Visite illustrée d'un petit laboratoire amateur
de microscopie et d'histologie

Laboratoire (vues générales)

Vue d'ensemble d'un petit laboratoire de microscopie amateur. S'il est possible de réaliser des observations au microscope avec très peu de matériel, les choses se compliquent dès que l'on souhaite aller plus loin. L'indispensable microscope, aux côtés du Précis de Microscopie de Langeron (1949, 7eme édition), la bible du microscopiste amateur.
Microscope BA 310 : trinoculaire (l'appareil photo est ici non monté), il dispose d'une tourelle à 5 objectifs et d'un dispositif de contraste de phase. Observation à l'objectif x100 d'une coupe de moelle épinière de rat colorée par la technique d'Azan. Le microtome de Ranvier, à droite, est un microtome à main qui avec un peu d'habitude, permet d'obtenir d'excellents résultats sur du matériel végétal. L'objet à sectionner est fixe, et le rasoir mobile.
Microtome rotatif de Minot à rasoir fixe, utilisée pour réaliser des coupes très fines (jusqu'à 5 microns) sur des objets mous inclus dans la paraffine. Ici le rasoir est fixe, et l'objet à couper mobile. Détail du mécanisme interne du microtome de Minot. L'ingéniosité nécessaire à la réalisation d'un tel outil est bluffante. Panneau de commande de l'étuve utilisée pour l'imprégnation à la paraffine, le séchage des lames blanches ou certaines colorations spéciales. Il s'agit d'une étuve de bactériologique détournée ici de sa fonction d'origine.
Avec les fixateurs, les liquides éclaircissants, les colorants et les milieux de montage, le microscopiste fait un usage immodéré des produits chimiques. Les colorants, indispensables pour révéler les secrets des tissus végétaux et animaux. Capsule à bec et vase à peser en verre borosilicaté. La verrerie est également un allié très précieux du microscopiste.

Préparations microscopiques : l'élégance des lames (centrage des lamelles et des objets, informations des étiquettes, etc.) est souvent une indication des beautés qui attendent l'observateur.

Photographie des préparations grâce à un adaptateur projectif monté sur la sortie caméra de la tête trinoculaire Siedentopf du microscope (une telle tête, très pratique, permet d'observer et d'acquérir des images simultanément). L'adaptateur est ici équipé d'un oculaire projectif 2,5x, la liaison avec l'appareil photo (un Sony NEX 7) étant assuré par une bague T2. Lors des prises de vues, un mécanisme permet d'envoyer 80% de la lumière vers la sortie caméra, et les 20 % restants sur les deux oculaires. La lame observée est une coupe longitudinale d'ovaire de grenouille colorée à l'hématoxyline éosine à l'objectif 10x. Cette photographie illustre deux techniques de prise de vues utilisées en microscopie. La première, facile à mettre en oeuvre, est dite afocale. Elle consiste à positionner au-dessus d'un oculaire (via un adaptateur) l'objectif d'une caméra (ici celle d'un iPhone, mais un appareil photo compact ou une webcam conviennent aussi), de manière à récupérer l'image virtuelle fournie en sortie du microscope. La seconde, plus performante, nécessite une tête trinoculaire, sur laquelle vient se fixer un tube projectif. Ce dernier va cette fois-ci aller chercher l'image réelle délivrée par l'objectif du microscope, pour la projeter de la façon la plus optimale possible sur le capteur d'un boîtier nu d'appareil photo (ici un reflex plein format). Notez que la forme et la surface couverte par les deux champs n'est pas la même (le nombre de cellules visibles fournit une échelle pratique). Une tournette, utilisée pour luter certaines préparations (en particulier celles montées à la gélatine glycérinée).

La très grande majorité des ouvrages de référence utiles au microscopiste amateur datent d'au moins 50 ans. Plus aucun n'est édité aujourd'hui, ce qui en dit long sur notre société. Une planche sur les desmidiées du traité de microscopie pratique de Georges Deflandre (seconde édition, 1947). Abondamment illustré de magnifiques dessins en noir et blanc ou en couleurs, c'est un livre qui procure aussi un grand plaisir à la lecture. Fruit d'un travail passionné et soigné, toute trace de médiocrité en est absente. Une page offrant quelques réflexions sur le choix d'un premier microscope, ainsi que sur la réalisation des préparations microscopiques.

Fixation des tissus

Quelques-uns des fixateurs les plus courants utilisés en microscopie : formaldéhyde à 5 % tamponné (fixateur universel), alcool formolé acétique (botanique) et picroformol de Bouin (histologie animale). Le rôle des fixateurs est de figer les structures cellulaires, d'empêcher l'autolyse et la putréfaction, et enfin de protéger les tissus des traitements agressifs qui vont ensuite avoir lieu. Prélèvement d'échantillons sur une fleur de Lys et fixation immédiate dans de l'alcool formolé acétique (les flacons ne sont pas encore étiquetés) : anthères à différents stades de maturité, ovaire et pistil. La récolte ainsi que la préparation d'échantillons en botanique sont des activités bien plus agréables et esthétiques qu'en histologie animale ! Des myrtilles en cours de fixation dans de l'alcool formolé acétique, ou FAA (48 heures). Quelque soit sa nature, le ratio fixateur | échantillon doit être d'au moins 10 (idéalement 20), et il faut veiller à changer régulièrement le liquide. Les échantillons ne doivent pas non plus être trop épais, et ils sont donc coupés si nécessaire.

