciennes îles de l'ancien océan situées dans la région de Cydonia (plus connue pour son visage martien) et dans Acidalia Planitia.

Le contact entre Cydonia et Acidalia Planitia affiche des reliefs abrupts, mais dont la pente est dirigée vers l'intérieur des terres et non pas en direction de l'océan ! 

Des reliefs dans la région de Cydonia avaient du être entourés par l'eau lorsque l'océan s'avançait sur l'hémisphère nord. Le choc repéré des vagues sur le flanc de ces îles avait du tailler des belles falaises aux formes caractéristiques. Rien de tel n'est apparu sous l'œil impartial de Global Surveyor. Certaines de ses prétendues îles sont visibles sur l'image C : deux massifs montagneux avec des sommets pointus pour le cliché n°1 et une mesa (sorte de butte au sommet aplati) en haut du cliché n°2. 

La même remarque est enfin valable pour des îlots rocheux dans Acidalia Planitia.

Les auteurs de l'article paru dans le journal Geophysical Research Letters (Michael C. Malin et Kenneth S. Edgett), et qui appartiennent à l'équipe qui a conçu la caméra de Mars Global Surveyor, avouent eux-mêmes que la détection des rivages d'un lac, d'une mer ou d'un océan depuis une orbite est un exercice plutôt périlleux. Même sur Terre, il est parfois difficile de mettre en évidence sur des photographies aériennes ou satellitaires des littoraux avec certitude. Quelquefois, le seul indice qui apparaît sur une photographie en faveur d'un rivage n'est rien d'autre qu'un couvert de végétation qui pousse d'une manière différente de part et d'autre de la côte, à la suite d'un tassement différentiel du sol ou de la variation de la taille des particules du sol (ce qui modifie la porosité et la perméabilité du substrat et au final la manière dont les végétaux se développent). Sur Mars, la végétation n'est pas la pour nous aider dans nos recherches. Le seul moyen de trancher, dans certains cas, consiste à envoyer un géologue sur place. Une chose qu'il est bien entendu impossible de réaliser pour l'instant sur la planète rouge.

Les images de Global Surveyor n'enterrent pas définitivement l'existence d'un ancien océan nordique sur Mars, mais prouvent que l'hypothèse initiale, basée sur des lignes de rivages qui n'en sont pas, est incorrecte et doit être corrigée. Qui sait à quoi pourrait bien ressembler une ancienne plage après des milliards d'années d'érosion sur la planète rouge. Enfouie sous d'épaisses couches de sédiments ou des coulées de lave, puis recouverte par un manteau de poussière qui peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur, celle ci pourrait bien être totalement méconnaissable, même sur des photographies haute résolution. Cependant, d'après les auteurs de l'article, la finesse des images de Global Surveyor est suffisante, en dépit des difficultés de la tache, pour détecter les signes d'un environnement côtier s'il avait existé. Si la planète Mars a bien connu un jour un océan, il va falloir chercher ses plages ailleurs !

Une plage de sable rouge, sur laquelle se jette l'écume des vagues. Dans un ciel bleu pâle, des cirrus défilent lentement. A la surface de l'eau, un bref éclat de soleil. Un peu plus loin, l'immense masse d'eau bleue libère sa fureur. Des rouleaux puissants ne cessent de venir se fracasser contre des falaises de basalte noir, dans un grondement terrifiant. Lentement mais sûrement, les vagues effectuent leur long travail de sape. Un pan de roche tout entier finira par s'écrouler et dévoilera une nouvelle paroi immaculée, prête à subir de nouveaux coups de boutoirs de la part de l'océan martien. Et dans ses profondeurs de celui ci, sous des centaines, voir des milliers de mètres d'eau, une étincelle de vie, peut être ... 

D'après les dernières images de Global Surveyor, le paléo-océan n'est peut être qu'un rêve lointain, une chimère parmi les fantasmes des hommes. Mais le véritable littoral de l'océan martien attend peut être aussi d'être découvert, enfoui profondément sous son linceul de poussière. Un jour, le pinceau laser d'un altimètre, l'antenne radio d'un radar, l'œil électronique d'une caméra ou la main gantée d'un astronaute égratignera sa surface. Si Mars a un jour connu un océan, nous le trouverons. Sinon, la planète rouge aura simplement perdu un peu de son charme. Après tout, la science n'a que faire des espoirs des hommes.

Pour en savoir plus :

Go ! Oceanus Borealis, l'hypothétique océan martien.

Contact entre Amazonis Planitia et Lycus Sulci (vue d'ensemble)A
Malin Space Science Systems/NASA

Contact entre Amazonis Planitia et Lycus Sulci (vue rapprochée)B
Malin Space Science Systems/NASA

Reliefs dans la région de CydoniaC
Malin Space Science Systems/NASA

 

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