Chroniques martiennes

Remise en question de la date d’apparition du champ magnétique martien

Lundi 18 décembre 2000
Magnetisation fossile de la croute martienne (Crédit photo : NASA/JPL)
Trois chercheurs de l’Université de Californie à Los Angeles viennent de proposer une théorie intéressante sur la naissance du champ magnétique de la planète Mars. Ce dernier serait apparu après 4 milliards d’années, soit plus tardivement que prévu.

L’une des principales découvertes de la sonde Mars Global Surveyor a été la mise en évidence d’une très forte magnétisation de la croûte martienne, en particulier au niveau de l’hémisphère sud. Cette magnétisation prouve que la planète rouge a possédé dans un lointain passé un champ magnétique global et actif. Aujourd’hui, celui-ci a complètement disparu, et seules subsistent les aimantations fossiles qu’il a imprimé dans les roches martiennes.

Comme celui de notre planète, le champ magnétique de Mars aurait été généré par le noyau métallique situé au cœur de la planète, ce dernier comportant une partie solide interne et une partie liquide externe. Des mouvements de convection dans la partie fluide donnaient naissance à des courants électriques qui induisaient un puissant champ magnétique. Le noyau martien se comportait un peu comme une dynamo de bicyclette, d'où le nom de dynamo martienne donné au mécanisme à l’origine du champ magnétique.

En observant le relevé magnétique établi par Mars Global Surveyor, on remarque que les terrains extrêmement vieux de l’hémisphère austral de la planète Mars ne sont pas tous magnétisés. Aucun vestige magnétique n’est n’observé au niveau de deux des plus grands bassins d’impact, Hellas et Argyre. Antérieures à 4 milliards d’années, ces formidables dépressions ont été creusées par l’impact d’un astéroïde de belle taille sur la surface martienne. L’énergie dégagée par la collision a été suffisante pour effacer les informations magnétiques incrustées dans l’écorce, la température ayant largement dépassé le point de curie (température à partir de laquelle la magnétisation disparaît sous l’effet de la chaleur).

Si, après les impacts, la croûte baignait encore dans un champ magnétique, les roches auraient dû en enregistrer la présence en refroidissant. Hellas ou Argyre ne montrent plus aucune trace de magnétisation : la dynamo martienne s’était donc déjà éteinte au moment de leur formation. Grâce à ces deux bassins, les scientifiques ont ainsi pu estimer la période à laquelle le champ magnétique martien s’est évanoui : avant 4 milliards d’années.

Cette date clé, largement reconnue par la communauté scientifique, est aujourd’hui contestée par trois chercheurs de l’Université de Californie, qui ont publié un court article dans le numéro du 7 décembre 2000 de la revue Nature. Contrairement à leurs collègues, ils ne considèrent pas l’absence de la magnétisation au niveau d’Hellas ou d’Argyre comme un signe de l’arrêt de la dynamo martienne, mais au contraire comme la preuve de son démarrage tardif. Selon eux, lorsque les deux bassins d’impact se sont formés vers 4 milliards d’années, la dynamo n’avait pas encore commencé à "tourner".

Le champ magnétique martien serait donc apparu avec un retard de plusieurs centaines de millions d’années dans l’histoire géologique martienne. Les trois scientifiques américains précisent aussi que si la date de sa disparition n’est pas connue, cette dernière a cependant dû être tardive. Mars Global Surveyor a en effet détecté une magnétisation dans le secteur de Tharsis, l’une des régions les plus jeunes de la planète.

La chronologie du champ magnétique martien a des implications fondamentales sur l’histoire de la planète rouge, et en particulier sur l’évolution de son atmosphère. Pour Henri Reme, du Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (CESR) à Toulouse "un arrêt de la dynamo martienne antérieur à 4 milliards d’années signifie que le champ magnétique n’a opéré que pendant très peu de temps, et que l’érosion atmosphérique a dû être dès le début très importante." Le champ magnétique agit effectivement comme un bouclier protecteur, en empêchant le vent solaire de "décaper" les atmosphères planétaires.

Cette nouvelle datation de l’enclenchement de la dynamo martienne attend bien entendu une confirmation, et il faudra attendre de nouvelles données avant d’en savoir plus. Henri Reme rappelle que "seulement 20 % de la surface martienne a été cartographiée par le magnétomètre de Mars Global Surveyor à une altitude suffisamment basse pour que la détection des signatures magnétiques puissent avoir lieu." Les scientifiques comptent donc envoyer dans un futur proche de nouvelles sondes équipées de magnétomètres de haute précision. Henri Reme travaille ainsi avec le Jet Propulsion Laboratory, sur un projet de ballon. En évoluant à quelques kilomètres seulement de la surface martienne, celui-ci serait aux premières loges pour mesurer l’aimantation de l’écorce martienne et décrypter l’histoire du champ magnétique de la planète rouge.

Geoman Cet article a été publié pour la première fois sur le site Geoman.Net.

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