Le picroformol de Bouin, un mélange d'acide picrique, de formaldéhyde, d'acide acétique et d'eau est l'un des fixateurs les plus efficaces en histologie animale. L'acide picrique colore les pièces en jaune, ce qui permet non seulement de contrôler la profondeur de pénétration du fixateur dans les tissus, mais également de pouvoir repérer plus facilement l'objet à couper dans le bloc de paraffine. Le temps de fixation ne doit pas dépasser 24 à 48 heures, et contrairement au FAA, le Bouin ne peut pas servir de liquide de préservation longue durée. Les objets doivent donc être rapidement transférés dans l'alcool. En histologie, les insectes constituent sans aucun doute l'un des sujets d'étude les plus durs qui soit. Ces incroyables bestioles (dont la complexité est stupéfiante) posent en effet deux difficultés majeures au microscopiste qui veut en observer l'intérieur. La première tient au fait que les insectes sont entourés d'une cuticule très dure (chitine plus ou moins enrichie en sclérotine) qui met en défaut tous les microtomes. Il faut alors trouver un moyen de ramollir l'exosquelette sans détruire les tissus (qui sans cela est trop dur par rapport à la paraffine) ou passer sur des milieux d'inclusion (résines plastiques) peu compatibles avec un laboratoire amateur. La seconde difficulté est liée à la façon dont les insectes respirent. Parcourus par un réseau très dense de trachées, ils sont par définition plein d'air, qui offre une grande résistance au passage des réactifs, et qu'il faut donc impérativement retirer. L'utilisation d'une pompe à vide toute simple permet d'éliminer petit à petit l'air contenu dans le système de trachées des insectes (il est également possible d'utiliser une trompe à eau). Ici des abeilles (entières ou disséquées), après fixation au picroformol de Bouin, sont traitées par un mélange de formol et d'acide nitrique à 6 % pour ramollir la cuticule. Après mise sous vide, on note de nombreuses petites bulles d'air autour des abeilles. Une fois que l'air est éliminé après de  multiples pompages pour être remplacé par du liquide, les insectes tombent tout seul au fond du flacon. La mise sous vide doit être réalisée régulièrement, surtout lors des bains de paraffine liquide. Là encore, il s'agit de forcer le milieu d'inclusion chaud à rentrer dans les insectes, sous peine d'avoir de (très) mauvaises surprises lors du passage au microtome.

Déshydratation

Pour l'inclusion en paraffine (indispensable pour pouvoir couper des tissus mous), les échantillons doivent être déshydratés en passant dans différents bains d'alcool de concentration croissante (70 %, 90 % et trois passages dans du 100 %), puis dans du toluène (deux bains). C'est une étape ingrate et fastidieuse, et les laboratoires professionnels utilisent des automates pour cette raison. Le passage dans du toluène est essentiel pour permettre l'imprégnation par la paraffine. Cette dernière est effectivement soluble dans le toluène, mais pas dans les alcools qui ont servi à ôter toute trace d'eau. Lors des bains de toluène (qui doivent rester courts), l'échantillon devient transparent, c'est l'éclaircissement. Le toluène étant toxique (certes moins que le redouté xylène), il peut être avantageusement remplacé par de l'Histoclear (d-limonène) ou du Bioclear. Ces produits naturels sont fabriqués à partir de l'écorce d'agrumes (d'où leur odeur agréable, même s'ils peuvent être légèrement irritants), et conviennent parfaitement pour l'éclaircissement et le déparaffinage (mais ils ne peuvent hélas pas servir pour le montage dans les résines type baume du Canada). Inconvénients de ces substituts au toluène et xylène : ils sont difficiles à trouver et coûtent (très) chers. A la sortie des bains de Bioclear (ou autre liquide éclaircissant, comme le toluène), les objets sont devenus nettement translucides. Ici, il s'agit de différents spécimens végétaux : écorce d'orange, tige de genêt, d'élodée, de fragon, de clématite, d'euphorbe, aiguille et cône de pin, drupe de framboise, feuille de dracaena, etc. D'une manière générale, entre tous les bains de l'étape de déshydratation, il convient de manipuler les échantillons avec beaucoup de précaution, et d'éviter l'usage des pinces, surtout pour les tissus mous. Ici, le matériel est déplacé d'un bain à l'autre à l'aide d'un filtre à thé, peu coûteux et très pratique. Les liquides sont récupérés à l'aide d'un bécher en verre de taille adapté.

Imprégnation et inclusion (paraffine)

Utilisation de cassettes d'inclusion standards

Une fois l'échantillon déshydraté (ici des myrtilles), il doit finalement être imprégné puis inclus dans de la paraffine. L'utilisation de moules (en plastique ou comme ici en métal) et de cassettes d'histologie en plastique de taille standard facilite grandement cette étape. Hors de l'étuve, une petite plaque chauffante s'avère très pratique pour maintenir la paraffine à l'état liquide. Les laboratoires professionnels font usage de distributeurs de paraffine. Celle généralement utilisée en histologie possède un point de fusion situé entre 56°C et 58°C. Le problème, lorsque l'on travaille avec la paraffine, est de la maintenir liquide. Les pinces, qui servent à saisir ou plonger les spécimens lors de l'inclusion, doivent ainsi être régulièrement réchauffées avec un chalumeau. Sinon, la paraffine prend rapidement en masse, et il est alors particulièrement difficile de garder son calme !

A la sortie des bains du liquide éclaircissant (toluène, Histoclear, Bioclear), les échantillons sont donc immergés dans de la paraffine liquide maintenue chaude grâce à une étuve. C'est l'étape essentielle d'imprégnation, qui dure plusieurs heures (par exemple 2 bains de 2 heures). Pour ma part j'utilise toujours de la paraffine neuve, y compris pour le premier bain.

L'inclusion s'effectue à la fin du dernier bain de paraffine. Jusqu'à son placement final dans un moule, l'objet à inclure doit toujours être maintenu dans de la paraffine chaude. S'il a dû être découpé une fois paraffiné (par exemple cas d'un organe mou qu'il est nécessaire de couper pour obtenir une orientation correcte), les sections obtenues doivent être replacées dans de la paraffine chaude pendant quelques minutes avant d'être incluses.

Concernant le matériel, pour travailler dans de bonnes conditions, il est chaudement recommandé de posséder des moules de différentes dimensions, adaptés aux objets à inclure. Pour ma part, je préfère largement les moules métalliques réutilisables, certes bien plus cher à l'achat, mais au final beaucoup plus pratique que les moules en plastique à usage unique. Faciles à démouler quand elles sont froides, elles peuvent aussi être réchauffées si nécessaire en les posant sur une platine.

L'inclusion commence par le remplissage du fond d'un moule (métallique ou plastique) par une fine couche de paraffine. Il ne faut jamais déposer un objet sur le fond d'un moule sans paraffine, sous peine d'avoir de malheureuses surprises au démoulage.

Fin du remplissage du fond du moule avec de la paraffine. Notez la rapidité avec laquelle cette dernière prend en masse, à la fois dans le moule (posé ici sur un plan de travail en bois) et la capsule. Pour travailler dans de bonnes conditions, il peut être nécessaire de placer les moules sur une plaque chaude, ou d'utiliser la platine chauffante.

L'objet à inclure est manipulé avec une pince chaude. Il est correctement orienté de manière à obtenir le résultat attendu (ici, il s'agit de réaliser des coupes longitudinales d'un petit cône femelle de pin). Notez que dans le cas de cet échantillon, un moule de dimensions inférieures aurait dû être utilisé (j'ai néanmoins préféré celui-là pour rendre les photos plus claires).

L'objet est plaqué dans le fond du moule avec la pince. Certains objets peuvent être délicats à placer correctement dans le moule : c'est le cas des spécimens très minces, comme des échantillons de peau, des feuilles, etc. Le positionnement peut alors être facilité en refroidissant légèrement le moule, de manière à ce que les objets puissent être maintenus au fond par une fine couche de paraffine déjà solidifiée, mais encore molle. Le secret pour réussir cette étape : de la patience et ... une pince chaude !

Pour inclure des petits objets (ici des embryons de grenouille), des aiguilles d'acupuncture se révèlent très utiles. Bon marché, elles chauffent très rapidement sous la flamme du chalumeau, et elles permettent de travailler avec précision, qu'il s'agisse de positionner un objet, de l'orienter, ou encore de le coller dans la pellicule molle de paraffine en refroidissement au fond d'un moule.

Une fois l'objet correctement placé, on recouvre le moule avec une cassette plastique (qui sert de "couvercle"), avant de remplir cette dernière de paraffine liquide. Il faut bien adapter la hauteur du moule à celle de l'échantillon, sous peine d'avoir des surprises (la paraffine ne doit pas s'écouler du moule). Toute la paraffine utilisée pour l'inclusion doit être pure. La paraffine usagée peut éventuellement être utilisée pour les bains d'imprégnation, mais jamais pour réaliser l'inclusion elle-même.

La cassette d'inclusion est remplie presque jusqu'à ras bord de paraffine. Il faut éviter d'en mettre trop peu, ce qui pourrait conduire à une séparation du bloc de paraffine avec la cassette lors des coupes au microtome. A l'inverse, il faut éviter de verser trop de paraffine (formation d'un bombement), ce qui empêchera alors le positionnement de la cassette dans la pince du microtome. La méthode la plus efficace pour refroidir rapidement les blocs est de déposer les moules sur des cubes de glace. Non seulement la paraffine prend très vite en masse, mais le démoulage est également considérablement facilité (la cassette se sépare pour ainsi dire toute seule du moule). Les cassettes doivent également être le plus rapidement possible identifiées (ici écriture au marqueur indélébile), si ce n'est déjà fait. Un refroidissement rapide des cassettes après inclusion des spécimens peut aussi être obtenu en plongeant ces dernières dans de l'eau froide ou glacée, en faisant toutefois attention que l'eau ne pénètre pas dans les moules (ce qui peut arriver quand la paraffine est encore liquide).

Cassettes d'inclusion avec un moule en métal réutilisable à gauche, et un moule en plastique à usage unique à droite. Par expérience, les moules métalliques permettent un démoulage plus pratique que les moules plastiques, et sont de plus réutilisables indéfiniment. Les mêmes cassettes une fois démoulées et étiquetées. Si de la paraffine a coulé sur les bords latéraux des cassettes, il est nécessaire de les ébavurer avec un couteau émoussé, sous peine de ne pouvoir fixer ces dernières correctement sur la pince rapide du microtome. Avant de passer aux coupes, il est également recommandé d'ôter le trop plein de paraffine autour de l'objet à étudier, avec une lame de rasoir. Les coupes au microtome seront facilitées, elles s'étaleront plus facilement et il sera également possible d'en placer un plus grand nombre sur une même lame. Le déparaffinage sera également plus aisé.

 

 

    Ici, le bloc de gauche a été taillé avec une forme pyramidale. Notez la quantité importante de paraffine qui a été éliminée comme le montre les nombreux copeaux produits. Cette étape doit être réalisée avec soin : il est très important de ne pas abîmer accidentellement l'objet (surtout si celui-ci à une forme irrégulière ou s'il est difficilement visible), ou de séparer par inadvertance le bloc de paraffine de la cassette en plastique qui lui sert de support. Rogner deux coins à 45° permet en complément de faciliter la séparation des différentes coupes au niveau du ruban.

Utilisation de barres de Leuckart

Si les cassettes d'inclusion sont très pratiques, d'autres moules peuvent être mis en œuvre pour la réalisation des blocs de paraffine. La technique la plus ingénieuse consiste à utiliser des barres de Leuckart. Il s'agit de deux équerres métalliques, qui, lorsqu'elles sont placées face à face sur une plaque en acier, permettent de définir un volume parfaitement adapté au spécimen à inclure. Il est également possible de réaliser des moules en carton ou papier épais. Remplissage d'un volume délimité par des barres de Leuckart avec de la paraffine liquide. Comme pour les cassettes d'inclusion, il est recommandé de verser une couche de paraffine, de placer l'objet à inclure avec des pinces chauffées à l'intérieur du moule, puis de remplir ce dernier presque jusqu'à ras bord avec la paraffine. Le bloc est d'abord laissé à refroidir à l'air ambiant, avant d'être immergé dans de l'eau glacée pour faciliter le démoulage. Une fois démoulés, les blocs de paraffine fabriqués avec les barres de Leuckart (ou d'autres moules) doivent être fixés sur des cubes en bois d'environ 2 cm de côté, de manière à pouvoir ensuite être placés entre les mâchoires du microtome. Quelques pastilles de paraffine sont déposées sur la surface d'un cube de bois. Une spatule préalablement chauffée avec un chalumeau est appliquée sur les pastilles, qui se mettent alors à fondre. Sans retirer la spatule, on pose délicatement dessus un bloc à monter, dont le fond va également se liquéfier. La spatule est retirée avec un mouvement horizontal, pour mettre en contact le bloc et la couche liquide de paraffine présente sur le cube de bois.

Coupes fines

Microtome de Ranvier

Un microtome de Ranvier à main (échantillon fixe, rasoir mobile), avec ses accessoires : moelle de sureau naturelle ou synthétique, couteau à manche et lames de rasoir jetables (avec un porte lame adapté). Il convient parfaitement pour la plupart des coupes végétales. L'utilisation de lames de microtome jetables permet d'éviter la fastidieuse opération d'affûtage sur cuir des couteaux. C'est également l'assurance d'avoir toujours à disposition des lames très coupantes. Un échantillon à couper (ici une tige étoilée de Clématite Vitalba) est inséré dans un petit cylindre de moelle de sureau, qui est ensuite fixé dans les mâchoires du microtome de Ranvier. La moelle est recouverte d'alcool à 90°, ce qui va la faire gonfler, augmentant ainsi la stabilité de l'ensemble.
Une lame de microtome est fixée avec précaution sur un porte lame adapté, et la moelle de sureau est sectionnée une première fois, pour amener la tige au niveau du plan de coupe. Cette première coupe est évidemment grossière et très épaisse, mais la photo permet de comprendre le principe. Lors des coupes, il est fondamental de trancher l'objet avec la longueur la plus grande possible de la lame. Contrairement à ce qui se passe avec le microtome de Minot (ci-dessous), celle-ci doit donc être déplacée avec un mouvement oblique. Grâce à la vis micrométrique du microtome, la hauteur du cylindre de moelle de sureau par rapport au plan de coupe est augmentée pas à pas de 10 à 20 microns, et une série de coupes fines est débitée dans la tige de clématite. La lame de microtome (ou de rasoir), ainsi que la moelle de sureau doivent être humidifiées régulièrement. Les coupes sont déposées avec soin au pinceau dans un verre de montre rempli d'hypochlorite de soude (ici du Dakin). Les coupes deviennent blanches après quelques minutes. Les meilleures coupes, c'est à dire les sections les plus fines (transparentes), sont déposées dans un petit panier métallique (ici un filtre à thé), ce qui permet ensuite de les déplacer aisément dans les différents liquides nécessaires à leur traitement. Après le bain d'hypochlorite (dont le rôle est d'éliminer le contenu cellulaire et d'éclaircir les coupes), les sections doivent effectivement être lavées à l'eau distillée, puis passées dans un bain d'acide acétique (pour neutraliser les résidus éventuels d'hypochlorite), et de nouveau lavées à l'eau distillée avant la coloration.

Microtome rotatif de Minot

Le microtome de Minot est indispensable pour réaliser des coupes fines d'objets mous inclus dans la paraffine. Une cassette est ici montée sur la pince rapide à cassettes, et sa surface s'apprête à être dégrossie. L'objectif est d'amener la zone du spécimen à étudier dans le plan de coupe, puis de polir la surface du bloc de paraffine. Une série de coupes plus ou moins épaisses pourront alors être produites. Le porte-lame en acier du microtome, avec une lame à usage unique (forme basse) engagée dans la rainure. Ainsi présenté, cet ensemble est extrêmement dangereux, et il est important de rester très concentré tout au long des travaux de coupe, pour éviter tout accident. La lame de microtome doit être la dernière chose à amener sur le plan de travail, et la première chose à sécuriser dès que les coupes sont terminées. Aucun bloc ne doit être installé sur la pince du microtome tant que le porte-lame n'est pas enlevé. Si ce dernier vous échappe lors d'une manipulation, il ne faut surtout pas tenter de le récupérer avec les mains ! Le bloc à couper peut être monté horizontalement ou verticalement dans la pince rapide du microtome, et il est important de noter sur chaque bloc l'orientation choisie, de manière à faciliter d'éventuelles coupes supplémentaires en évitant de trop grandes pertes de matière. Effectivement, lors d'un changement d'orientation du bloc (et en admettant que la pince n'a pas été elle-même manipulée), il est très rare que la face à débiter se retrouve parfaitement alignée avec le plan de coupe. Les objets durs (spécimens végétaux lignifiés, tissus calcifiés, etc.) seront idéalement placés, dès l'inclusion, à 45° dans les moules, pour faciliter la coupe.
Le microtome de Minot est équipé d'un sélecteur qui permet de déterminer l'épaisseur de coupe. Sur le modèle utilisé ici (YD-202A), ce dernier est gradué de 1 à 25 microns. En pratique, il est délicat de descendre en dessous de 2 microns.

L'angle de dégagement (ou angle d'attaque) est un paramètre important pour obtenir de bonnes coupes. En général, plus l'objet est dur ou difficile à couper, plus l'angle doit être faible. Il n'existe cependant pas de règles absolues, et seule la pratique permettra de déterminer l'angle idéal par rapport à un spécimen donné. Il ne faut donc pas hésiter à expérimenter. Notez que les valeurs de l'échelle sont liées à chaque modèle de microtome, et ne sont donc pas transposables d'un appareil à un autre. Sur un microtome de Minot, le sélecteur agit sur un levier engagé dans les crans d'une grande roue, appelée volant. Chaque cran correspond à un micron. Lorsque l'on actionne manuellement le microtome via la manivelle, le volant progresse exactement du nombre de microns réglé au niveau du sélecteur, un mécanisme se chargeant de transformer le mouvement de rotation en un mouvement droit vers l'avant. En conséquence, le bloc avance donc d'un certain nombre de microns, avant d'entamer un mouvement de haut en bas qui lui fait rencontrer la lame. Le porte-échantillon remonte ensuite, avant d'effectuer un nouveau mouvement vers l'avant. Etant donné que, tour de manivelle après tour de manivelle, le porte-échantillon ne cesse de progresser vers l'avant, il arrive un moment où ce dernier parvient en butée, et ne peut donc plus avancer. Il est alors nécessaire de "rembobiner" le microtome. Pour se faire, il faut désengager le levier du sélecteur du volant cranté (à gauche), et utiliser une petite poignée (en haut à droite) pour faire tourner ce dernier dans le sens des aiguilles d'une montre.

Blocs de paraffine (dégrossis ou non), renfermant différents spécimens du monde végétal et animal. Certains blocs peuvent avoir une beauté qui leur est propre, ou être riches de promesses. Une fois que l'on a commencé ainsi à étudier la Nature, il est impossible de s'arrêter, car il y a toujours quelque chose d'intéressant à couper. La réalisation de coupes au microtome de Minot est cependant une activité exigeante qui demande concentration et patience, et l'étude de nombreux spécimens est donc un travail de longue haleine, qui peut pour l'amateur s'étaler sur des mois ou des années. Après dégrossissage, lorsque la zone voulue d'un bloc est correctement exposée, il est temps de passer aux coupes proprement dit. Une lame neuve est montée sur le porte lame, tandis que la surface du bloc est refroidie avec de la glace. Une fois le bloc remonté puis remis en contact avec la lame, la montée et descente du porte-échantillon donne naissance à un ruban de coupe plissé, très fragile et délicat à manipuler (l'épaisseur de coupe est ici de 5 microns). Ruban de paraffine débité sur un bloc de paraffine contenant un bourgeon floral d'Ancolie orienté transversalement, avec une épaisseur de 7 microns. Notez les plis, inévitables. Les coupes sont séparées les unes des autres (en bas à gauche) en utilisant une aiguille fine et une aiguille lancéolée.
La facilité avec laquelle le sectionnement a lieu dépend de plusieurs facteurs. L'un des plus essentiels concerne la température du bloc fixé au microtome : celui-ci doit être le plus froid possible. Il est ainsi recommandé, avant une séance de coupes, de refroidir les blocs pendant 24 heures, soit en les plaçant dans de la glace pilée, soit par un séjour au réfrigérateur.

Un second critère concerne la différence de dureté d'un spécimen par rapport à la paraffine. Plus l'objet à sectionner sera dur par rapport à la paraffine (végétal ligneux, insectes adultes, etc.), plus difficile sera la coupe. Le spécimen pourra se rétracter, en laissant un trou dans la paraffine. Les coupes pourront aussi n'être que partielles, sans qu'il soit possible de produire des sections complètes. Si des fragments ou des particules indurées se mettent à adhérer à la lame, le ruban va inévitablement se déchirer en lambeaux, tandis que le fil de la lame s'émousse rapidement.

L'épaisseur des sections, la manière et la vitesse avec laquelle le volant est actionné, l'angle de dégagement, tout comme la température de la pièce et l'humidité de l'air jouent aussi un rôle. Certains jours, le travail au microtome est réalisé avec une aisance déconcertante. Le jour d'après, c'est la bérézina.

La température des blocs joue un rôle fondamental dans la qualité des coupes obtenues au microtome. Si la séance de coupe s'étale dans le temps, il est possible qu'un bloc initialement froid se soit trop réchauffé pour continuer la réalisation de coupes sériées. En été, la température de la pièce peut aussi devenir trop élevée pour permettre un travail correct. L'une des techniques possibles, pour pallier à ces situations, est de refroidir très rapidement le bloc et la lame du microtome grâce à un spray froid. Il convient cependant d'être prudent, car si le contraste de température est trop brutal, la surface de la paraffine peut se fendiller, avec le risque d'endommager le spécimen. De nombreux incidents peuvent survenir lors des séances de coupe. Le ruban peut ne pas se former, adhérer au bloc ou au support de lame à cause d'une trop grande quantité d'électricité statique ou d'une température ambiante trop élevée. Il peut être gâché par des stries, se friper à l'extrême, se déchirer ou encore être réduit en lambeaux par une lame émoussée. Il peut aussi exhiber une alternance de sections fines et épaisses, un problème qui laisse souvent perplexe l'opérateur et qui est parfois dû à un remplissage incomplet de la cassette (avec pour conséquence un maintien imparfait de cette dernière dans les mâchoires de la pince, et son oscillation lors des coupes). Si les étapes de déshydratation, d'éclaircissement et d'imprégnation n'ont pas été menées correctement, ou si l'objet a été inclus alors qu'il était déjà trop froid, le spécimen peut aussi se détacher et sortir du bloc. L'image ci-dessus illustre un problème gênant, mais qui reste toutefois mineur par rapport à ceux que nous venons de citer. Le ruban se forme sans difficulté, mais il se courbe très rapidement, ce qui peut compliquer la dépose des coupes sur une lame. Ce souci s'explique par le fait que l'un des côtés horizontaux du bloc (ici celui du bas) n'est pas parfaitement parallèle à la lame du microtome.
 

  Lorsque l'on entame le dégrossissage, ou lorsque l'on effectue de nouvelles coupes sur un bloc déjà utilisé, il est très important de ne pas attaquer le bloc brutalement, en produisant de gros copeaux, en vue de gagner du temps. L'engagement doit toujours être très graduel, sinon en voulant aller trop vite, on prend le risque d'endommager le bloc, la lame, voire pire, le microtome lui-même. Ici, une entaille profonde a abîmé l'extrémité d'un spécimen (un épi sporifère de prêle). Un nouveau dégrossissage permettra de récupérer le bloc, mais au prix d'une perte importante de matériel. Autre incident parfois rencontré dans l'utilisation d'un microtome : le détachement du bloc. Ici, la lame, en entaillant la paraffine, a provoqué l'arrachement du bloc de la cassette plastique servant de support, mettant fin à la réalisation des coupes avec ce dernier. L'engagement a peut-être été trop violent, mais il est également possible qu'une quantité trop faible de paraffine ait été versée dans la cassette, ou que le bloc ait été retiré trop tôt du moule, alors que la paraffine n'était pas encore totalement solidifiée. Cette situation peut également se produire si une tentative de coupe est faite sur un spécimen très dur (ce qui n'est pas le cas ici, le bloc contenant des feuilles de lavande).

Etalement des coupes de paraffine

Pour ôter les plis des coupes de paraffine, il est possible d'utiliser soit un bain marie de flottaison, soit (comme ici) une platine chauffante. Une ou plusieurs coupes sont portées sur une lame, sur laquelle quelques gouttes d'albumine glycérinée à 1 % (ci-contre) ont été déposées. La lame est ensuite placée sur une platine chauffante, et l'étalement contrôlée à l'œil nu. Sur cette photo, la coupe située au premier plan n'est pas encore totalement défroissée. Celle du milieu est correctement étalée, et celle en arrière-plan a subi un chauffage trop important pour être utilisable (destruction totale des structures cellulaires). La température doit toujours être inférieure d'au moins 10°C à celle du point de fusion de la paraffine. Pour faire adhérer les coupes sur les lames de verre, il est nécessaire de les rendre collante en utilisant de l'albumine glycérinée diluée. Ce produit est assez simple à réaliser : il suffit de mélanger un volume d'albumine tiré d'un œuf avec un volume de glycérine pure. L'ensemble se conserve au réfrigérateur pendant des années, et est ensuite à diluer dans de l'eau distillée pour obtenir une solution à 1% que l'on dépose sur les lames porte-objet. La solution à 1% ne se garde pas, et doit être fabriquée à chaque fois. On peut également acheter de l'albumine dite de Mallory dans le commerce. Généralement stabilisée avec des antibiotiques, elle s'utilise de la même manière. Il peut être très utile d'utiliser des lames dont l'un des deux côtés est repéré par une marque ou inscription. S'il est assez facile de distinguer le côté sur lesquels les coupes sont fixées, c'est une autre paire de manches lorsque le déparaffinage a eu lieu. Certes, les coupes redeviennent ensuite généralement visibles après les colorations, mais une erreur est très vite arrivée. Il n'y a rien de plus rageant que d'avoir consacré des dizaines d'heures à tenter de réaliser une belle coupe, pour la détruire par inadvertance en une seconde au tout dernier moment durant le montage : Une goutte de toluène que l'on souhaite enlever, un coup de chiffon innocent, et il ne reste plus rien sur la lame ...

Une fois l'étalement effectué, les lames sont mises à sécher en position verticale sur un portoir adapté, et à l'abri de la poussière.

Il est possible d'accélérer le processus à l'étuve (ci-contre), mais quel que soit la technique retenue, il est impératif de s'assurer que les lames sont parfaitement sèches avant de commencer le déparaffinage.

Juste après la coupe, il est fortement recommandé de noter sur les lames, avec un marqueur résistant à l'eau, la nature de l'objet étalé, soit en indiquant son nom, ou en utilisant un numéro reporté sur un cahier. Effectivement, après un certain temps, il est parfois difficile de se rappeler ce qui a été coupé, même après un examen attentif de la lame.

Les lames blanches peuvent être conservées sur de longues périodes à l'abri de la poussière et à l'obscurité, dans des boîtes de rangement avec index.

Séchage des lames blanches à l'étuve.

Le traitement des lames blanches commence par une étape de déparaffinage.

Les lames sont immergées dans un bain de toluène ou un substitut (histoclear, bioclear, etc.), qui va dissoudre la paraffine (dans cet exemple, il s'agit de coupes de caryopse de blé). Les préparations sont ensuite portées dans un bain d'alcool absolu, puis des alcools de concentration décroissante (90° et 70°), pour finir par de l'eau pure.

Le déparaffinage doit être total. Il est préférable d'éviter d'utiliser des solvants trop usagés, ce qui aboutirait à un déparaffinage partiel, qui contrarierait ensuite la coloration. A la sortie du bain au pouvoir dissolvant (toluène ou substitut) et du bain d'alcool absolu, il est recommandé d'examiner les lames pour vérifier que la paraffine a bien été totalement ôtée.

Une fois réhydratés, les tissus sont alors prêts pour la coloration. Notez qu'il s'agit d'une séquence inverse à celle qui a permis l'inclusion dans la paraffine. Les spécimens seront à nouveau complètement déshydratés pour le montage entre lames et lamelles.

Coloration

Les premiers colorants utilisés en microscopie étaient naturels. Les plus célèbres sont sans conteste le carmin extrait de la cochenille (dactylopius coccus) et l'hématoxyline tirée du bois de campêche (haematoxylum campechianum). Le carmin permet encore de nos jours de colorer, selon sa formulation, noyaux cellulaires, cellulose, glycogène ou petits animaux. Quant à l'hématoxyline, elle est utilisée en histologie depuis plus d'un siècle, et ne sera sans doute jamais remplacée.

Fabriquer ces propres colorants peut être une manière très satisfaisante de renouer avec les pionniers de la microscopie. Il est par exemple très facile d'extraire l'acide carminique de la cochenille. Achetés desséchés, ces petits pucerons doivent simplement être concassés à l'aide d'un mortier. Il suffit ensuite d'inonder la poudre obtenue avec de l'eau distillée bouillante, puis de filtrer le mélange avec un tissu à mailles très fines pour obtenir le précieux colorant rouge sang.

La majeure partie des colorants employés en microscopie provient cependant de la chimie. Une quantité innombrable de principes colorants, plus ou moins spécifiques et puissants, purent en effet être fabriqués à partir des goudrons issus par la distillation de la houille, suite à la synthèse historique de la mauvéine par William Perkin à partir de l'aniline en 1856.

Quelques flacons de colorants utilisés pour la coloration des frottis sanguin (et qui appartiennent à la famille des Romanowsky) : le May-Grünwald Giemsa (assez prisé en France) et le Leishman (plus apprécié en Grande Bretagne), ainsi que l'indispensable tampon alcalin. En bactériologie, la coloration la plus utilisée est la coloration de Gram, qui consiste à traiter un frottis avec un colorant violet (ici du violet de gentiane), à mordancer avec de l'eau iodée (Lugol), puis à différencier à l'alcool et enfin à contre-colorer avec un colorant rose (ici de la Fuchsine de Ziehl). En botanique, le carmino-vert de Mirande (carmin aluné et vert d'iode) est le colorant classique, avec la technique Safranine / Fast Green. D'autres colorants plus modernes peuvent être utilisés avec intérêt. C'est le cas des Etzold bleu et vert et surtout du Wacker, qui donne des résultats magnifiques.

Une coupe longitudinale de lombric de basse qualité (présentant des stries, des plissements, des replis, etc.), réalisée avec une lame de microtome usagée, est utilisée ici pour illustrer les différentes étapes d'une coloration hématoxyline éosine de routine. De haut en bas : (1) lame blanche, (2) lame déparaffinée (3) après coloration à l'hématoxyline de Harris et bleuissement, (4) après différentiation à l'alcool acidifiée et enfin (5) après contre-coloration à l'éosine. On notera que malgré les défauts de la lame blanche, le résultat reste finalement correct. Sur les quatre premiers clichés, les couleurs ont été légèrement rehaussées pour faire sortir les détails.

Contrairement à l'histologie végétale, l'histologie animale s'appuie sur de très nombreux colorants. La coloration la plus classique est celle de l'hématoxyline éosine (HE). L'hématoxyline existe sous de multiples formulations, qui peuvent être régressives (sur-coloration puis différentiation avec de l'alcool acidifié) ou progressives (arrêt de la coloration lorsque le résultat est jugé satisfaisant). Certaines formulations sont prêtes à l'emploi, tandis que d'autres sont préparées juste avant utilisation. Pour ma part, j'utilise principalement l'hématoxyline de Harris, mais d'autres conviennent mieux pour des études cytologiques, ou les tissus végétaux. Cependant, quelque soit la formulation, le principe de coloration reste toujours le même : l'hématoxyline est oxydée (grâce à un agent oxydant) en hématéine, qui se fixe sur certaines structures grâce à un mordant métallique (aluminium ou fer). La contre-coloration s'effectue avec de l'éosine, qui est généralement employée en solution aqueuse. Cette étape n'est cependant pas aussi simple qu'il y paraît, car de nombreux facteurs rentrent en jeu, comme le pH de l'éosine, le pH de l'eau de lavage, ou encore la durée et la concentration des bains d'alcool qui suivent la coloration. Si la différentiation des différentes structures (muscles, fibres de collagènes, cytoplasmes, globules rouges) n'est pas assez prononcée, ou si la coloration est trop pâle, il peut être utile d'opter pour de l'éosine en solution alcoolique, ou mieux des mélanges avec d'autres principes colorants (phloxine, érythrosine, orangé G). En France, la coloration à l'hématoxyline/éosine est souvent complétée par du safran (HES). Des colorants spéciaux peuvent aussi être employés dès qu'il s'agit de mettre en évidence certaines structures spécifiques (comme les fibres de collagène pour le Van Gieson, les fibres élastiques avec le Miller, le mucus avec le bleu alcian, etc.).

En histologie animale, certaines colorations demandent de nombreux réactifs parfois délicats à trouver. C'est le cas du trichrome d'Azan, qui est une coloration magnifique lorsqu'elle est réussie, mais qui demande cinq réactifs différents. Contrairement à la coloration de routine hématoxyline/éosine, les trichromes sont des colorations qui mettent en œuvre trois colorants (l'objectif étant d'augmenter la différentiation des structures), et qui sont généralement plus longues et complexes. Sur la photographie ci-dessus, des coupes de lombric sont actuellement au stade de mordançage par de l'acide phosphotungstique dans une jarre de Coplin en polypropylène. Deux des principes colorants les plus utilisés en microscopie sont naturels et proviennent d'êtres vivants : l'hématoxyline (extrait du bois de campêche) et le carmin (aimablement fourni par les cochenilles). Ce ne sont cependant pas les seuls, et il est ainsi possible d'utiliser tout simplement du jus de myrtille (mélangé à de l'alcool) pour pouvoir colorer facilement les noyaux cellulaires et les chromosomes. Certains colorants (ici de l'hématoxyline de Harris) doivent être filtrés régulièrement, sous peine de contaminer les lames avec des dépôts de précipitation.

Cuve en verre adaptée à la coloration de lames individuelles, avec portoir en fil plastifié. Ce type de cuve convient aussi parfaitement pour les frottis sanguins et les préparations bactériologiques. Pour traiter des coupes végétales, que l'on manipule avec un pinceau fin, on peut utiliser un plateau de coloration en porcelaine. Très pratique, ce dernier permet de réaliser la plupart des étapes, dont la coloration. Des godets en verre transparent, ou mieux encore en verre noir, permettent de traiter facilement les coupes végétales, qui sont transportées de l'un à l'autre avec un pinceau. Les godets sont munis d'un couvercle en verre pour éviter l'évaporation des liquides.

Batterie de tubes cylindriques de Borel (avec prisme) et cuve de Coplin. Ces jarres permettent de colorer un petit nombre de lames (de 3 à 5) tout en faisant des économies de colorants. Cuves de coloration rectangulaires de Hellendahl et de Schiefferdecker, avec ou sans support. Ces cuves permettent de traiter une dizaine de lames par bain. Pour colorer un plus grand nombre de lames, il est possible d'utiliser des rampes de coloration. Le modèle présenté ici possède un panier d'une capacité de 25 lames, et douze bacs d'un volume de 300 ml. Les laboratoires professionnels possèdent souvent des automates de coloration.

 
Après chaque session de travail, il est particulièrement important de laver soigneusement la verrerie ainsi que les instruments à l'eau savonneuse, avant de rincer le tout à l'eau distillée. S'ils sont astreignants, ces lavages permettent d'éviter les problèmes liés à des contaminations (des produits chimiques ou des spécimens entre eux), et offrent de plus le plaisir de travailler avec du matériel propre. Cette remarque s'applique également au microscope et au microtome, qui doivent être nettoyés après chaque utilisation. Boite en plastique permettant le rangement des colorants (conditionnés ici en flacons de polyéthylène d'une capacité de 50 ml et munis de bouchons compte-goutte) à l'abri de la poussière et de la lumière.  

Montage

La réalisation de préparations définitives nécessite des lames de verre (bords bruts ou rodés, coins coupés ou non, avec ou sans zones dépolies pour le marquage, à concavités, etc.) et des lamelles. Il est idéal d'en avoir un assortiment de différentes formes et dimensions (carrées, rectangulaires ou rondes). J'avoue une certaine prédilection pour ces dernières, qui rendent les préparations plus jolies. Il existe de nombreux milieux de montage : le plus facile à utiliser est la gélatine glycérinée, même si elle nécessite une étape de lutage. D'autres milieux plus efficaces à long terme exigent une déshydratation des échantillons et un passage dans le toluène : c'est le cas du baume du Canada et de ses substituts. L'Euparal permet de sauter cette dernière étape, et accepte les échantillons directement à la sortie des alcools absolus. Le naphrax est un milieu de montage à haut indice de réfraction, adapté aux diatomées. L'étape finale de la fabrication d'une préparation définitive est d'effectuer le montage de l'objet entre lame et lamelle (en évitant autant que possible les bulles). Une fois que la préparation est sèche, il est ensuite nécessaire de l'étiqueter soigneusement, en renseignant au minimum la nature de l'objet et la coloration, et si possible le milieu de montage et la date.
Le montage (ici avec du baume du Canada) demande un peu de pratique. Une fois l'objet correctement déshydraté (aucun nuage blanchâtre ne doit venir troubler le toluène ou le xylène), une goutte de baume est déposée sur la lame. Une lamelle aux dimensions adaptées est alors appliquée de biais, pour éviter autant que possible l'apparition de bulles d'air. Le baume étant assez avide d'air, les plus petites bulles pourront cependant disparaître spontanément. Sinon, il faudra tenter de les pousser dehors (ou de les déplacer) en appliquant une pression sur la lamelle. Le séchage peut prendre jusqu'à un mois à température ambiante. Lors de la dépose d'un seul spécimen sur une lame et de l'utilisation de lamelles rondes, il peut être parfois difficile de centrer correctement l'ensemble (lame de droite). L'emploi d'un gabarit facile à fabriquer peut alors se révéler d'une grande aide. Il suffit de dessiner avec n'importe quel logiciel d'images un rectangle aux dimensions d'une lame de microscope (76 x 26 mm), de tracer des diagonales, puis de placer des cercles de différents diamètres au centre, selon les lamelles que l'on possède. Ici le gabarit est imprimé sur du papier collant, ce qui permet de plus de pouvoir le plaquer sur le plan de travail sans que celui-ci ne se déplace durant les manipulations. Selon le sujet étudié, ou l'épaisseur avec laquelle il a été coupé, il arrive parfois que l'objet placé entre lame et lamelle ne soit pas parfaitement plat, ce qui peut alors gêner l'observation au microscope, tous les secteurs ne pouvant alors plus être sur le même plan focal. Si cela arrive rarement avec des tissus animaux mous, cette situation est plus fréquente avec les coupes végétales ou les insectes. L'une des solutions peut consister à tenter d'aplatir l'objet en plaçant des masselottes plus ou moins lourdes sur la lamelle. Il convient cependant de procéder avec soin, car avec des objets fragiles le remède peut être pire que le mal. Sous la contrainte, le milieu de montage peut déborder légèrement de la lamelle, mais il est assez facile d'ôter ensuite l'excédent avec un solvant approprié.

 
Les lames montées à la gélatine glycérinée doivent être lutées avec des vernis spéciaux (historiquement, du lut au bitume de Judée était utilisée). L'opération est grandement facilitée en utilisant une tournette.

La tournette en action. L'opération consiste à déposer une fine couche de vernis sur le bord de la lamelle ronde qui protège le spécimen monté.

 

 

  La documentation des préparations par des étiquettes est une étape finale très importante, qui ne doit pas être négligée. Selon le type de préparation, une ou deux étiquettes de taille variable peuvent être collées sur les lames. Il convient de faire apparaître le maximum d'informations sur les étiquettes : nature de l'objet, orientation de la coupe et coloration, et si possible la date de réalisation et le milieu de montage employé. Si, pour les collections, il est idéal et particulièrement esthétique de fabriquer des préparations avec un seul spécimen monté sous une lamelle ronde, il est également souvent nécessaire de produire des lames avec une série plus ou moins importantes de coupes. La préparation de gauche a ainsi été réalisée pour pouvoir trouver la zone méristématique à l'extrémité d'une tige de Coleus, et celle de droite pour étudier l'œil d'un poisson et localiser notamment l'arrivée du nerf optique sur la rétine. Des coupes de différentes épaisseurs peuvent aussi être collées sur une même lame, de manière à pouvoir identifier aisément l'épaisseur optimale de coupe, et s'éviter de nombreux essais. Une fois épaisseur idéale déterminée, des coupes sériées peuvent ensuite être produites par maximiser la chance d'obtenir une section parfaite qui pourra être photographiée comme référence (comme ici au centre).

35 années séparent ces deux préparations. Désireux de pouvoir observer les alvéoles d'un poumon de grenouille, j'ai réalisé celle de gauche quand j'avais 15 ans. À l'époque, j'ai dû me contenter de couper un petit morceau de poumon et de le colorer simplement avec de l'éosine, avant de l'écraser le plus délicatement possible entre lame et lamelle. La préparation de droite, bien plus récente, est une coupe transversale de 5 microns d'épaisseur réalisée par inclusion en paraffine, et colorée par une triple coloration (trichrome d'Azan). Les deux sont montées au baume du Canada, avec une lamelle carrée pour la première, et une lamelle ronde (que je rêvais de pouvoir employer quand j'étais gamin) pour celle de droite. Le baume du Canada reste pour moi le meilleur milieu de montage possible pour les préparations permanentes. Cette résine naturelle possède non seulement la propriété de résorber les agaçantes bulles d'air, mais autorise également une conservation très longue dans le temps. Les préparations ci-dessus ont plus de 35 ans, et malgré le jaunissement du baume et l'emploi d'une quantité de résine un peu trop généreuse à l'époque, elles procurent un plaisir d'observation resté intact : les objets placés entre lames et lamelles n'ont effectivement subi aucune dégradation. Au-delà de l'exploration de l'univers animal et végétal, le microscope permet également d'étudier le monde inanimé, notamment les roches et les minéraux. Aussi étrange que cela puisse paraître, il est effectivement possible d'observer des roches au microscope. Là aussi, la technique consiste à les amincir suffisamment (à une épaisseur standard de 30 microns) pour que la lumière puisse passer au travers. Etant donné le matériel nécessaire à la réalisation des lames minces de roche, je les achète ou je confie leur réalisation à une société spécialisée située dans les Vosges. La photo ci-dessus montre, de gauche à droite et de haut en bas, des lames minces taillées dans un minerai de fer rubané précambrien âgé de plusieurs milliards d'années, un grès vosgien, un jaspe rouge, un chert fossilifère de Gunfint de 1,8 milliards d'années, et enfin un micaschiste de Norvège.

Pour débuter, et contrairement à ce que l'on entend souvent, il peut être très avantageux de se constituer une collection de préparations du commerce : non seulement certaines préparations sont totalement hors de portée de l'amateur, mais en plus, de nombreuses lames (en particulier celles d'histologie animale et humaine), en suscitant la curiosité, peuvent se révéler très inspirantes. Combien d'amateurs ont abandonné leur microscope à la poussière, après avoir observé un épiderme d'oignon et les infusoires dans l'eau d'un vase ? Les lames du commerce constituent également une référence intéressante pour l'amateur, qui peut alors jauger ses progrès de manière concrète en travaillant sur des sujets qu'il possède déjà en collection. Bien entendu, il est également très satisfaisant de constituer ses propres collections, d'autant que selon le milieu de montage utilisé, les lames peuvent traverser le temps. Il est évident qu'entre une lame achetée dans le commerce et une lame entièrement réalisée à la main, depuis la collecte du spécimen jusqu'au montage final, le potentiel de connaissance qu'il est possible d'acquérir est incomparable. L'investissement n'est pas non plus le même, que ce soit en termes d'efforts et de persévérance, de budget ou de temps. Détail de l'une des boites de préparations de l'auteur. La plupart des lames de cette boîte ont plus de 30 ans, et ont été réalisées alors que j'avais 15 ans. Montées dans du baume du Canada, elles procurent un plaisir intact à l'observation. Les moyens à ma disposition étant à l'époque limités, je consacrais surtout mon temps à l'étude des insectes, tout en réalisant également quelques coupes végétales. Paradoxalement, il était bien plus aisé de se procurer les produits chimiques indispensables au microscopiste que maintenant.

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